7. GONE (PARTIE V)

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Il disparut sur ces mots, me laissant en tête-à-tête avec son garde-du-corps. Lorsque Nate disparut de mon champ de vision, les yeux toujours obstinément fermés, je m'effondrai à genoux en me rendant compte que l'odeur âcre qui emplissait progressivement l'air était celle du sang. Ce constat agit comme un déclencheur sur mes nerfs malmenés, et je finis par tout simplement m'effondrer. Je n'en avais rien à faire qu'il y ait un témoin pour raconter toute la scène à mon père plus tard, l'important étant qu'il ne soit plus là en personne pour assister à cela.

— Relève-toi, m'enjoignit le dénommé Benjamin sans brusquerie, mais sans faire preuve de compassion non plus.

Je me dégageai violemment de son emprise lorsqu'il posa une main sur mon épaule pour m'inciter à lui obéir.

— Ne pose pas tes sales pattes d'assassin sur moi ! crachai-je en me remettant maladroitement sur mes deux jambes.

Il baissa la tête une seconde avant de me regarder dans les yeux, les iris froids.

— Je n'ai pas le temps d'attendre que tu fasses ton deuil. Je dois te raccompagner à l'Union Bleue le plus rapidement possible.

— Espèce d'ordure ! lui hurlai-je à la figure, manquant le faire sursauter.

Cette insulte allait bientôt devenir ma préférée, à ce train-là.

— T'es qu'une ordure ! répétai-je en le pointant du doigt. Tu les as tués tous les deux ! Fox était l'un des tiens et son frère n'avait pas seize ans ! Mais comment tu as pu faire une chose pareille ?

— Je ne travaillais pas avec, je ne les connaissais pas, fut tout ce qu'il trouva à répondre, comme si cela allait tout excuser.

Je m'écartai de sa position en deux enjambées rageuses, avant d'aviser une ouverture béante et de me percher sur le rebord.

— Attends-moi ! ordonna-t-il alors que je m'apprêtais déjà à plonger. Je ne peux pas me permettre de te perdre de vue.

Je chutai dans la nuit noire, et me laissai avaler par les eaux sombres en priant pour qu'elles effacent les souvenirs qui venaient tout juste de s'imprimer à l'encre rouge dans mon esprit.

Ce n'était pas possible, cette soirée n'avait jamais eu lieu. Je n'avais jamais contraint l'un de mes meilleurs amis à enlever mon petit frère, pour qu'il se fasse exécuter avec son propre frère sous mes yeux. Rien de ce que j'avais vu n'était réel, ça ne pouvait être que ça.

Je restai en apnée jusqu'à ce que Benjamin ne m'attrape le bras et ne m'oblige à le suivre. J'étais restée sur place en espérant que je me réveillerais de ce foutu cauchemar, ce qui lui avait facilité la tâche. J'étais certaine que j'aurais pu lui échapper si telle avait réellement été mon intention, mais je savais aussi que je ne ferais qu'empirer les choses si je me dérobais une fois encore aux exigences de mon père.

Je me hissai seule dans l'embarcation qui nous attendait, réalisant que j'avais abandonné celle qui m'avait amenée ici de l'autre côté du bâtiment. Peu m'importait au fond, j'avais laissé bien plus que ça en débarquant dans cet amas de béton maudit.

Nous traversâmes les secteurs plongés dans les ténèbres tels deux fantômes, l'un totalement dépourvu de vie, et l'autre veillant à ne pas se faire repérer par les patrouilles ennemies. À ce stade, mon esprit semblait en état de mort clinique, si bien que je n'avais que faire de ce qui pourrait nous arriver si nous étions pris. C'était son problème, pas le mien.

— Je n'ai pas eu le choix.

C'était la voix de Benjamin qui venait de briser le silence de mort qui planait au-dessus de nous. Je ne daignai même pas tourner la tête dans sa direction.

— Je ne les connaissais pas personnellement, mais ça n'a pas rendu les choses plus faciles pour autant.

— Pourquoi tu l'as fait, dans ce cas ? demandai-je machinalement d'une voix dénuée d'intonations.

— Vous n'étiez pas les seuls à avoir de la famille en danger, répondit-il simplement.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant