PARTIE 29

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C'est avec un certain empressement que je procédais à l'embarquement. Le plus tôt je m'en irai, le mieux c'était. Ne vous méprenez pas ! Mes parents, mon petit frère et mes amis allaient horriblement me manquer, mais cet éloignement m'aiderait sans doute à oublier Khaled. Je ne peux décrire ce que je ressentais : d'une part, je m'en voulais absolument d'avoir dérogé à mes principes, en commettant une infidélité, et d'autre part, j'éprouvais un ressentiment envers Khaled pour m'infliger cette douleur, et pour ne pas nous avoir donné une seconde chance. Je partais du principe que tout un chacun méritait une deuxième chance dans cette vie de misère : mêmes les prisonniers se faisaient libérer après une condamnation, et bénéficiaient d'une aide pour se réinsérer socialement.

J'avais pour voisin de siège dans l'avion un compatriote Burkinabé, dénommé Abdoul, fort aimable, et très drôle. Il réussit à me faire oublier momentanément ma tristesse. Il s'agissait d'un vieux frolant sûrement la quarantaine, et vivant en Italie. Tout comme moi, il devait faire une escale à Paris.

Quand on nous servit dans l'avion le dîner, il me dit :

- Abdoul : Tu ne manges pas, ma sœur ? Déjà que leur billet d'avion coûte la peau des fesses ! Il ne faut rien leur laisser. Mange tout !

Je n'avais pas le cœur à avaler quoi que ce soit. Je lui offris mon repas en guise de complément du maigre diner qu'on nous servit. Après avoir mangé, je le vis mettre dans son sac les sachets de sel, poivre et sucre qu'on nous avait donnés, sans oublier les verres où on nous servit du thé. Sur le coup, je me suis tapée des barres face à ce spectacle. Dis donc, il ne rigolait pas le bonhomme quand il disait qu'il fallait tout emmener et ne rien leur laisser lol. En tout cas, je mis longtemps à calmer mon fou rire.

Arrivée à l'aéroport, je n'eus pas à me fatiguer à prendre un bus ou un taxi. Heureusement pour moi, Aminata , accompagnée de Romain, était venue me chercher.

Dès qu'elle m'aperçut au loin, cette folle se mit à sautiller comme une petite fille. Sa bonne humeur était transmissible. Et ça me faisait un bien fou de la revoir.

- Ami : Eh bonne arrivée tantie. Lol ça va ma puce ? Tu m'as manqué ooh ! T'as mis du temps à sortir quand même hein !

- Moi : Oui oui, y'avait du monde à la police. Tu m'as manqué aussi ma puce. Oooouh, t'as grossi toi ! Coucou Romain, ça va ? Désolée pour l'attente.

Romain s'approcha de moi pour me faire la bise. Alors, Ami et Romain sont l'illustration parfaite du dicton « Les contraires s'attirent ». Ami est une fille de nature extravertie contrairement à Romain qui est très timide, réservé, et extrêmement posé. Je me plais d'ailleurs à dire parfois que Romain est la kryptonite d'Ami.

Dans la voiture, Romain resta silencieux, comme à son habitude, mais j'avais la bizarre sensation que quelque chose se tramait. Quoi ? Je ne saurais le dire, mais mon intuition ne me trompait jamais. Romain n'était pas que silencieux, il avait l'air préoccupé aussi, à moins que je ne commence à devenir paranoïaque.

- Moi : Alors, vous avez fait quoi de ces deux mois et demi ?

Racontez-moi, je veux tout savoir.

Ils échangèrent un regard gêné.

- Ami : Bon bah, on a rien fait de spécial hein. Romain était assez occupé par son job d'été, du coup moi je me suis ennuyée à mourir. Mais nous avons quand même pu aller deux week-ends à Paris.

- Moi : Ah, c'est cool ça. Tu sais si Ismaël est revenu à Toulouse ? Il traine toujours avec Monica La Garce ?

Non pas que j'aie toujours des sentiments pour lui, mais il valait mieux que je sache à quoi m'attendre avec ces deux-là.

- Ami : Justement, en parlant de ces deux-là, je les ai croisés avant-hier au centre-ville. Bras dessus, bras-dessous. Ils n'ont même pas honte de se pavaner comme ça en ville, après tout ce qui s'est passé.

- Moi : Pfff . Laisse-moi ces gens-là, ils n'ont aucune vergogne.

- Ami : Ah, en tout cas, ma puce, je te préviens. Tu vas devoir affronter les questions des gens de la fac, et de tout le monde hein. Parce qu'ils n'y comprennent rien ,vu qu'aux dernières nouvelles, c'était toi l'élue du cœur d'Ismaël.

- Moi : Pfff ça me saoule tout ça, si chacun se mêlait de ses propres oignons, ça nous ferait des vacances. Façon, je ne compte pas exposer ma vie privée sur la place publique.

On ne tarda pas à arriver en bas de mon immeuble. Je commençais déjà à avoir le cafard rien qu'à sa vue. Quand je pense que je vais encore restée cloitrée pendant des mois entre les quatre murs d'un studio de 20 mètres carrés, j'ai juste envie de hurler. Franchement, cette vie loin de mon bled, n'était vraiment pas faite pour moi. Bref, Romain nous aida à faire monter les bagages et il prit congé. Ami voulait rester dormir ce soir-là chez moi et m'aider à dépoussiérer, astiquer ma maison ainsi que ranger mes nombreux bagages.

Je pris une longue douche relaxante, et pour finir, on se prit des Kebabs et on s'installa sur mon lit, comme au bon vieux temps, affalées devant la télé. En pleine dégustation, Ami prit la commande, éteignit la télé et se tourna vers moi d'un air sérieux que je ne lui connaissais pas du tout.

- Ami : Il faut qu'on parle Kiratou.

Kiratou ? Ami ne m'appelait jamais Kiratou. Qu'est ce qui se passait ? J'avais un très très mauvais pressentiment.

- Moi : Parle ! Je t'écoute. Depuis tout à l'heure tu gigotes, je sais que t'as quelque chose à me dire. Que y'a-t-il donc ?

Prise soudainement de sanglots, elle m'annonça :

- Ami : ......................

Mamma Mia. Nous étions foutues.

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