J'étais tout à coup devenue spectatrice de ma propre vie. Les parents venaient de sceller mon avenir sous mes yeux, sans se préoccuper de me demander mon avis auparavant. J'étais raide comme un piquet sur le fauteuil sur lequel j'étais assise, ne sachant pas trop ce qui venait de se passer. Alors, comme ça, Khaled et moi allions être mariés ? J'allais pouvoir contempler son beau visage tous les jours, mais aussi supporter ses railleries en permanence ? J'étais à la fois terrifiée et follement excitée.Nos deux mères s'étaient déjà levées pour aller s'enfermer dans le petit salon d'en-haut, sûrement pour élaborer les plans de notre futur mariage. Je suis sûre qu'elles ne me laisseraient même pas placer un seul mot, et ne prendraient pas en compte mes choix et mes envies. Il ne restait plus que Khaled et moi dans le salon, ainsi que tonton Rachid et Papa qui discutaient de la vie politique Burkinabé. Ressentant sûrement mon malaise persistant, Khaled s'est enfin levé, et m'a pris la main :
- Khaled : Viens chérie, on va dans ma chambre.
Mon père n'avait rien dit, à peine semblait-il nous avoir entendus. Quant à Tonton Rachid, il n'a pas protesté non plus, mais a veillé à nous jeter un regard menaçant qui en disait long sur ses mises en garde. Je me suis laissée diriger avec docilité vers la chambre. Khaled eût la présence d'esprit de laisser la porte ouverte. C'était mieux ainsi puisqu'apparemment nous étions incapables de bien nous tenir tous les deux, à chaque fois que nous nous retrouvions à huis clos.
- Khaled : Tu ne sembles pas très heureuse pour quelqu'un qui s'apprête à se marier. Ce n'est pas vers la tombe que je vais te mener Kira, mais plutôt vers le bonheur éternel.
- Moi : Je ne suis pas malheureuse. C'est juste que je ne m'y attendais pas du tout. Tout cela est juste....trop précipité. Ça en fait beaucoup pour une journée.
Il se renfrogna. Il semblait déçu et blessé par mes mots, mais c'était ce que je ressentais sur le moment. J'avais VRAIMENT la frousse.
- Khaled : Bon d'accord, je vais de ce pas parler aux parents et leur dire de repousser le mariage à dans 5 ans. Tu seras peut-être alors prête quand tu auras atteint la trentaine.
Il fit mine de se lever, et j'eus envie d'éclater de rire. Je savais qu'il ne pensait pas un seul mot de ce qu'il disait : il souhaitait juste me secouer.
- Moi : Je n'ai jamais dit que je ne voulais pas de ce mariage. J'ai juste un peu peur, c'est normal, ne penses-tu pas ?
- Khaled : Justement, tu n'as pas à avoir peur. Je te protégerai, et je te chérirai toute ma vie. Viens-là.
Je me suis réfugiée confortablement dans ses bras. Il m'a serrée très fort dans ses bras, et je me suis dit que j'étais vraiment bête d'avoir aussi peur de me jeter à l'eau. Tout irait bien dans ma vie, du moment où j'aurais Khaled à mes côtés. Prenant mon courage à deux mains, je lui dis :
- Moi : Je n'ai plus peur. C'est passé...Je suis prête.Il m'a regardée intensément sans ciller, jusqu'à ce que n'en pouvant plus, j'ai baissé mes yeux. Amusé par ma soudaine timidité, il a lentement soulevé mon menton en déposant un léger baiser sur mes lèvres, puis m'a chuchotée d'une voix susurrante :
- Khaled : T'en es sûre ?
- Moi : Ouais, sûre et certaine.
- Khaled : Tant mieux alors car j'ai super hâte que tu deviennes ma femme.
Hélas, notre petite séance en amoureux a très peu duré. Malick et Naima sont venus nous interrompre et nous sommes tous allés jouer à la Play-Station, jusqu'à ce que ma mère vienne me chercher moi et mon petit-frère pour nous annoncer qu'on devait aller au plus vite chez ma grand-mère avant qu'il ne fasse tard.