4. DISTURBIA (PARTIE IV)

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Mon agresseur me projeta contre le mur carrelé, avant de me retourner pour m'obliger à lui faire face. Il était plus grand que moi mais moins que Norin, ses cheveux gras lui encadrant un visage d'une banalité écœurante. Plantant ses doigts révulsants dans la chair de mon bras gauche, il approcha son visage à deux centimètres du mien et se mit à parler à voix basse. Son haleine de rat crevé manqua m'arracher un haut-le-cœur.

— Salut, ma belle, murmura-t-il d'une voix qu'il imaginait sûrement sensuelle.

— La réciproque n'est pas vraie, rétorquai-je, acide.

— Chut, chut, chut, m'intima-t-il en posant son index sur mes lèvres.

Je me détournai avec assez de violence pour faire craquer mes cervicales, sans pouvoir réprimer une moue de dégoût. Au même instant, une exclamation lointaine et collective me parvint de l'autre côté du mur. Ta meuf est là. Oh bon sang, faites qu'il arrive vite !

— J'ai cru t'entendre dire quelque chose d'intéressant, tout à l'heure, poursuivit-il en faisant planer sa main au-dessus de ma joue. Tu ne veux pas laisser Norin te dicter ses règles, pas vrai ? Cette espèce de connard nous a presque menacés de nous tuer si l'un de nous posait une main sur toi. J'ai pris ça comme un défi personnel, surtout maintenant que tu traînes dans les parages. Je me disais qu'on pourrait peut-être se rendre service mutuellement, en lui donnant une petite leçon... si tu vois ce que je veux dire.

Il esquissa un geste comme pour me caresser le cou, mais je profitai du fait qu'il relâchait son emprise pour tenter de lui décocher un crochet du droit. Curieusement, et contrairement ce à quoi je m'attendais, aucun de nous deux ne sembla éprouver la moindre douleur. Et pour cause, il avait bloqué mon geste avec une facilité déconcertante.

— T'as pas envie de te montrer coopérative ? rigola-t-il. Tant mieux, j'y prendrai bien plus de plaisir si les choses se corsent un peu.

Je lui crachai au visage, fière de ne pas avoir raté ma cible.

— O.K., gronda-t-il en s'essuyant le visage. Tu veux jouer, mais tu vas perdre, crois-moi !

Sur ces mots, il tourna brutalement le robinet et me plaça directement sous un jet d'eau froide qui me paralysa instantanément. Je hurlai de surprise, puis de douleur.

— Qu'est-ce c'est que ce bordel ? entendis-je quelqu'un hurler de très loin.

Dépêche-toi, le suppliai-je dans un coin de ma tête.

— Tu es encore plus belle comme ça, me complimenta le dégénéré avant de tenter de fondre sur moi.

Ce fut à cet instant précis que N.J. choisit enfin de débouler pour attraper ce malade par son tee-shirt et lui envoyer un violent coup de tête. Je me renfonçai dans un coin, loin du jet glaçant. Mon compagnon de chambrée se jeta sur la silhouette chancelante de son ennemi et l'envoya à son tour au sol. Il s'agenouilla ensuite pour lui assener une série de coups de poing, qui rendirent vite celui-ci complètement inerte.

— Je. T'avais. Dit. De. Ne. Pas. La. Toucher ! rugit-il à chaque fois que ses phalanges rencontraient la mâchoire de ce sale type, en émettant un horrible craquement d'os.

— Arrête, N.J., articula difficilement Parson, dont le corps salement amoché était soutenu par deux de ses camarades. Tu vas le tuer.

— Il le mériterait ! grogna-t-il en retenant néanmoins son bras. Je te signale qu'il a failli te faire la même chose.

— Pense à elle, risqua-t-il en désignant ma silhouette prostrée.

Norin me considéra un instant d'un air à la fois désolé et fou de rage, avant de se relever d'un bond et d'envoyer un coup de pied dans les côtes de l'homme inconscient.

— Va te faire foutre, Reeves ! Va te faire foutre...

Il s'avança vers moi d'un pas résolu et me prit dans ses bras sans me laisser l'occasion de protester. Je n'osai même pas m'y amuser – je sentais son corps trembler de rage sous moi. J'articulai du bout des lèvres un « désolé » à Parson avant que celui-ci ne disparaisse de mon champ de vision. Je ne pouvais qu'espérer qu'il l'ait vu.

Alors que nous repassions au milieu des hommes massés dans le gymnase, N.J. marqua une pause et se mit presque à hurler.

— Je vous jure sur la tête de ce que j'ai de plus cher au monde que si le moindre d'entre vous essaye ne serait-ce que de l'emmerder encore une seule fois, je lui fais la peau ! Et j'irai jusqu'au bout cette fois, vous pouvez me croire !

Sur ces mots, il m'emmena loin d'ici. Nous traversâmes les différents couloirs dans un silence complet, tout juste entrecoupé par nos respirations sifflantes. N.J. semblait ne pas réussir à se calmer et continuait à resserrer sa prise autour de moi, alors que je tremblais de froid dans ses bras. Mon visage n'était plus qu'à quelques centimètres de son cou, et je pouvais respirer le drôle de mélange que formait l'odeur de la pluie poussiéreuse et celle de la sueur. Bien que cela ne sentait pas franchement la rose, je me focalisai dessus pour refouler la sensation immonde des mains de l'autre taré sur mon corps. Je n'étais plus très loin de vomir.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant