J’avais donc choisi délibérément d’être avec Gael, plutôt qu’avec Khaled, malgré mon amour indéniable pour lui, parce qu’il me semblait que c’était la décision la plus convenable à prendre. Cela faisait plus de deux semaines que j’étais avec Gael, et notre relation, comme je l’ai précisé dans la partie précédente, se passait à merveille. Il ne me donnait aucune raison de me plaindre : c’était un parfait gentleman. Il me faisait livrer des viennoiseries pour mon petit déjeuner tous les jours par son chauffeur, me faisait sortir tous les week-ends, m’emmenait dans des restaus luxueux, m’offrait des cadeaux de grande valeur (parfums de marque, robes de grands couturiers…).Mais comment dire ? Je ne faisais que vivre selon la convention sociale qui imposait aux filles burkinabés de choisir un homme avec une bonne situation professionnelle, et qui s’avérerait un bon mari capable de subvenir à tous nos éventuels besoins. Je ne faisais donc que vivre ma vie et suivre les règles de bienséance que la société édictait depuis l’aube des temps. Le seul hic du tableau, c’est que d’une part, lorsque Gael m’embrassait, je ne ressentais rien. Absolument rien. Ses baisers me laissaient de marbre, et j’étais étonnée qu’il ne l’eût pas remarqué. Le pire, c’est que, quand il m’embrassait, pour faire passer le temps, mon esprit errait vers d’autres horizons : je m’imaginais être dans les bras de Khaled, roucoulant de plaisir. D’autre part, je n’étais pas heureuse, je n’étais plus la Kira d’avant, extravertie et gaie. J’avais perdu mon insouciance et j’avais vraiment du mal à me reconnaitre. D’ailleurs, je fuyais même mon regard à travers le miroir, je détestais tout simplement l’image qu’il me renvoyait : une jeune fille modèle qui se fondait dans le moule et qui n’était pas en phase avec ses convictions personnelles. Pour me rassurer, je me disais que peut être c’était ça le fait de grandir : prendre des décisions douloureuses, mais fort raisonnables et sensées.
Bref, donc j’avais suivi ma raison au détriment de mon cœur. Et je suivais mes résolutions dont le fil de conduite était d’oublier au plus vite Khaled. C’était donc mon objectif premier. Et je m’y engageais tant bien que mal jusqu’au jour où ma mère, Malick et moi, revenions de chez ma Grand-mère et ma mère, par je ne sais quel hasard, décida de faire un crochet chez N'na Masta (la maman de Khaled), sous prétexte que cette dernière savait que j’étais à Ouaga depuis un mois, et que la moindre des choses, c’était d’aller lui rendre visite.
Bien sûr, je ne pouvais me plaindre parce que ma mère ignorait tout simplement que Khaled était l’objet de mes pensées. Elle était même très loin de s’en douter. Dans la voiture, je fis une prière silencieuse : pourvu que Khaled ne soit pas chez lui. Pour dire vrai, J’étais partagée entre l’envie irrépressible de le revoir, et la peur, sans oublier la honte que le texto sec et tranchant que je lui avais envoyé, me causait.
Dès que Maman nous annonça qu’on ferait un détour chez Khaled, Malick commença à crier des « Youpi », fou de joie. Ce gosse était tout simplement insupportable. Je ne savais guère comment mes parents faisaient pour le supporter. Mais bon, les enfants, c’est comme les pets, on ne supporte que les siens. En tout cas, Malick avait l’air de vraiment l'apprécier , surement parce que ce dernier jouait à la playstation avec lui lol.
Arrivés chez lui, dans un quartier résidentiel de Ouaga, je me mis tout bêtement à réciter des versets de coran et des invocations. Je sais, c’est bête de faire cela dans une situation aussi cocasse, mais je ne pouvais m’empêcher de le faire à chaque fois que j’étais déstabilisée. On sonna et une jeune fille nous ouvrit la porte. Elle était toute mignonne, mais ultra timide, et desserrait à peine les dents. D’après ce que j’avais compris, c’était Naima la petite sœur de Khaled. On nous installa dans un salon marocain, et la fameuse N'na Masta ne tarda pas à venir nous voir. Waow, maintenant je comprenais mieux d’où Khaled tenait sa beauté. Sa mère était divinement belle, avec des yeux marrons à vous couper le souffle.