15 novembre

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Je vomis. Encore. On me tient. Je ne sais pas où je suis. Je ne comprends rien à ce qui m'entoure. J'ai envie de rire, de pleurer, de me suicider et d'attendre encore un peu. Putain de drogue.

J'ai du mal à respirer, mon cœur bat trop vite. J'ai l'impression d'avoir couru un marathon. Je vois des choses incroyables. C'est beau, la vie, quand même. Ils sont cons, les gens qui meurent. S'ils voyaient ce que je vois.

J'ai mal au crâne. Tout tourne, je ne sais plus où est le haut, où est le bas, ou s'il y a encore la Terre sous mes pieds. Où est mon corps ? Je l'ai perdu. Je ne contrôle rien. Je vis comme dans un dessin animé. Le temps passe lentement, puis s'accélère et revient à une cadence normale. C'est fou. C'est complètement fou...

J'ouvre les yeux. Je suis dans un brouillard incroyable. J'essaye de me relever, mais des vertiges me font vomir. Sauf que je n'ai plus rien à vomir à part de la bile.

– Ça fait combien de temps, la morphine ?

– Une heure, même pas.

– Elle est dans un sale état.

Je ferme encore les yeux.

Lorsque je me réveille, je me sens un peu mieux. Le soleil est haut – enfin pour un soleil d'hiver. Il y a beaucoup de luminosité. J'ai froid, je replie mes jambes. Je suis enroulée dans une couverture, sur un canapé, au milieu de plein de coussins. Je sens une main se poser sur mon épaule.

– Bonjour. Tu nous as fait drôlement peur cette nuit, tu sais. Tu me laisses t'ausculter ?

Qu'est-ce qu'il veut que je lui dise ? J'ai l'impression que mon corps ne m'appartient pas, je ne peux pas faire un mouvement. Il regarde mes yeux, mets une lumière devant mon visage, prend mon pouls. Puis, il s'en va et revient un peu après avec quelque chose dans les mains.

– Il faut que tu manges. Sinon, tu vas nous faire de l'hypoglycémie.

Mais j'ai pas faim ! J'ai envie de rien. Il met un truc dans ma bouche et me force à mâcher. C'est vrai que ça fait du bien quand même. Et puis, ça adoucit un peu ma gorge. Un deuxième morceau ? Ok, ok. Il me fait boire un peu aussi. Ça me redonne des forces.

– Voilà. Reste tranquille pour l'instant.

J'aimerai lui dire merci, mais j'en suis incapable. Je ne bouge plus. Je regarde cette luminosité qui envahit la pièce, c'est incroyable.

Je mets du temps avant de comprendre que cette luminosité est due à mes pupilles, complètement dilatées. Vers la fin de la journée, je commence à revoir à peu près normalement. Par contre, j'ai des courbatures dans les jambes et dans les bras, j'ai mal au ventre. Et mes mains se sont mises à trembler, comme ça, sans raison. Je suis en manque.

J'entends des pas dans la pièce. C'est Maxime. Il arrive devant moi. Il a un bleu sur la joue et le nez qui a saigné. Je voudrais lui demander ce qu'il a fait, mais je n'arrive pas à ouvrir ma bouche. Il me regarde dans les yeux et sourit.

– Je t'ai amené de la morphine. On a eu du mal à en trouver, mais on a assez pour que tu tiennes le choc. Ça va ?

Je hoche un peu la tête, je ne sais pas s'il arrive à voir ce mouvement. En fait, je ne sais pas s'il a conscience qu'il parle à un corps vide. Mon esprit est détaché de tout le reste, je ne fais pas la différence entre la réalité et l'imaginaire. Il prend une boite de comprimé et m'en donne un.

– Tu veux le prendre avec un peu d'eau ?

Je le tiens dans ma main, je tremble. Il reprend le comprimé et m'aide à le prendre. Puis, il passe sa main sur mon front.

– Tu as encore un peu de fièvre, mais ça à l'air d'aller un peu mieux, non ?

Je lui souris. Enfin j'essaye. Il se relève, mais je lui attrape la main. Cette fois, c'est un fait, je fais un mouvement. Il a un peu peur, je n'ai pas géré ma force. Mais après, il comprend, il vient s'asseoir à côté de moi.

– Je t'ai manqué, pas vrai ?

Il se met à rire. Je me colle contre lui. Oui, tu m'as manqué. Tu sais pourquoi ? Parce que j'ai eu peur qu'il t'arrive quelque chose. J'ai eu peur qu'ils te trouvent, qu'ils te fassent du mal, qu'ils te fassent payer, que tu meurs... J'espérais que aies réussi à sortir de Paris, à t'en aller aussi loin que possible, mais tu es venu me chercher.

– Tu sais, je suis désolé de t'avoir laissé... J'aurai dû rester avec toi, t'aider à t'enfuir... Je suis vraiment désolé.

Je pose ma tête contre son épaule, je serre son bras. Je ne t'en veux pas, je vais bien, tu vois. Si tu étais resté, tu aurais sûrement été blessé, je m'en serai voulu. C'est de ma faute si on est passé par là. C'est moi qui nous a conduits jusque là-bas, c'est à cause de moi qu'on est passé par la porte de Versailles. C'est de ma faute, c'est bien que ce soit moi qui en ai payé le prix. Tu sais, je tiens à toi...

– Je comprendrais si tu m'en voulais, tu as raison de m'en vouloir, je ne t'ai pas protégé alors que toi tu n'as pas hésité quand le mec me pointait avec son arme... Je n'aurai jamais dû te laisser ce sac en plus ! Je suis vraiment con !

Mais non, mais non. Allez, arrête maintenant. Je l'enlace, il semble comprendre. Il met ses bras autour de moi, ça fait du bien. La morphine commence à faire son effet, et lui... Aussi. Je me sens bien. Ça y est, enfin, on est ensemble. 

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant