5. ANOTHER ME (PARTIE III)

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Je restai là jusqu'à ce que je fusse à peu près sûre qu'il était parti prendre son service. Autant dire que passer trois heures ici ne contribua en rien à me remonter le moral, bien au contraire. Je déverrouillai la porte des toilettes lorsque rester là-dedans me devint insupportable et m'empressai de prendre une douche pour me réveiller et me sentir mieux. J'échouai dans les deux cas et ressortis de la salle de bain frustrée. Ce ne fut qu'une fois arrivée dans le coin cuisine que je remarquai la présence d'N.J., adossé à l'évier. Je ne pus retenir une exclamation de surprise. Son visage était plus sombre que la veille, la fatigue n'ayant en rien arrangé les choses.

— Je voulais te voir avant de m'en aller, lança-t-il en me considérant d'un air grave.

— Ça valait bien la peine que je passe trois heures là-dedans, ronchonnai-je dans ma barbe en le contournant pour atteindre un placard en hauteur.

J'avais parlé trop bas pour qu'il puisse m'entendre.

— Je voulais m'assurer que tu allais bien.

— Je vais bien, décrétai-je sèchement. Tu m'as vue, tu peux y aller, maintenant.

— Écoute, commença-t-il en attrapant mon menton pour m'obliger à lui faire face. Je ne veux pas que tu puisses penser que je te considère comme une fille facile, ou quoi que ce soit que tu aies pu t'imaginer.

— Évite de faire ce genre de chose, alors, objectai-je en éloignant ses doigts de ma peau. Je ne voudrais pas que « ces choses qui arrivent » arrivent encore une fois.

— Arrête ! protesta-t-il en croisant les bras. Je sais que tu es une fille bien, et pour être très honnête, je te trouve même attachante. J'ai failli tout gâcher, mais maintenant, je te propose qu'on essaie juste d'être amis.

— C'est drôle, ça... C'est exactement ce que je me suis dit avant que tu n'arrives hier soir. Mais je t'avouerai que tu m'en as fait passer l'envie.

— Ah oui ? répliqua-t-il lentement.

Je soupirai. Il ne réalisait donc pas que tout ça était vain ?

— Réfléchis une seconde. Ça ne marchera jamais, toi et moi. On ne peut pas avoir une discussion sans que ça tourne au vinaigre. C'est à peine si on peut se supporter.

— Tu le penses ?

— Regarde la vérité en face. En tout cas, moi, je n'arrive plus à te supporter. En admettant l'idée que j'y sois jamais parvenue.

De la distance. Mettre de la distance, c'était tout ce qui importait, à présent.

— C'est noté, conclut-il en me plantant sur place.

— Ça devient une habitude avec toi, de fuir les problèmes, le piquai-je alors qu'il s'apprêtait à passer le seuil de la chambre.

— On va dire que je vais me taire, siffla-t-il pour lui-même en me fusillant du regard.

— Pourquoi ? Parce que je suis trop fragile pour entendre ce que tu penses ? Parce que je risque d'avoir besoin d'un bon gros paquet de mouchoirs après ? Allez, vas-y, dis-le, ça te démange !

— Va te faire voir et mets-toi ta fierté où je pense. Bien profondément, si possible.

— Pour l'originalité et la classe, tu repasseras, criai-je afin qu'il puisse m'entendre, même de l'autre côté du battant.

Je l'imaginais bien en train de marmonner un « C'est ça » aussi arrogant qu'horripilé. L'abattement me revint en pleine figure – je n'arrivais même pas à retirer la moindre satisfaction d'avoir obtenu le dernier mot de notre joute verbale, c'est dire.

Il avait voulu faire passer la pilule en y mettant un peu plus de tact que la veille, mais il s'était trompé sur la marchandise. Déjà qu'une fois vexée, c'était difficile de rattraper le coup, mais alors dans des circonstances pareilles... Attachante, non mais je vous jure !

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant