20 octobre

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Trois jours que je suis à La Haye. On m'a interrogé déjà plusieurs fois dans le cadre de l'enquête. Je crois qu'ils ont pu accéder aux vidéos de surveillance, car je suis passée de « suspecte » à « témoin ». Ça me rassure : je n'ai rien fait, ils le savent.

Je suis dans une chambre que l'on m'a prêtée. J'ai un lit, un vrai ! Et puis, j'ai le droit à une salle de bain – avec lavabo, douche et WC –, une petite fenêtre, une armoire et un miroir. D'ailleurs, je l'évite celui-là. J'ai l'impression de voir une autre personne. C'est fou comme on peut changer en une dizaine de jour ! Ma peau est encore plus pâle que d'habitude, ça fait ressortir les cernes noirs que j'ai sous les yeux. Mes cheveux ne veulent plus rester en place, ils ont une couleur pitoyable. J'ai maigri. Encore. C'est ma mère qui me dirait que je ne prends pas soin de moi !

Ma mère... Ça fait combien de temps que je ne l'ai pas appelée ? Deux ans au moins. Plus peut-être ! Je ne suis pas retournée la voir depuis... Un bail. Et mon père ! N'en parlons pas ! Il ne veut plus me parler non plus.

On frappe à la porte. Je sors de mes pensées. Je vais ouvrir. C'est Van Hecke.

– Bonjour madame Faussette.

J'avais oublié le « madame ». Je souris bêtement en l'entendant.

– Je suis venu vous demander si vous seriez prête nous aider sur des recherches sur le filovirus qui sévit actuellement...

Je ne l'avais pas encore vu d'aussi près sans combinaison. Il doit avoir la quarantaine, à peine. Il a de petites boucles rousses et brunes qui partent dans tous les sens, une mâchoire carrée et des yeux vert bleuté. Il y a un truc étrange dans ce regard...

– Madame Faussette ? m'interpelle-t-il.

– Oui ! Oui. Bien sûr que je vais vous aider sur ces recherches... J'ai déjà travaillé sur ce virus, en plus...

– Très bien. C'est super. Vous me suivez ?

Bien sûr que je te suis ! Tu crois que je vais te laisser filer ? Tu m'as collé aux basques pendant des jours, à mon tour maintenant ! On traverse un dédale de couloir pour arriver dans une grande salle, pleine de personne en train de discuter, avec leurs tablettes, leurs ordinateurs et leurs smartphones entre les mains. Il y a des dizaines de tables et un grand écran qui affiche plein de données réactualisées régulièrement. Van Hecke s'arrête devant la porte, j'en fais de même.

– Je vous laisse ici. Le docteur Sala va vous expliquer tout ce qu'il se passe ici. Je vous souhaite bon courage.

Il est sur le point de s'en aller, mais je le retiens.

– Je voulais vous dire... Merci d'être allé récupérer mes affaires, la dernière fois.

Il me regarde sans émotion. Tout passe par son regard. Celui-ci s'illumine un peu.

– Je vous en prie, répond-t-il platement.

Il s'en va tout de suite après. Je suis rejointe par un homme à la peau noire et aux cheveux blancs. Il sourit.

– Vous devez être la professeure Faussette, s'exclame-t-il dans un anglais presque parfait. Je suis le docteur Sala, je dirige les recherches ici, à La Haye.

Je parcours la salle du regard. Pas de blouse, pas de microscope, pas de hotte... Lorsque Van Hecke m'a parlé de recherche, j'ai pensé pouvoir reprendre mes recherches avec mes cultures. Et je me retrouve ici, à faire des recherches avec des données informatiques. Sala doit voir que je suis déçue.

– On n'a pas de laboratoire ici. Nos recherches se concentrent sur l'avancement de l'épidémie, le type de population touché, les facteurs qui pourraient accélérer la dissémination du virus...

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant