7. GONE (PARTIE IX)

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Je restai dans cet état durant deux jours. Une éternité, à mes yeux. La seule décision que je m'autorisais à prendre au cours de ce laps de temps fut celle d'attraper la bouteille d'eau à côté de mon lit pour ne pas me laisser complètement mourir de soif. Ce fut tout.

Le premier jour, personne ne vint me déranger, dans la mesure où toute l'Union Bleue semblait sur le branle-bas de combat depuis qu'il avait cessé de pleuvoir pour la troisième fois en vingt-trois jours – mais durant plus d'une heure d'affilée, cette fois-ci. Je ne m'en faisais même plus pour cette question, tant j'avais déjà du mal à me gérer moi-même.

Pour autant, cela eut le mérite de faire oublier mon existence jusqu'à l'intendante chargée de me servir mes repas, ce que j'accueillis avec soulagement. Néanmoins, dès le second jour, je fus de nouveau importunée par le service d'étage en début de matinée. Je parvins à hausser suffisamment la voix pour prononcer les mots « Non merci, je n'ai besoin de rien aujourd'hui » sans prendre la peine de me répéter malgré les nombreuses sommations de cette Shailene, et « Ça va » lorsqu'elle revint en milieu de matinée – à croire que je n'avais pas expressément formulé mon envie de ne rien recevoir de toute la journée. Lorsqu'elle insista à l'heure du midi, néanmoins, je tâchai de me montrer un peu plus claire à son égard.

— Je t'ai dit que je n'avais besoin de rien, putain ! m'emportai-je sans même prendre la peine de me relever.

Le message dut passer, vu qu'elle sembla repartir d'où elle était venue. Mais fidèle au poste, elle revint à ses risques et périls assez tard dans la soirée. Recrachant la gorgée d'eau que je venais de prendre, je perdis réellement patience.

— Je te jure que si tu ne dégages pas d'ici, je te fais bouffer moi-même ton plateau de merde ! hurlai-je en jetant ma bouteille ouverte sur la porte de la chambre, éclaboussant tout sur mon passage.

J'entendis l'exclamation de la jeune fille de l'autre côté de la porte et contemplai la flaque d'eau qui imprégnait la moquette, avant de me recoucher. Il semblait que même ici, je ne pouvais échapper à toute cette flotte.

Au bout de plusieurs minutes, alors que j'avais le regard fixé sur le ciel noir au-dehors, j'entendis comme dans un rêve la porte s'ouvrir. Je n'eus même pas la force de me retourner pour vérifier si je n'avais pas rêvé. M'emporter de cette façon m'avait déjà demandé une énergie considérable.

— Tu peux me dire pourquoi tu as terrorisé cette fille ? résonna derrière moi la voix de Norin, pour la première fois depuis une véritable éternité.

C'était bien lui, ça ! Disparaître pendant trois semaines sans donner d'explication, puis me faire un reproche en guise de salutation. Ça ne m'affectait pas tant que ça, au fond – c'est vrai, j'avais vécu bien pire – mais sans que je m'explique pourquoi, les larmes qui avaient fini par se tarir au bout des treize premières heures coulèrent de nouveau silencieusement le long de mes joues.

— Heureusement que je l'ai interceptée, sinon, elle aurait déjà rameuté tout le quartier, continua-t-il sans se rendre compte de rien. À quoi tu pen...

La porte heurta la bouteille vide au sol dans un bruit de plastique broyé. N.J. sembla enfin se rendre compte que quelque chose n'allait pas.

— Mais qu'est-ce qu'il s'est passé, ici ? se stupéfia-t-il en apercevant probablement le chaos que j'avais semé dans la pièce. Tu as invité des amis à faire la fête ou quoi ?

Un sanglot s'échappa de ma gorge, et Norin sembla enfin se rendre compte de ma prostration. En deux enjambées, il se pencha par-dessus le lit et posa une main sur mon bras pour m'obliger à le regarder en face.

— Enji, dis-moi ce qu'il se passe, m'implora-t-il d'une voix rauque.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant