ÉPILOGUE : RESURRECT THE SUN

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— C'est terminé, me répétait une voix assourdie depuis plusieurs dizaines de secondes. C'est terminé ! Tu m'entends ?

Je repris pied dans la réalité, m'extirpant de la brume dans laquelle ce qu'il venait de se produire m'avait jetée. Je n'arrivais pas à y croire. Est-ce que nous venions réellement de mettre un terme à l'existence de deux des plus grands malades qu'Endless Rain ait jamais connu ?

— Oui, c'est bel et bien fini, me confirma N.J.

Je venais visiblement de poser la question à voix haute. C'en était donc terminé de cette dictature, de cette guerre sans fondement, de cette épée de Damoclès qui pesait sur nos vies à tous. La scène se teintait d'une luminosité irréelle à mesure que je prenais la pleine mesure de tout ce que cela signifiait.

Le soleil ne sortit pas de sa tanière pour autant. Il nous fallut deux jours pour faire cesser définitivement toutes formes de combat. Les morts étaient nombreux, malgré la rapidité de notre action, le nombre de blessés, inquantifiable. Il ne fut pas aisé de réussir à faire croire aux troupes à la véracité de la nouvelle : les dirigeants de l'Union Bleue et de Negendra étaient définitivement morts, mais personne ne semblait prêt à accepter cet état de fait. C'était bien trop inespéré pour oser se laisser aller à l'espoir.

Grâce à l'efficacité de la Résistance, néanmoins, nous parvînmes à contenir les débordements inutiles et arrêter la machine avant qu'il ne soit trop tard. La population avait été majoritairement épargnée, ce qui restait un grand soulagement, malgré les pertes douloureuses.

Nous avions perdus à titre personnel beaucoup d'amis. Pas mal des rebelles qui avaient laissé leur vie sur le champ de bataille m'étaient presque inconnus, vu que je n'avais pas disposé d'assez de temps en leur compagnie. Néanmoins, j'avais dû affronter la mort de bien trop de personnes dont je me sentais proche. Qu'il s'agissait de Chad, Remington et Cody, que je n'avais connu qu'un après-midi, mais que j'avais vu mourir sous mes yeux. La petite Lynn, d'à peine dix ans, dont l'innocence s'était éteinte en même temps que cette étincelle de vie qui la caractérisait. Ma mère, dont j'avais sacrifié les années que nous aurions pu passer et affronter ensemble, tout cela parce que j'avais refusé d'entendre ses choix, parfois malheureux. Fox et Genesis, une famille que j'avais involontairement détruit par mes propres choix. J'avais fait des erreurs – beaucoup d'erreurs. Mais il était désormais temps d'avancer.

J'avais de plus la chance d'avoir toujours auprès de moi ceux qui comptaient le plus dans ma vie. Solara, seule rescapée de nos deux familles, qui allait enfin pouvoir apprendre à vivre. Ses retrouvailles avec Nessa et Ghost marquèrent d'ailleurs un tournant après toutes ces années d'esclavage. Wyatt, justement, ainsi que l'équipe des Cinq et tous mes amis les plus proches, comme Hyphen, qui avaient tous survécu à la bataille. Nate, qu'en dépit de toutes les épreuves, j'étais parvenue à défendre jusqu'au bout et pour qui je pouvais enfin espérer un avenir plus serein. Ce petit frère que je m'étais acharnée à garder en vie et auprès duquel j'avais pu enfin tenir ma promesse de lui revenir très vite. N.J. enfin, dont j'avais gagné l'amour et le soutien au fil des épreuves que nous avions traversées ensemble.

Il était encore trop tôt pour savoir de quoi serait fait l'avenir. Nous ignorions encore totalement comment nous allions devoir gérer le pouvoir qui nous était échu, et de quelle manière nous allions pouvoir le reverser entre plusieurs autres mains, afin de ne plus jamais connaître ce que nous avions enduré. La séparation même de l'Île devenait inutile. Tout allait être à revoir, mais pour l'instant, nous nous laissions le temps de voir venir. La seule décision que nous parvînmes à prendre fut de renoncer à nos patronymes pour prendre tous les deux celui de James, faisant du deuxième prénom de Norin notre nouvelle identité – ainsi que le symbole de notre union.

Cinquante-six heures après la fin des combats, le miracle se produisit enfin. Nous étions encore dehors, à l'instar de nombreux autres, venant en aide à tous les blessés qui jonchaient le secteur 25. Le toit de la tour sur laquelle nous nous trouvions nous permit d'être aux premières loges de ce spectacle saisissant.

Une lumière rouge sang émergea avec une lenteur écrasante de l'horizon, faisant danser des milliers d'étincelles éblouissantes sur la surface de l'eau. Les nuages semblaient se plier contre leur volonté à sa longue ascension. Nos peaux étaient progressivement touchées par la lumière de l'astre, se réchauffant doucement d'une forme de chaleur comme nous n'en avions jamais connu. L'éclat devenait puissant, si puissant que nous étions absolument incapables de soutenir son regard. Je me tournai alors vers N.J., dont le visage était éclairé d'une lueur nouvelle, au sens propre comme au figuré.

— Je crois que je me lasserai jamais de te voir sous cette lumière, souffla-t-il.

Je me sentis rougir, et savais pertinemment que le Soleil n'y était absolument pour rien.

— Tu te souviens quand tu m'as demandé de ne pas t'emmener quelque part en te demandant d'admirer un paysage magnifique, et de ne pas te dire que c'est pour ces choses-là et ces petits instants-là qu'il faut se battre ?

Je laissai échapper un petit rire malgré moi.

— À ce moment-là, j'étais loin d'imaginer qu'on aurait la chance d'assister à ça un jour.

— Mais moi, j'avais ce paysage magnifique sous les yeux tous les jours, souligna-t-il en me fixant toujours aussi intensément.

Je l'embrassai pour l'empêcher d'en dire davantage, profondément touchée.

— Tu y as toujours cru plus fort que moi, reconnus-je lorsque nous nous séparâmes enfin.

— C'était toi, ma force, et tu le seras toujours.

Je pris son visage entre mes mains.

— Je t'aime tellement, tu sais...

— Je te dirai bien que je t'aime encore davantage, mais tu risquerais de me contredire, alors...

Nous rîmes de concert. Je me tournai vers l'horizon, les bras d'N.J. passés autour de ma taille, son menton sur mon épaule.

— Tu crois que c'est la fin de notre monde ? demanda-t-il au bout d'un moment. Je veux dire, tel qu'on l'a toujours connu ?

Un sourire franc s'épanouit sur mes lèvres. Car pour la première fois de ma vie, j'étais pleine d'optimisme.

— Non, ce n'est pas la fin de notre monde, assurai-je. Ce n'est que sa renaissance.


Media : Resurrect The Sun, Black Veil Brides.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant