13 novembre

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Je me réveille. Van Hecke est parti dans la nuit. On n'a pas eu la force de parler, alors on est resté l'un avec l'autre, sans rien se dire. On a fini par sécher nos larmes, et on est parti se coucher. Soulager ses peines à deux, c'est plus facile que seul. Même si on n'a pas dit un mot, j'ai eu l'impression qu'il me racontait tout. On se comprend. Tout notre monde s'est effondré en quelques semaines.

Je ne sais pas pourquoi, mais ce matin, je repense à mes parents. Je n'ai plus – enfin, pas du tout – de nouvelles. La pandémie a déjà atteint l'Afrique et les Etats-Unis ; La Rochelle n'est pas épargnée, c'est sûr. Est-ce qu'ils sont encore vivants ? J'aurai bien aimé les revoir. Au moins pour leur raconter ce qu'il s'est passé depuis que je suis partie de chez eux. Et pour m'excuser aussi.

Je descends pour prendre le petit-déjeuner. Il est tard, Van Hecke ne m'a pas attendue. Je m'installe seule, à une table au fond de la salle. Je médite pendant quelques instants au-dessus de mon café. Quelqu'un s'approche de moi. Je lève la tête.

– Madame Faussette ? demande la femme.

Elle est habillée en uniforme de l'armée, les cheveux tirés et le visage dur. Elle me dévisage. Elle pose ses yeux sur mon crâne rasé. Je n'aime pas ça.

– Quoi ? dis-je méchamment.

– Veuillez me suivre, s'il vous plaît.

J'avale mon café et lui emboite le pas. Elle m'emmène dans ce qui devait être une salle de réunion, avec une table, trois chaises. Il y a une caméra, posée en évidence sur la table. La femme me demande de m'asseoir. J'obéis. J'attends un peu, avant que quelqu'un n'entre. Un homme, grand, baraqué, vient s'asseoir en face de moi.

– Vous êtes arrivée ici dans l'illégalité.

– Bonjour, ravie de vous rencontrer aussi.

Il me regarde, à moitié amusé, à moitié irrité. Il me sourit tout de même.

– Madame Faussette, on n'a pas le temps de jouer. Vous avez provoqué une pandémie mondiale...

– J'ai rien fait, répliqué-je calmement. Je n'ai pas provoqué cette maladie.

– C'est vous qui étiez dans le labo le soir où...

– Je vous le répète : ce n'est pas moi qui ai provoqué cette pandémie.

Je veux rester calme, pour une fois, mais apparemment, il ne veut pas que ça se passe bien entre nous. Il veut jouer, on va jouer. Je vais te montrer que je suis plus intelligente que toi.

Trois heures. Je suis restée trois heures dans cette salle, avec cet homme qui me tapait sur les nerfs. Trois heures pendant lesquelles je suis restée parfaitement calme. L'autre, beaucoup moins. J'ai failli craquer, mais je gardais tout à l'intérieur. Je reste dans ma chambre pour calmer mes nerfs. J'ai pété un stylo, déchiré quelques feuilles.

La porte s'ouvre. Je sursaute. Van Hecke rentre, un peu affolé. Je ne comprends vraiment pas pourquoi, mais on se précipite tous les deux l'un vers l'autre. On ne s'est pas vu de la journée, peut-être que c'est simplement... Qu'on s'est manqué ?

– Ils ne t'ont rien fait ! Tu vas bien ?

– Non, ils ne m'ont rien fait. Ça va. Et toi ?

Je viens de réaliser qu'on se tutoie tous les deux. Il secoue la tête, mais je vois bien qu'il s'est passé quelque chose.

– Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

– Il faut qu'on s'en aille, Camille.

Je le regarde dans les yeux.

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant