6. WARRIORS (PARTIE XII)

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— Je sais ce qu'on a dit la dernière fois, mais là, c'est un cas d'extrême urgence, répondit-elle alors qu'un pli soucieux venait rider son front.

— Viens avec moi, lui enjoignit-il en rouvrant la porte.

Ahurie par la scène qui se déroulait juste sous mes yeux, je fis un pas dans sa direction.

— Mais tu joues à quoi, là ? m'indignai-je en le pointant du doigt.

— Enji, ce n'est pas le moment, répliqua-t-il en ayant l'air de ne pas tout saisir.

— Ne fais pas cette tête, je sais très bien que vous avez un passif, tous les deux, m'emportai-je en le voyant jouer les innocents. Enfin, je croyais que c'était un passif, mais je vois bien que non. Cela dit, vous pourriez au moins avoir la décence de ne pas faire ça devant moi.

Son visage exprimait une profonde perplexité, doublé d'une inquiétude circonspecte.

— Ah mais oui, c'est ça ! déclara la résistante, l'air d'avoir tout compris. C'est vrai que tu croyais que lui et moi, on...

Elle laissa sa phrase en suspens en m'examinant comme un rat de laboratoire, alors que son camarade semblait très mal à l'aise.

— C'est pas le moment, répéta-t-il avec empressement. Toi, suis-moi.

— Passe devant, je te suis, opina-t-elle alors qu'il s'engageait déjà dans le couloir, non sans m'avoir jeté un dernier regard que je ne sus déchiffrer.

Elle s'arrêta à ma hauteur et m'attrapa les poignets. Je faillis la repousser brutalement, mais quelque chose me retint.

— Écoute, toi et moi, on n'est pas amies, et je ne crois pas que ça changera. Mais je t'en dois une pour la dernière fois, alors merci.

— Comment vont Mel et le bébé ? m'enquis-je en m'efforçant de rester neutre.

Je n'avais aucune envie de l'avoir sous les yeux plus longtemps, mais cette question m'avait hantée depuis que j'avais quitté ces cuisines le lendemain de mon arrivée.

— Bien, ne t'en fais pas, me rassura-t-elle. Mais le moral n'est pas là depuis qu'elle a perdu...

Elle ne finit pas sa phrase, comme si elle venait de se rendre compte qu'elle en disait trop, mais cela ne fit que confirmer mes derniers doutes sur le fait que le Zacks éliminé dans le raid mené contre l'équipe d'N.J. était bien le compagnon de la nouvelle mère de famille.

— Mais là n'est pas la question, reprit-elle. Je voulais juste te dire que la relation entre N.J. et moi n'a rien à voir avec les films à caractère X que tu te montes.

— Et qu'est-ce que je suis censée comprendre ? fis-je avec mépris.

— Tu sais, Enji, ouvrir des nouvelles blessures, c'est très simple. Le plus dur, c'est de savoir les refermer. C'est un sale boulot, que tout le monde ne sait pas mener à bien.

Elle tourna nos poignets vers le haut, et je remarquai les marques en relief là où sa peau aurait dû être lisse.

— N.J. s'est chargé du sale boulot quand je n'ai pas su le faire. Ça s'arrête là.

Alors que j'ouvrais la bouche sans vraiment savoir quoi lui dire, elle me planta encore une fois au beau milieu de la pièce sans un au revoir. Je me posais mille et une questions durant les heures qui suivirent en me promettant d'avoir le fin mot auprès de mon compagnon de chambre, mais ne revis pas celui-ci du reste de la nuit.

Je passai une nuit blanche à l'attendre et me postai à la fenêtre au petit matin, lorsque les premières lueurs grises du jour percèrent enfin les lourds rideaux blancs tirés devant les immenses fenêtres. Quelque chose m'interpella, sans que je comprenne bien quoi. Mais d'abord abusée par les gouttes résiduelles qui glissaient le long des carreaux, je finis par mettre le doigt sur ce qui me choquait autant dans le décor. Il s'était tout simplement arrêté de pleuvoir.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant