9. WARZONE (PARTIE VI)

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Alors que je réfléchissais à l'éventualité d'exclure mon père de cette affirmation, j'entendis la compagne de Blake entamer une chanson in media res. Le son, d'abord vague, se précisa peu à peu.

Funny how it rained all day... I didn't think much of it then, but it's started to all make sense...

— Julia, la prévint Roxane sur un ton d'avertissement.

Celle-ci allait de droite à gauche, surveillant toutes les opérations sans cesser de revenir à l'endroit d'où les résistants étaient partis, sur ses ordres.

— Tu ne pouvais pas choisir quelque chose de moins déprimant ? marmonna-t-elle entre ses dents, avant de s'éloigner de nouveau.

Son amie ne dut pas l'entendre, car elle ne s'interrompit pas.

Oh, I can see now that all of these clouds are following me in my desperate endeavor to find my whoever...

— Julia ! l'interrompis-je à mon tour en reconnaissant la chanson.

— Quoi ? ne s'étonna-t-elle qu'à moitié, penaude. Je suis désolée, je n'ai que ça en tête.

Je devais me rendre à l'évidence. Ce n'était pas de sa faute si elle avait choisi une histoire où la fille semblait s'être foutue de la gueule d'un gars qui l'aimait un peu trop pour son bien. Ce n'était pas sa faute si, d'un point de vue extérieur, mon histoire avec N.J. ne semblait qu'une invention de toute pièce de ma part, et si tout laissait à croire que j'avais joué avec ses sentiments.

Et en fin de compte, ce n'était pas de sa faute si toute ma vie se cassait méchamment la gueule. J'aurais pu m'en prendre à la Terre entière, à commencer par mon père, mais à quoi bon, à ce stade ? C'était moi qui avais toujours fait, si ce n'était les mauvais choix, du moins les choix qui m'avaient menée à ma situation actuelle. C'était moi qui avais toujours refusé de me conformer au modèle de petite fille sage que mon père avait façonné sur mesure, et c'était encore moi qui avais engagé ma responsabilité auprès de Nate. C'était également moi qui avais pris la décision de ne pas me confier à celui que j'aimais sur ma situation lorsqu'il en était encore temps, espérant bêtement réussir à le préserver et protéger sa vie. Peut-être qu'après tout, si je n'avais pas gardé tout ça pour moi, il aurait été à même de comprendre et de m'aider, sans que nous ayons à subir tout cela l'un comme l'autre.

Je n'avais jamais été – du moins, à mon sens – nombriliste pour un sou. Mais même si cela me coûtait de l'admettre, j'étais, dans une certaine mesure, le centre de ce monde. De mes décisions avaient toujours découlé des conséquences dont l'importance n'était plus à démontrer. Encore peu de temps auparavant, c'était de ma position vis-à-vis du chantage du général Adamson que dépendait le début d'une nouvelle guerre, visant à l'éradication de centaines et de centaines de vies. Maintenant que j'avais appuyé sur le bouton, néanmoins, je ne pouvais plus me vanter d'avoir le contrôle sur quoi que ce soit. Ne me restait plus qu'une terrible responsabilité vis-à-vis de tous ces gens.

J'avais toujours cru que j'étais le dommage collatéral qui ferait écran entre toutes les atteintes portées au présent équilibre mondial et une voie bien plus désastreuse, et que mon mariage était le tir que je devrais essuyer pour permettre de préserver une paix durement acquise et bien méritée. Mais bien sûr, pour la énième fois dans ma courte vie, j'avais fait fausse route. Le chantage sous la pression duquel j'avais cédé était incontestablement le véritable tir que j'avais reçu en plein cœur, protégeant un nouvel ordre mondial dont les lignes de force seraient, cette fois, guerre et chaos. Et en réalité, ce tir n'était que le dernier d'une longue série.



Media : Remembering Sunday, All Time Low feat Juliet Simms.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant