2. BLACK VEIL BRIDES (PARTIE III)

1K 183 134
                                    

Je ne pus m'empêcher de le détailler tout mon comptant. Il arborait un pantalon camouflage tombant négligemment sur ses rangers, et un tee-shirt marron à manches courtes complètement détrempé, qui ne laissait que peu de place à l'imagination – bon, je devais l'avouer, la pluie avait parfois ses avantages.

Il passa une main dans ses cheveux coupés courts, assombris par l'eau qui en ruisselait – bien que je les soupçonnais d'être identiques à ceux de sa mère. À mesure qu'il s'approchait de moi, je découvrais un peu plus en détail ses traits, d'une finesse puissante. Ses yeux semblaient protégés par son arcade sourcilière, comme pour mieux sonder le regard de l'autre. Je décelai même une trace de peinture verte dans l'ombre de son nez presque droit.

— Bon anniversaire, chuchota-t-il à mon intention.

— L'heure est aux présentations, il me semble, intervint son père au beau milieu de ma contemplation, semblant maîtriser à grand-peine sa colère.

Je refermai la bouche, que j'avais malgré moi entrouverte, et remarquai du coin de l'œil le sourire fugace de Solara.

— Dans ce cas, répondit mon père, laissez-moi vous présenter ma fille, Engel Adamson.

— Enji, corrigeai-je en me retenant de le fusiller du regard.

Sans que je m'explique trop pourquoi, je ne supportais plus depuis longtemps qu'il prononce mon prénom en entier. Je contraignais tout le monde à m'appeler par mon diminutif, alors que je n'aurais voulu échanger mon prénom pour rien au monde. Même pas pour un Paradoxale, qui m'aurait pourtant bien davantage collé à la peau – car je n'avais assurément rien d'un ange.

— Quant à moi, je vous présente mon retardataire de fils, Norin James Connelly, le présenta son père en le considérant d'une manière étrange, ce dont celui-ci semblait royalement se moquer.

— Mais tu peux m'appeler N.J., rétorqua celui-ci en me tendant la main.

Je lâchai un soupir désabusé, ce qui accentua son sourire. Je pressentais que ces deux mois allaient être longs – très longs. Le raclement de gorge de mon père suffit pourtant à me faire comprendre d'accepter cette poignée de main. Au moment où nos doigts se rencontrèrent, sa poigne me donna la sensation de me heurter à un champ magnétique qui, loin de me repousser, semblait au contraire m'attirer vers lui. Je me hâtai de retirer ma main.

— Bien, je propose que nous nous retirions dans un endroit un peu moins pluvieux, proposa Stanton en adressant un signe de la main à ses militaires.

Les portes en acier s'ouvrirent dans un grincement métallique sur deux gigantesques monte-charges, semblables à ceux de Negendra. Stanton, Solara et Warner pénétrèrent les premiers dans celui de droite, le plus grand des deux, quatre soldats sur leurs talons. Je levai les yeux au ciel lorsque N.J. m'invita à le précéder, ce qui le fit rire. Mon instinct me soufflait que ce genre d'échange ne serait pas rare.

Nous descendîmes tous en silence. Je remarquai à un moment que les prunelles de Connelly Jr. dérivaient vers le col en V de mon tee-shirt. Je lui jetai un regard appuyé, qu'il finit par remarquer.

— Joli cuir, murmura-t-il en désignant d'un mouvement de tête mon perfecto.

Je ne pus me retenir de rire. Lorsque nous sortîmes de la cage, je remarquai le regard entendu des soldats, celui, complice, de Solara, l'air intrigué de son mari, ainsi que le sourire satisfait de mon père. Ce fut ce dernier qui me glaça instantanément, ôtant la légèreté fugace de ce moment.

— Veuillez nous excuser une petite minute, se retira le général en enjoignant d'un simple regard à son fils de le suivre.

Je vis les mâchoires de celui-ci se serrer, arborant l'expression d'un animal pris au piège. Loin du jeune homme insolent et railleur sous lequel il s'était présenté quelques minutes plus tôt, j'entrevoyais déjà une face plus sombre de sa personnalité. Alors qu'ils disparaissaient à l'angle du couloir, je me retournai vers une Solara à l'expression aussi inquiète que résignée. Un claquement sec se fit entendre.

— Je suis heureuse que ce jour arrive enfin, fit-elle diversion en posant une main sur le bras de mon père.

Celui-ci focalisa entièrement son attention sur elle. Alors qu'elle continuait à discourir sur la nécessité de réunir nos deux familles, j'esquissai quelques pas en arrière pour essayer de capter ce qu'il se passait dans le couloir d'à côté.

— Tu me fais honte en arrivant en retard, entendis-je Stanton cracher d'une voix basse et venimeuse. C'est la dernière fois, conclut-il, menaçant.

— La dernière fois que tu lèves la main sur moi ! aboya son fils avec hargne. Je ne suis plus un petit garçon, papa.

Ce dernier mot dégoulinait d'ironie. Nous avions au moins un point en commun, lui et moi.

— Jamais un homme n'aurait eu la naïveté de me menacer, rétorqua l'autre.

— Et qu'est-ce que tu vas me faire, hein ? Me torturer ? Me tuer ? Ah mais oui, c'est vrai, tu ne peux pas, tu as besoin de moi pour honorer ton foutu pacte !

— Ton heure viendra, insista l'autre en revenant vers nous. Il existe beaucoup de façons de torturer un petit garçon...

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant