PARTIE 19

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Ces sourcils broussailleux, ces yeux d'un marron noisette, cette bouche croquante....Je saurai reconnaitre ce mec même s'il venait tout droit de sortir d'un camion de goudron. C'était Khaled sur la photo que Diaba nous a montrée, en tee- shirt où les mots « Jeunes Leaders Africains » étaient imprimés en bleu.

Tétanisée par ma découverte, je n'arrivais pas à assimiler complétement l'information que cette photo révélait. « Diaba est amoureuse de Khaled, le mec de tes rêves. Diaba est amoureuse de Khaled, ton amoureux. » . Tel est le message qui sonnait mes oreilles comme le bruit d'un marteau sur une enclume. Les voix des filles me ramenèrent très vite à la triste réalité.

- Yima : Oooh Diaba il est trop beau ce mec. Maintenant, je comprends mieux pourquoi il fait chavirer ton cœur. Il est trop charmant. Mate moi son teint, Kira.

- Diaba : Vous avez vu non, les filles ? Il est incroyablement beau. Je regarde cette photo tous les soirs, avant de m'endormir.

Qu'avais-je fait donc pour mériter toute cette malchance ? Pourquoi de tous les 16 millions et quelques d'habitants du Burkinabé, il fallait que Diaba s'entiche de mon Khaled , et pas d'un autre ? Je me dis que Dieu avait vraiment le sens de l'humour. Encore une fois, il venait de me le prouver. Il devait bien se marrer, de là-haut.

Je me décidai enfin à briser le silence. Le plus longtemps je me tairai, plus critique sera la situation.

- Moi : Euh Diaba, c'est Khaled sur la photo !!

- Diaba : Oui, il s'appelle Khaled. Tu le connais ? Oh mon Dieu !!!! Kira, tu le connais alors ? Tu pourras alors jouer les entremetteuses. Youpiiii !

Elle sautillait de joie, et gambadait comme un cabri. Yima, quant à elle, elle avait compris. Elle savait que le prénom de mon « deuxième copain » avec qui j'ai trompé Gael, était Khaled. Diaba n'avait jamais voulu entendre parler de Khaled puisqu'elle était une fervente admiratrice de Gael. Quand elle mentionnait Khaled, elle utilisait le fameux sobriquet « fils de l'amie de ta mère » dont elle l'avait attribué.

- Moi : Diaba, tu n'as pas compris. C'est Khaled, le fils de l'amie de ma mère.

- Diaba : Quoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? Jure !!!!!!! C'est avec lui que tu sors ? C'est avec lui que t'a trompé Gael ? C'est de lui dont ta mère ne veut pas ?

Euh je n'aimais pas particulièrement ce couplet enchainé de questions. Et bizarrement, je sentais une pointe d'accusation dans son ton. Je la regardais direct, sans ciller :

- Moi : Effectivement. Oui, c'est lui.

Elle me regardait, horrifiée. Je pouvais apercevoir cette lueur de peine dans ses yeux. D'ailleurs, je me rappellerai toujours de ce regard. La Diaba, si joviale, si enjouée avait détalé au profit d'une autre qui m'était inconnue. Grisée par son silence, je m'approchai d'elle et la pris dans mes bras, la sentant au bord des larmes.

- Moi : ça va, Diaba ?

Elle se dégagea doucement de mon étreinte et prit résolument son sac.

- Diaba : Je vais bien, t'inquiète. J'ai juste besoin de temps pour digérer cette affreuse nouvelle. J'y vais, il se fait tard.

- Yima : Attends-moi, on y va ensemble. Encore merci pour le dîner, Kira.

Je les raccompagnai à la porte. Personne ne pipait mot. On aurait dit un cortège funèbre.

A leur départ, je me suis réfugiée dans ma chambre et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. La vie était vraiment injuste. Je ne pense pas mériter ce lot de malheurs. « Qu'avais-je fait pour mériter tout cela ? » me répétais-je inlassablement. Voir Diaba dans cet état m'a fait ressentir une douleur immense. Elle n'était pas seulement mon amie, elle était surtout la petite sœur que je n'avais jamais eue. Et c'était d'autant plus injuste parce que, pour une fois, Diaba se disait amoureuse. Et je la connais depuis plus d'une décennie, et je peux vous dire qu'elle n'a jamais été amoureuse d'un mec. Au contraire, c'était elle qui en brisait des cœurs, belle comme une déesse. En outre, je me demandais comment Khaled avait fait pour ne pas succomber à son charme. Moi, je sais que j'étais moyennement belle. C'était mon caractère qui marquait les gens, pas ma beauté légendaire contrairement à Diaba.

On toqua à la porte de ma chambre. C'était ma mère. Tiens, tiens ! La vieille n'avait pas daigné m'honorer de sa présence dans mon humble « demeure » depuis plusieurs jours. Que se passait-il donc ? J'essuyais discrètement mes larmes et m'assis sur mon lit, bras croisés, m'attendant au pire. Bah oui ! Il fallait bien que je m'y habitue puisque depuis quelque temps le malheur ne cessait de me frapper. Tchiiip.

- Ma mère : Pourquoi tu pleures ?

- Moi : Je ne pleure pas.

- Ma mère : Tu mens. Sais-tu comment je le sais ? A chaque fois que tu mens, tu ne peux t'empêcher de te mordiller les lèvres et de baisser ton regard.

Décidément, elle m'en apprenait des choses. Mais en ce moment, détecter les symptômes précédant un quelconque mensonge de ma part, était le cadet de mes soucis.

- Ma mère : Gael est passé à mon bureau cet après-midi. Nous avons eu une très longue discussion. Il est très mature. J'ai beaucoup d'estime pour lui, tu sais ? En tout cas, il regrette la tournure qu'a prise votre relation, et regrette ses mots durs envers toi, notamment le fait de t'avoir demandé de lui rendre toutes les affaires qu'il t'avait achetées. Il le regrette amèrement, la preuve il ne te les a toujours pas réclamées, non ?

Elle fit une pause pour observer ma réaction. Voyant que je n'avais pas l'intention de coopérer en lui répondant, elle continua néanmoins :

- Ma mère : Il m'a dit qu'il passerait te dire au revoir avant ton départ. Je lui ai dit qu'il pouvait passer à la maison quand il le voulait, il sera toujours le bienvenu ici !

Elle se leva enfin de mon lit pour regagner sa chambre et me lança, comme mot de la fin :

- Ma mère : Si c'est à cause de ta relation avec Khaled que tu te tues à pleurer ainsi, tu perds ton temps. Ce ne sont pas tes pleurs qui m'attendriront. Puisque visiblement tu n'as pas assez de poigne pour mener à bien ta vie amoureuse, je me chargerai de le faire à ta place.

Mes pleurs reprirent de plus belle. Je détestais le fait d'être aussi sensible. Pfff je pleure pour rien. Je me dois d'être plus forte.

Le lendemain, Yima nous invitait Diaba et moi à venir manger du Yassa au poulet chez elle. C'était notre plat préféré à toutes les trois. Mais je n'étais pas dupe. Je me doutais bien que derrière son invitation, se cachait le désir de vouloir régler la situation avec Diaba et moi.

Hormis le fait que l'ambiance était très tendue malgré les incessants efforts de Yima pour détendre l'atmosphère, Diaba d'habitude très bavarde, était devenue laconique.Enfin, c'est Yima qui entra la première dans le vif du sujet.

- Yima : Franchement les filles, il faut qu'on parle nécessairement de ce qui s'est passé hier, même si le sujet est très sensible. Diaba je sais que c'est très dur pour toi surtout que ça se voit que tu es très amoureuse de Khaled. En même temps, qui saurait lui résister ? Heureusement que je ne l'ai jamais rencontré, sinon je serais aussi tombée amoureuse de lui et là, ce serait terrible lol Vous nous imaginez toutes les trois amoureuses d'un même gars haha ?

J'admirais l'effort de Yima pour faire avaler de la façon la plus douce, cette pilule si amère.

- Moi : Diaba, je suis vraiment désolée. Cette situation me peine vraiment. C'est pourquoi dorénavant, chacun de nous doit présenter aux autres son mec officiel. Ça nous évitera à l'avenir les mauvaises surprises.

- Diaba : Justement Kira, toi ton mec officiel c'était Gael, pas Khaled. Il t'a fallu aller voir ailleurs et sortir avec Khaled. Sans ça, on ne serait pas confronté à ce problème. On dit que la nuit porte conseil, et j'ai bien réfléchi. Je vais y aller franco, comme dab, toi-même tu me connais ! Je te trouve bien égoïste de me dire « c'est Khaled, mon mec » comme si ça bouclait le débat. Kira, donne-moi une seule bonne raison pour que je me retire du jeu ! Moi contrairement à toi, ce mec n'est pas moins âgé que moi. Puis, ma mère n'a rien contre lui. Ensuite, je me suis consacrée à lui depuis le début, sans lui préférer un autre parti plus riche. Et, je vis à Ouaga près de lui, pas à des milliers de kilomètres. Et enfin, je parie ce que tu veux, que je l'aime plus que tu ne l'aimes toi. Alors, pourquoi devrais-je me retirer, dis-moi ? Tous les éléments sont en ma faveur.

Tchieeeee ! Dites-moi que je rêve ! Dites-moi que ce n'est pas Diaba , ma Diaba que je connais depuis le collège, qui vient de me sortir ces mots.

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