Tétanisée par l'ordre qui venait de m'être intimé par Tonton Rachid, je pus à peine détacher ma langue de mon palais. D'une voix aussi faiblarde que celle d'un malade sur son lit de mort, je lui répondis en évitant soigneusement son regard :- Moi : D'accord.
Il ne prit pas la peine de me répondre, il s'en est allé d'un pas vif, en égrenant toujours avec autant de piété son long chapelet blanc. Ouf ! Une fois dehors, l'air frais me fit un grand bien. Il faut dire que dès l'instant où le vieux nous avait surpris, je me suis mise à retenir ma respiration. Contrairement à moi qui avais la tête de quelqu'un à qui on venait de surprendre en plein pacte avec le diable, Khaled paraissait serein. Il me prit la main, en silence, me fit assoir sur le siège avant de la voiture, comme une enfant. Il démarra en vitesse, puis s'arrêta au bout de la rue, détacha sa ceinture et me prit dans ses bras pour me consoler:
- Khaled : Chuuut mon bébé, calme-toi. Ce n'est rien. Ce n'est pas bien grave. Ne t'inquiète pas pour demain, je prendrai entièrement mes responsabilités. Je dirai à tes parents que tu n'y étais pour rien, c'est moi qui t'aie sauté dessus comme un barbare. T'inquiète, c'est moi qu'ils blâmeront, pas toi.
Au lieu de me réconforter, ses consolations eurent pour effet de faire perler les larmes aux coins de mes yeux.
- Khaled : Kira, toi aussi ! Calme-toi. Les larmes ne résoudront rien à rien. Je te dis qu'il ne se passera rien, ma chérie. Ils vont juste nous sermonner, et ils passeront à autre chose sous peu. De toute façon, je leur dirai de façon très claire que tu n'y étais pour rien, c'est moi aie provoqué tout ça.
- Moi (en reniflant) : Snif. Ma mère va me tuer si ton père lui raconte ce qu'il a vu. Mon père, n'en parlons même pas. Il serait capable de me mettre en quarantaine, je serai privée de sortie éternellement et condamnée à être bonne sœur pour toute la vie.
- Khaled : lol , tu es tellement candide et naïve que ça me fait souvent rire. Tu penses réellement que c'est ce qui va se passer ? Ce sont des adultes. Ils feront enfin ce qu'ils auraient dû faire depuis longtemps. De toute façon, ça n'a que trop tardé. Vois le bon côté des choses, je pense sérieusement que ceci est un petit coup de pouce que le bon Dieu a bien voulu nous donner, après tant de péripéties.
Hein ? Je ne comprenais pas grand-chose au charabia qu'il me déblatérait, ou peut-être mon inconscient ne voulait pas le comprendre à l'époque. Je ne saurais dire...Tout ce que je sais, c'est que j'ai passé le trajet à pleurnicher comme une fillette, sous les regards moqueurs de Khaled qui en avait marre de me consoler. Excédé par mes pleurs et mes plaintes, il s'était résigné à me laisser pleurer lamentablement sur mon sort, non sans pousser des soupirs d'énervement. Arrivés chez moi, il éteignit le moteur, et me prit dans ses bras. Pour une fois, je ne pris pas la peine de savourer ce doux contact. Me sentant amorphe dans ses bras, il me dit :
- Khaled : Kira, sèche tes larmes et arrête tes gamineries pour une fois STP. Pourquoi tu passes ton temps à pleurer à la moindre occasion ? Je suis sûr que si ta grand-mère t'appelait demain pour te dire qu'une brebis ou qu'une chèvre de votre maison familiale de Peulh était morte, tu allais pleurer pendant des jours et des jours.
Loin de me faire rire, sa remarque eut le don de me mettre dans tous mes états. Je lui ai souhaité bonne nuit du bout des lèvres, en boudant, et je suis sortie de la voiture pour rentrer chez moi.
Inutile de vous dire que j'ai eu vraiment du mal à m'endormir ce jour-là. Khaled m'a envoyé un message qui disait : « Arrête de pleurer STP, tu sais bien que je n'aime pas te voir dans cet état. Ça ira pour demain, je te le promets, mon amour. Je t'aime moon of my life . ». Toujours fâchée contre lui à cause du coup de « la brebis et de la chèvre », j'ignorais royalement son message, mais force est de reconnaitre qu'il m'avait grandement apaisée, au point de m'aider à sombrer dans un sommeil profond.