Cette nuit-là, j'ai vraiment eu du mal à m'endormir. Mon cerveau n'arrêtait pas de me passer en boucle tous les beaux moments vécus avec Khaled. Le fait de l'avoir revu avait ravivé tous les sentiments enfouis au plus profond de mon être. Je l'aimais à en mourir, et mon cœur aveuglé ne voyait plus que lui, et refusait de revenir à la réalité. Car la dure réalité, qu'on se le dise, allait tôt ou tard me rattraper : cette maudite et bénigne différence d'âge entre nous, le refus de ma mère de voir d'un bon œil cette idylle. Ce n'est que vers l'aube, quand apparurent les premières lueurs du jour, que je parvins à enfin m'endormir. Mais mon répit fut de courte durée. Ma mère ne pouvait s'empêcher de faire des allers-retours entre sa chambre et la mienne, cherchant je ne sais quoi, telle une souris couinant dans un labyrinthe. Vraiment fatigante, cette vieille ! Je n'étais pas dupe : c'était une tentative pour me réveiller, au nom de je ne sais quelle raison.- Moi : Maman, tu ne vois pas que je dors,stp ? Je suis fatiguée. Tu cherches quoi exactement, dans la chambre ?
- Ma mère : Je ne cherche rien. Lève toi. J'ai à te parler.
- Moi : ça ne peut pas attendre ? J'ai envie de dormir, j'ai à peine...
Son regard foudroyant m'a dissuadée de continuer à me plaindre. Je me suis levée, tant bien que mal, en rassemblant le peu d'énergie qui me restait. Qu'est-ce qu'elle me voulait encore ?
- Ma mère : Kira, que t'avais-je dit à propos de ce jeune homme ? Ne t'avais-je pas demandé d'arrêter de le fréquenter ? Pourquoi n'écoutes tu pas donc ta vieille mère ? Tu ne me causes que des tracasseries. Je n'ai plus la force de te surveiller comme si tu étais une adolescente de 14 ans. J'en ai déjà assez à faire avec Malick.
Ah ! C'était donc de Khaled qu'il s'agissait. Comment avait-elle su que je l'avais revu ? Nous aurait-elle vus du haut de son balcon ? Pff J'ai toujours dit que ce balcon était très mal placé. Quelle idée de le construire en plein centre de la maison ! A moins que ça soit Bakary, notre gardien, aussi rapide que RFI en matière de transmission de nouvelles.
- Moi : Je ne le fréquente pas. Il était à l'anniversaire de Diaba. Je ne savais même pas qu'il serait là. Il a proposé de me déposer avec Yima, on a préféré accepter plutôt que de prendre un taxi toutes les deux, à une heure aussi tardive de la nuit. Mais sérieusement, Maman, qu'est-ce que tu lui reproches, au juste ? Il est quelqu'un de bien, la preuve, tu es amie avec sa mère, non ?
- Ma mère : Je ne lui reproche absolument rien, à part son jeune âge. Il est trop jeune pour toi. Un homme jeune a très peu d'indulgence. Je n'ai rien contre lui. Au contraire, il est très bien élevé, instruit, et vient d'une très bonne famille. En plus son père est assez friqué, ce qui ne me dérange pas du tout.
Mon Dieu ! Les vieilles mamans. Elles sont presque toutes les mêmes : d'éternelles matérialistes. Le regard choqué que je lui lançais, n'a pas suffi à la faire taire, au contraire, cela l'encouragea à continuer son monologue :
- Ma mère : Ne me regarde pas avec tes yeux ronds de sainte-nitouche. Bien-sûr, que l'argent compte. On ne se nourrit pas avec des billets de Monopoly, à ce que je sache. Son père a une société de renom, et vient d'une grande famille, avec une chaine d'hôtels à leur nom. Donc, sur ce plan, rien à dire. Mais n'empêche, ça ne me rassurerait pas de lui donner ta main, il est si jeune, même s'il m'a l'air responsable et mature. Tu as besoin d'un homme mûr, comme Gaël, par exemple. D'ailleurs, l'as-tu appelé pour lui dire que t'étais revenue ?
- Moi : Non. Et je ne compte pas le faire. Je n'aime pas Gaël. Tu peux comprendre ça, au moins ?
- Ma mère : C'est quoi l'amour ? Ce que tu vois dans les films, là ? Ma fille, l'amour se construit au fil du temps. Gael est un très bon parti. Il est le meilleur mari que tu pourrais avoir. Pourquoi n'arrives tu pas à le voir, donc ? Parfois, je regrette même de t'avoir envoyée poursuivre tes études en France. Tu es devenue une vraie blanche.