5. ANOTHER ME (PARTIE V)

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Satisfaite de cette petite victoire, je lui fis l'honneur de lui répondre.

— Ne rêve pas, rien ne se passe jamais comme dans les livres, répliquai-je en allusion à celui qu'il venait de lâcher.

— Tu as raison. Non, c'est vrai, c'est pas Tate qui fait une proposition indécente à Miles, dans l'histoire. Tu veux que je prenne mes responsabilités ?

— C'est-à-dire ?

Je savais où il voulait en venir, mais je préférais le lui entendre dire avant de lui arracher les yeux.

— Ben, laissa-t-il traîner, moi aussi j'aurais une proposition...

Vu qu'il ne poursuivait pas, j'éclatai d'un rire sardonique. L'effet fut flippant – même pour moi.

— Tu essaies de me dire quoi, là ? Que tu veux qu'on soit des sex friends ?

— Ouh là ! s'exclama-t-il en levant les deux mains devant lui. Jamais de la vie ! Bon, sauf si vraiment tu me suppliais... Mais comme je vois à ton air que tu es prête à m'étriper, j'en déduis que non. Ça va peut-être t'étonner, mais je ne tiens pas à mourir jeune...

— Tu déduis bien, assurai-je d'un ton menaçant.

— Je disais donc...

Il se rapprocha de moi en agitant les mains comme il l'aurait fait avec un drapeau blanc.

— ... que j'avais une proposition. Que je t'ai déjà faite au demeurant et que tu m'as renvoyée en pleine tronche, mais, comme je suis magnanime, je vais prendre sur moi et retenter ma chance.

Je croisai les bras et le regardai d'un air franchement sceptique.

— J'ai eu le temps d'analyser ce qui te faisait peur dans une possible amitié entre nous...

— Vraiment ?

— ... et j'en suis venu à la conclusion que ce que tu redoutais le plus dans tout ça, c'était de ne plus pouvoir te disputer avec moi !

J'éclatai de rire.

— C'est la meilleure ! Bien joué, Einstein ! J'ai horreur de l'affrontement permanent. Franchement, tu crois que ça m'amuse de passer mes journées à te remettre en place ?

— Tu ne me feras pas avaler ça, contra-t-il en secouant la tête. Tu adores me chercher des poux, et je vais te dire un truc : c'est pas moi qui te blâmerai pour ça. Parce que je fais la même chose. Et j'adore le faire avec toi.

Je levai les yeux au ciel, bien consciente qu'il essayait de m'amadouer et qu'il y arrivait – en partie.

— Tout ça pour dire qu'on pourrait très bien conclure une trêve, sans pour autant renoncer à ce petit jeu-là...

— Tu n'as pas l'impression que c'est contradictoire, ton histoire ? Si je te tacle en permanence, c'est... je ne sais pas, de l'instinct de survie, appelle ça comme tu veux. J'aurais beaucoup de mal à te considérer comme un ami si on continue comme ça.

Il sembla étudier ma réponse avec attention.

— Écoute, je ne te demande pas de m'apprécier tout le temps, mais si au moins on pouvait faire front commun face à nos parents...

Ses mots me firent l'effet d'une claque. J'avais bêtement voulu croire qu'il tentait un effort pour arranger les choses, mais je commençais à comprendre où il voulait en venir.

— Je vois, exhalai-je en quittant ma posture de défense pour m'éloigner de lui. En fait, tu me demandes de ne pas te mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ton père. Je me trompe ?

Son expression s'assombrit en un clin d'œil.

— Ce n'est pas pour lui que je te demande ça.

— Je te crois, il n'est jamais très présent auprès de sa famille...

La colère montait crescendo et me transformait en une véritable garce.

— C'est juste que ma mère s'inquiète, en ce moment...

— Et tu veux lui mentir, c'est ça ? Tu veux qu'on lui mente tous les deux en lui jouant la comédie et en lui faisant croire que tout va bien dans notre vie ? Tu ne vaux pas mieux que ton père, à jouer ce jeu-là avec elle !

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant