12. WILD CHILD (PARTIE IV)

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— Entre, lança Norin en ouvrant l'une des nombreuses portes qui parsemaient ce long couloir.

Il s'effaça pour me laisser l'accès libre, et je passai devant lui sous son regard insistant. J'atterris dans une chambre de taille moyenne, que j'identifiais immédiatement comme étant la sienne. Elle lui ressemblait de façon frappante, c'était tellement... lui.

Un grand lit occupait une bonne partie du Nord de la pièce, à croire que quelles que soient les circonstances, ce garçon n'avait jamais pu se passer d'une couche de cette taille. Ses affaires étaient rangées, plus ou moins pliées dans une armoire dont les portes avaient disparu, au profit d'un regard d'ensemble immédiat. Le petit meuble qui lui servait de table de chevet était surchargé de choses éclectiques : une lampe, son MP3 qui ne le quittait jamais, un carnet épinglé d'un stylo, un tee-shirt noir laissé en plan, une lampe de poche et un livre qui ne m'était pas inconnu. Le titre me sauta au visage : Ugly Love. Tu parles d'une fatalité !

— Tu l'as oublié en partant, expliqua Norin en voyant que mon regard avait accroché le roman.

Je me retournai au son de sa voix, consciente que je ne pouvais pas retarder l'échéance de cette discussion. Plus que cela, je ne le désirais pas. Même si je savais que j'allais souffrir de ses reproches, j'avais plus que jamais besoin de le regarder et de l'entendre me parler, quelle que soit la teneur de ses propos. Cette quinzaine loin de lui m'avait privée de toute substance, et je tenais enfin la chance de me retrouver auprès de lui, même pour une durée éphémère. Ne pas la saisir aurait été une folie.

Je le dévisageai comme si ma vie en dépendait, m'apercevant de petits détails qui m'auraient échappé sans cette longue séparation. Ses cheveux qu'il avait courts au début de notre rencontre avaient très légèrement poussé, se rebellant désormais à travers un style un peu en bataille. Ses traits s'étaient imperceptiblement affinés, ce qui ne faisait qu'accentuer la puissance de ses lignes imparfaitement dessinées. Une marque de couleur mauve venait très discrètement ombrer un pan de la mâchoire de son profil gauche. Des cernes plus marqués que d'habitude venaient assombrir son regard torturé posé sur moi. En le voyant dans cet état, dont j'étais en grande partie responsable, je sentis mes canaux lacrymaux se réactiver. Pitié, c'était reparti...

Mes paupières chassèrent l'excédent d'eau, formant une petite traînée humide le long de la courbure de mon nez. Ce fut ce simple tracé qui sortit N.J. de son mutisme désemparé. En deux enjambées précipitées, il me rejoignit pour prendre mon visage entre ses mains.

— Putain, si tu savais comme je suis désolé ! avoua-t-il sur un ton chargé de regret.

Ses lèvres plongèrent vers les miennes, avec une ardeur qui me déstabilisa complètement. Je n'arrivais pas à comprendre ce qu'il était en train de m'arriver. Avait-il réellement prononcé ces mots ? Lui, désolé ? Mais pourquoi ? Il avait absolument toutes les raisons de m'en vouloir après ce qu'il avait enduré ! J'étais d'ailleurs persuadée jusqu'à cet instant que se retrouver à mes côtés lui en coûtait énormément.

— Pardonne-moi, Enji, me supplia-t-il en reculant face à mon absence de réaction.

La dernière fois qu'il m'avait embrassée de la sorte, je me souvenais parfaitement de la manière dont cela s'était fini. Il m'avait repoussé sans ménagement, avec un mépris qui m'avait arraché le cœur. Mais ce n'était pas la peur qu'il recommence qui me retenait. J'étais juste... terrifiée. Terrifiée à l'idée de le blesser encore une fois.

— Je t'en supplie, pardonne-moi !

— Te pardonner quoi ?l'interrompis-je en écarquillant les yeux, avant d'oser poser ma main sur sa joue meurtrie.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant