29 novembre

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Je me lève. Je m'étire. Ces derniers jours, je me suis beaucoup reposée. On ne s'est presque pas parlé avec Maxime. Je sais qu'il veut que je lui dise tout. Mais je n'ai pas besoin d'un psychologue. Mes parents sont morts, c'est tout. Ça ravive des souvenirs. Pas que des beaux souvenirs, malheureusement. Mais bon.

Dans l'après-midi, je descends de ma chambre. J'ai faim. Et puis, je n'ai pas bougé de là de la journée. J'ai rangé mes affaires, sorti les vêtements qui me vont encore et trouvé beaucoup, beaucoup de bijoux. J'en mets quelques-uns, ça me change.

Maxime est dans le canapé. Il me fixe. Je l'ignore. Je passe dans la cuisine et je prends une biscotte sur laquelle j'étale de la confiture d'abricot. Je l'entends arriver derrière moi.

– Il faut qu'on se parle.

– Si tu veux.

– Je sais que tu as des choses à cacher. Quand j'ai fait mes recherches sur toi, je n'ai rien trouvé à La Rochelle. Je ne savais même pas que tes parents habitaient ici.

Je soupire.

– Et alors ?

– Alors pourquoi tu essayes tellement de te cacher ?

– Je ne me cache pas. J'essaye d'oublier cette partie de ma vie.

– Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ici pour que tu veuilles oublier d'où tu viens ?

– Je ne viens pas d'ici.

Et merde. J'aurais jamais dû dire ça. Il va me poser encore plus de question maintenant. Déjà, il me regarde avec des yeux transperçants. Je serre les lèvres. Je me tourne vers la fenêtre.

– Tu te rends compte combien c'est dur de te faire un minimum confiance ?

– Ça te dérangeait pas, il y a quelques semaines !

– Il y a quelques semaines, je ne pensais pas que j'allais venir vivre dans la maison de tes parents qui ne sont référencés nulle part ! Je pensais que je trouverais des réponses ! Mais tu n'as rien fait pour m'en donner !

– Et alors ! Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu te posais pas autant de questions avant ! Si ça te dérange autant que j'ai des secrets, t'as qu'à te barrer, aller voir les militaires et leur demander de m'interroger ! T'as qu'à monter une enquête ! J'ai pas à te dire ce qui te regarde pas ! J'ai pas à te déballer ma vie ! Je te dois rien !

– Sans moi tu ne serais pas arrivée ici !

– Tu veux des remerciements, c'est ça ?

– J'en attends plus depuis longtemps, de ta part !

– Je te l'ai dit, je ne te dois rien ! Je m'en serais tirée sans toi ! Je suis grande, d'accord ! Je me suis toujours débrouillée toute seule !

– Tu te rends compte de ce que tu dis ! Si je n'avais pas été là, à la CPI, tu ne serais jamais partie ! Tu aurais été enfermée ! A perpétuité !

– Mais bordel arrête un peu ! Qu'est-ce que tu veux à la fin ? M'obliger à tout te dire ? Mais tu sais pourquoi je ne te dis rien ? Je ne t'ai jamais rien dit parce que je tiens à toi ! Et que si je te disais ce que j'avais fait...

Je m'arrête. Je le regarde dans les yeux. J'ai pas oublié que tu es un flic. Il est silencieux. Je ne veux pas finir ma phrase. Je passe à côté de lui et je monte dans ma chambre. Je ferme la porte à clé. J'ai besoin de rester seule, de refermer la porte des souvenirs que je viens de rouvrir en lui disant tout ça. J'ai besoin de la refermer pour un petit moment.

Maxime veut me forcer à retourner des années en arrière. Il veut me forcer à me rappeler. Ce n'est pas ton histoire, Camille. Camille Faussette.

Je suis née à La Rochelle. La Rochelle. C'est ma ville. J'y ai étudié. Puis, tu es partie, Camille, à 16 ans, à Paris... Pour oublier. Si tu as oublié une fois, tu peux encore oublier.

Il frappe à la porte. Je ne l'écoute pas. Je fais le tour de la chambre. C'est ma chambre. J'y ai passé seize ans. Enfin... Lorsque je venais dormir ici. J'ai un père, une mère. Ils sont enterrés dans le jardin. Ils sont morts.

– Camille, s'il te plaît...

Le mec, derrière la porte, c'est Maxime. Tu l'as rencontré, un peu par hasard, grâce à ce foutu virus qui a tué tout le monde. Il est en quelque sorte ton « miracle U4 ». Allez, Camille, va le voir. Il est mort d'inquiétude. Ça fait des heures que t'es ici. Ça fait des heures que vous vous êtes disputés. Ouvre cette porte. Laisse-le entrer. Pardonne-le. Explique-lui. Raconte-lui ton histoire, Camille. 

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant