25 novembre

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Je me réveille. Je suis recroquevillée sur le canapé. Maxime a dormi dans mon ancienne chambre. On ne s'est pas adressé la parole de la soirée. Je n'avais pas envie. Pas la force. Il n'a pas insisté.

Je prépare le petit déjeuner avec ce qu'il y a. Mes parents avaient fait les courses. Il y a quelques plats surgelés plus très surgelés, quelques paquets de biscotte, de pain et de thé, de la confiture de la voisine, des légumes et des fruits qui commencent à pourrir... Je fais le tri et je range tout. Heureusement pour nous, la cuisine fonctionne au gaz. J'ai fait chauffer de l'eau, j'ai fait du café et du thé. Maxime choisira ce qu'il veut.

J'ai ouvert les fenêtres donnant sur le jardin, pour aérer un peu. Ça sentait la mort, là-dedans. J'ai fait pareil dans la chambre de mes parents. Il faut que je ferme bientôt, d'ailleurs, sinon on va crever de froid. Enfin on a quand même des couettes et des vêtements.

Maxime arrive. Il s'installe à la table et prend tranquillement du café. Il sourit en buvant la première gorgée. Je le regarde en coin. Je ne veux rien dire. Si tu veux parler, tu parles en premier. Je te répondrais. Peut-être.

– Comment tu vas ?

Je hausse les épaules.

– Ça va, je crois. C'est surtout... Ça fait bizarre de revenir ici...

Je fais le tour de la pièce du regard. C'est clair, ça me fait un drôle d'effet.

– Ça fait combien de temps que tu n'es pas venue ?

– Plus de dix ans.

– Je... Je voulais te demander... Pourquoi tu es partie ?

Je souris. Désolée, Maxime. Mais ça ne fait pas assez longtemps que je te connais. Tu es peut-être très sympa et tout ça, mais cette partie de ma vie est beaucoup trop longue à expliquer. Et puis, j'ai pas envie de te le dire aujourd'hui.

– J'ai pas envie de te répondre. Pas aujourd'hui.

Il ne dit rien. Il me regarde avec des yeux qui cherchent une réponse. Il me scrute. Il me dévisage.

– Quoi ?

– Rien.

Il baisse les yeux et finit son café d'un seul trait. Il est toujours stoïque, mais je vois dans ses yeux un trait d'énervement.

– Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Commence pas à m'énerver en ne répondant pas à mes questions. Parce que si je m'énerve maintenant, tu pourrais le regretter.

– Maxime, dis-moi ce qu'il y a !

– Tu me caches quelque chose.

– Bien sûr que je te cache des choses ! Ça fait un mois qu'on se connait ! Je vais pas te déballer ma vie !

Il me regarde. Je le vois se mordre l'intérieur des joues. Il détourne le regard.

– Laisse tomber.

Il se lève et va dans la salle de bain, où on a installé une grande bassine avec de quoi se laver. Je soupire. J'ai pas envie qu'on se dispute alors qu'on vient juste de trouver un endroit où se poser réellement. On est en sécurité, j'ai pas envie qu'on reparte, l'un ou l'autre, sur les routes.

Je monte dans la chambre de mes parents pour fermer la fenêtre. Mon regard se pose sur le lit. On a mis les draps et tout le reste dans un sac plastique. Le lit est à nu. Je ne supporte pas de le voir comme ça.

Je refais le lit, comme si mes parents venaient se coucher ce soir. Voilà. Il faut que je m'y fasse. Je m'assieds sur le lit. Je regarde par la fenêtre. Dire qu'il y a encore quelques années, je me disais que lorsqu'ils mourraient, tous les deux, je serais libérée. Mais il y a ce poids, maintenant. Ce poids qui pèse sur moi...

Maxime débarque dans la chambre. Il est propre. Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu la vraie couleur de ses cheveux. Je devrais en faire autant. Je me lève et me dirige vers la porte. Maxime m'arrête, il me tient par les épaules.

– Camille, tu es sûre que ça va ?

– Arrête avec cette question. Oui, ça va.

Je passe et je me dirige dans la salle de bain. Je me déshabille et me nettoie avec le gant et du savon. Je lave mes petits cheveux. Ils repoussent, petit à petit. Je me nettoie le visage aussi. Puis je reste là, assise sur le tapis de bain, enroulé dans une serviette.

Maxime et moi faisons notre vie dans la maison, chacun de notre côté. On ne se parle presque pas. On mange en silence. On ne se regarde pas. Finalement, Maxime a pris la chambre de mes parents. Il m'a laissé ma chambre. Ça me fait bizarre de revenir ici... 

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant