15 décembre

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J'entends du bruit dans le couloir. J'ouvre un peu les yeux. La porte s'ouvre brutalement. Un mec en noir entre. Suivi du médecin.

– Préparez vos affaires, on part pour La Haye dans la journée.

– Ce n'est pas raisonnable de l'emmener dans cet état ! Il ne faut pas qu'elle bouge de son lit ! On doit la garder sous contrôle médical !

– Encore combien de temps ? Vous m'aviez dit qu'on pourrait partir aujourd'hui et maintenant vous voulez encore la garder ?

Je me redresse. On dirait qu'ils m'ont oublié. Je les laisse discuter.

– Je veux la garder parce que les hémorragies méningées sont graves. On doit rester vigilant ! Sinon vous n'aurez même pas à la juger !

Je me mets à rire. Ils se retournent, comme s'ils réalisaient enfin que j'étais là.

– Je préfèrerais ne pas être jugée en fait !

– Ce n'est pas drôle, mademoiselle Faussette. Soit vous restez tranquille, soit la prochaine fois ça pourra vous être fatal !

– Elle n'a aucune séquelle ! Elle marche, elle parle, elle fait tout normalement !

– Ce n'est pas un indicateur ! Elle a déjà eu deux accidents ! C'est uniquement de la chance si elle n'a pas de séquelle.

– On part dans la journée, décrète le militaire sans donner le choix.

Il sort de la chambre avec le pas d'un mec trop nerveux. Je regarde le médecin, un sourire aux lèvres.

– Je les aime bien ces types. Ils sont marrants.

– Mademoiselle Faussette ! Vous ne pouvez pas partir ! C'est dangereux pour vous !

– Vous croyez vraiment qu'ils se soucient de moi ? Désolée de vous le dire, monsieur le docteur, mais à part vous et deux trois personnes, personne ne s'occupe de moi !

– Ce n'est pas une raison.

Il sort et ferme la porte. Ce n'est pas une raison, mais ce sont eux qui commandent, alors personne ne se souciera de moi. Je m'en fous. Si je crève, ils pourront me foutre tout ça sur le dos, je ne pourrais rien dire, je ne verrais rien, je n'aurais rien à faire, ce sera facile. Je n'aurais pas à faire face aux juges, je n'aurais pas à affronter leurs reproches, leurs accusations. Ça m'arrangerait de crever en fait. Ça m'éviterait plein d'emmerdes. Ça m'éviterait d'être encore plus malheureuse que maintenant. C'est bien la mort. C'est comme une seconde chance. Une façon de refaire sa vie. Enfin, une façon d'être sûr et certain que plus rien ne peux arriver. Du moins ici.

En fait, Anouilh avait raison. C'est pratique la tragédie. C'est simple. On ne se débat pas. C'est le destin. On l'accepte. La mort arrive forcément à la fin. Pourquoi essayer de se battre ? C'est tellement plus simple la tragédie.

Je me lève. Je me dirige vers la fenêtre. Je l'ouvre. On est au deuxième étage. Si je saute la tête la première, aucune chance pour moi de m'en sortir. Je me penche. Ma tête tourne. Je respire encore un

peu l'air frais. Je ferme les yeux. Je pourrais tomber. Mais non. C'est moi qui décide de tomber ou pas. J'aime bien cette sensation de tenir ma vie entre mes mains. Je contrôle ce que je fais de ma vie. Mourir ou pas. A moi de choisir. Le vent caresse mon visage. C'est moi qui décide. C'est parfait. Je me sens si fragile et en même temps si forte à ce moment que je voudrais que ça ne s'arrête jamais.

– Camille !

Maxime me tire en arrière. Je le regarde avec de grands yeux. Qu'est-ce qu'il fait ici ?

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant