24 octobre

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On est arrêté sur un petit chemin, en plein milieu de la campagne flamande, perdu au milieu de nulle part. Je n'ai aucune idée d'où on est. On s'est arrêté dans la soirée. On a fait des tours et des détours pour éviter le maximum de ville. Chaque fois qu'on croisait des habitations, on se taisait tous les deux, la tension montait en flèche. On était soudain sur nos gardes, prêts à faire demi-tour ou à en découdre.

Van Hecke dort encore. Je ne dors plus depuis... Est-ce que j'ai vraiment dormi ? Je sers un vieux t-shirt contre moi. Un souvenir dont je ne peux plus me séparer. Il n'a plus de forme, plus de couleur descriptible. Mais je l'aime comme ça.

L'inspecteur remue à côté de moi, mais ne se réveille toujours pas. Mon ventre me signale qu'il est temps de manger. C'est vrai. Je laisse un mot à Van Hecke, pour le prévenir, pour qu'il ne s'inquiète pas et qu'il ne bouge pas. Je prends discrètement son arme de service. On ne sait jamais.

Je marche le long de la route, qui traverse des champs boueux, coupés par de petits ruisseaux. Ma respiration soulève un petit nuage blanc, mes pas résonnent dans la campagne. Je suis seule. Il fait froid, il fait humide, il fait nuit.

Après quelques mètres, la route tourne. Je passe prudemment les quelques habitations qui sont là, mais il n'y a personne, pas un bruit ne vient déranger le calme de la campagne. Je marche encore un peu. Et là, je n'en reviens pas. Il y a un restaurant ! Le Zennehoeve ne semble pas avoir été visité, contrairement à beaucoup d'autres bâtiments. Les volets n'ont pas été fermés, je crois voir un peu de lumière à l'intérieur.

Je rentre prudemment par la petite porte. J'ai le flingue dans les mains, ça me rassure un peu. Je n'ai pas peur de m'en servir. Le point lumineux que j'ai vu à l'extérieur, c'est le poêle qui brûle encore. Merde. Si le feu est toujours allumé, c'est que quelqu'un est passé récemment, ou que quelqu'un est toujours là. Je m'arrête et j'écoute. Pas un bruit.

Il n'y a peut-être personne en fait. Je suis peut-être simplement un peu parano.

Je secoue Van Hecke. C'est l'heure, faut te réveiller maintenant ! Ça fait des heures que tu dors ! Le soleil est déjà levé ! Il grogne. Il se retourne et soupire.

– Bon, si vous ne voulez pas manger, laissez moins conduire au moins !

Il grogne encore et ouvre un peu les yeux. Cette fois, c'est moi qui soupire. Je sors un morceau de tarte à la pomme et lui mets sous le nez. Tiens, il ouvre bien les yeux maintenant ! Je rigole. Il redresse son siège et s'étire. Ses yeux encore gonflés de fatigue, ses bouclettes complètement folles et le gros pull que je lui ai passé lui donnent un air d'ourson. Je ris encore.

– Quoi ? demande-t-il, la bouche pleine de pomme.

– Rien ! Votre tête me fait rire, c'est tout.

Il me sourit. Il n'a pas encore mis sa carapace d'homme impassible. Je le vois tel qu'il est vraiment. C'est étrange. Je me dis que d'autres personnes ont peut-être aussi joué un double jeu avec moi. Peutêtre que je connais le coupable. Mais pas son véritable visage...

Je reprends le volant. Van Hecke a encore besoin de dormir. Enfin, il a quand même les yeux à demi ouverts, toujours à regarder sur la carte que j'ai chipée au restaurant que je prends la bonne route. Je

roule plus vite que lui, il s'accroche à la poignée. On est seul sur une route de campagne, alors qu'une épidémie décime le monde ! On ne va pas en plus respecter les limitations de vitesse !

– Mais où est-ce que vous avez appris à conduire ?

– A Paris ! ris-je.

– Et vous avez eu votre permis comme ça ?

U4 - CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant