11. BURN WITH ME (PARTIE III)

539 83 7
                                    

Je m'enfonçai dans un sommeil de plomb, limite comateux, qu'aucun mauvais rêve ne vint par miracle troubler. Lorsque je me réveillai – des siècles plus tard, me semblait-il –, j'avais un mal de crâne mémorable. Je n'imaginais pas un lendemain de cuite pire, même si je n'en avais jamais personnellement fait l'expérience. Mes yeux étaient gonflés, souvenir des dernières larmes de la veille. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était et tâtai le sol sur lequel j'avais atterri pour tenter de me repérer.

Je ne remarquai qu'à cet instant le léger poids que supportait mon poignet gauche et compris tout de suite que Ghost me l'avait attaché alors que je dormais encore. Ce qui signifiait qu'il était déjà passé me voir et qu'il était reparti. Pour en avoir le cœur net, j'appuyai sur l'écran de la montre tactile et le fis sortir de sa veille. Le cadran indiquait 21 h 44.

Je sursautai devant l'évidence. Comment avais-je pu dormir plus de seize heures d'affilée ? Ma conscience me ramena immédiatement aux deux nuits précédentes : l'avant-veille, en compagnie de Norin, où j'avais tout fait sauf dormir, et la veille, bien sûr, où mon monde entier et celui de la plupart des habitants d'Endless Rain avait volé en éclats. Finalement, la question était on ne peut plus stupide. Je n'aurais même pas dû m'étonner de me sentir toujours aussi faible.

J'effectuai une légère pression, avant de dessiner une petite traînée sur l'écran, espérant que Ghost remarquerait ce faible signal. Mais je ne doutais pas que vu les circonstances, il serait à l'affût. Un petit quart d'heure plus tard, il me rejoignit avec un léger repas improvisé. Je lui en fus reconnaissante, même si sur l'instant, la faim n'était pas tout à fait mon problème le plus pressant.

À cet étage, il y avait effectivement trois pièces communicantes dont la principale, que j'occupais, était la seule encore intacte. La porte menant à celle de droite avait été murée depuis que celle-ci avait été entièrement dévastée par les eaux, et la porte de gauche donnait tout droit sur une minuscule réserve aux trois-quarts éboulée, dont le sol défoncé offrait une vue plongeante sur les étages immergés du dessous. Je n'étais pas exactement logée avec toutes les commodités nécessaires, et bien sûr, j'allais devoir attendre des heures fixes où je ne risquerais aucun danger pour rejoindre l'étage supérieur et me rendre aux toilettes. Je n'osai imaginer le temps qu'il me faudrait avant de pouvoir espérer reprendre une douche.

Ghost dût m'abandonner sitôt arrivé et ne revint que deux heures plus tard, uniquement accompagné de Gene. Cela eut le mérite de me distraire du vide dans lequel je m'étais plongée pour éviter de penser à quoi que ce soit. Nous discutâmes des diverses petites choses qui avaient ponctué leur quotidien depuis mon départ, jusqu'à ce que Ghost décide qu'il était suffisamment tard pour m'amener mon frère sans éveiller les soupçons.

Le petit arriva somnolent et n'eut pas vraiment conscience de ce qui l'entourait, mais ce fut le seul réel moment de la journée où je me sentis à peu près en vie. Une heure de répit, avant qu'il ne doive repartir et m'être arraché une fois de plus. J'attendis qu'ils repartent tous les trois ensemble pour sombrer, au milieu de mes larmes. Mon sommeil fut de plus courte durée et assez agité.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant