On a passé la nuit l'un à côté de l'autre. Ça m'a rassuré. Je me suis levé pour prendre un cachet de morphine. Et comme je n'arrive pas à dormir, je reste devant la fenêtre. Je l'ai ouverte, j'ai chaud. Je n'entends rien ici. On doit être dans un quartier vraiment calme. Ou dans une petite rue loin de tout.
J'ai soudain des frissons. Je ferme la fenêtre et je m'enroule dans une couverture. J'entends du bruit à l'étage, j'ai envie d'aller voir ; je sors de la pièce et je monte. Il y a encore une salle, où des matelas, des couvertures et des oreillers sont entassés. Trois garçons me regardent arriver, ils sourient.
– Camille ! Comment tu vas ?
– Ça va... Ça va.
J'ai mal à la gorge. Ils m'invitent à m'asseoir avec eux, au milieu d'oreiller posés à même le sol. Ils ont trouvé du pain qu'ils ont fait cuire, de la confiture et même un peu de fromage blanc à étaler. Mais je n'ai pas faim. Je prends juste un peu de thé.
– Et... Comment vous vous appelez ?
– Mickaël, dit un grand brun aux oreilles décollées.
– Hakim, répond un mec à la peau très blanche mais aux sourcils noir de jais.
– Christophe, achève un garçon aux cheveux blond platine attachés en chignon.
Ils ont tous les trois l'air d'avoir dix-huit ans, peut-être plus.
– Je voulais vous dire... Merci de m'avoir aidé.
– C'est rien, dit Hakim. C'est ton copain... Maxime. Il était complètement affolé, il cherchait quelqu'un pour l'aider. Il aurait retourné toute la ville pour te retrouver, tu sais !
– Quand il nous a dit que des mecs vous avaient agressés dans les tunnels du métro, on savait que c'était un gang, continue Mickaël. Et vu que le gang du 16ème traine dans le coin depuis quelques jours, on s'est dit qu'il fallait l'aider. On les connait, il vaut mieux pas être sur leur chemin.
– Je le sais maintenant ! dis-je.
Il y a un moment de silence. Rien qu'en repensant à tout ça, je commence à me sentir mal. J'ai les mains qui tremblent, j'ai des douleurs dans les bras et dans la nuque. Et des sueurs froides, un sentiment d'oppression ou un genre d'angoisse. Je pose ma tasse de thé avant de ne plus pouvoir la tenir.
Je sors et je descends pour prendre un cachet de morphine. J'ai les jambes qui flageolent, j'ai besoin de m'asseoir. J'ai du mal à prendre un comprimé. Des mains se posent sur les miennes. Maxime m'aide à sortir le cachet et à le prendre. J'ai de nouveau du mal à respirer, je sens l'angoisse monter. Qu'estce que j'ai ? J'ai l'impression que je suis observée de tous les côtés, qu'à chaque instant, ce mec blond avec les yeux bridés peut surgir, qu'il peut encore me droguer...
– Ça va, ça va, chuchote Maxime. Tout va bien.
Je ferme les yeux, j'essaye de respirer lentement. Rien à faire, mon cœur s'emballe. Un deuxième comprimé. Allez, reprends-toi Camille. Maxime m'empêche de reprendre encore un cachet.
– Camille, ça va, il faut te calmer.
Il me fixe. Arrête ça ! Arrêtez de me regarder ! Barrez-vous !
—
– Je suis désolée, dis-je encore.
– Ce n'est rien. Tu vas avoir encore quelques jours difficiles, c'est normal. Ils t'ont mis une sacrée dose.
– Oui... Mais je ne pensais pas que ce serait aussi... Violent.
Pourtant, je savais que mon corps ne supporte pas la drogue. Je sais que si je fume ne serait-ce qu'un joint, je me mets à vomir et je passe des heures sans pouvoir rien faire. Mais là... Je suis en manque, je n'arrive même plus à réfléchir. Quand je prends la morphine, ça va, mais dès que ses effets disparaissent...
Je mets du produit antiseptique sur un coton. Le pauvre Maxime ! Après s'être fait frappé, je le griffe ! Je ne l'ai pas raté en plus. Il a un mouvement de recul lorsque je passe le coton sur sa joue.
– Désolée.
Je passe juste à côté de son œil, il serre les dents pour éviter de bouger. J'essaye de rester focalisée sur le coton et sur sa joue, mais je n'y arrive pas.
– Attends, je vais le faire.
Il reprend le coton. Il finit de désinfecter grâce au petit miroir de la salle. Je me sens vraiment nulle et inutile. Il se tourne vers moi.
– Ce n'est rien. Vraiment.
Il dit ça pour me rassurer. Mais je sais bien ce qu'il pense.
– Maxime...
– Camille, tu n'as pas à t'en vouloir. Tu n'es pas dans ton état normal.
– Maxime, il faut que tu t'en ailles sans moi.
Il s'arrête. Je sais, je suis brusque, mais il faut qu'on fasse vite. On n'a plus le temps.
– On ne peut pas rester là, mais avec moi, on n'arrive à rien. Tu peux partir sans moi, tu pourrais aller où tu veux, retourner à Utrecht, visiter la France, je ne sais pas. Mais tu ne dois pas rester là, tu l'as dit. Les militaires vont continuer à nous chercher, le gang aussi...
– Je n'irai nulle part sans toi.
– Il faut que tu t'en ailles !
– Pas sans toi.
– Mais on n'a pas le temps de penser à moi !
Il se tait. Il se rapproche de moi. Je baisse les yeux pour ne pas qu'il voit...
– Arrête de penser à moi ! Pense à toi !
Il pose ses mains sur mon visage. Elles sont douces, délicates, fraiches, rassurantes. Il essuie mes larmes et sourit.
– Je ne pense plus à moi depuis longtemps.
– Tu devrais ! ai-je du mal à souffler.
– Je pense trop à toi. Tu prends de la place, tu sais.
Je souris et je me mets à rire, tout en continuant à pleurer. Je ne comprends pas, mes émotions reprennent le dessus.
– Allez, calme-toi. Calme-toi.
Il me caresse doucement le visage. Ça fait du bien.

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U4 - Camille
Hayran KurguJe m'appelle Camille. Je travaillais sur les recherches pour éradiquer Ebola. Désormais, je suis accusée de "crime contre l'humanité". Mais je ne suis pas une terroriste. Je ne veux pas aller en prison. Sauf que personne ne peut m'aider. Tout le mon...