10. SEND ME HOME (PARTIE III)

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Il me repoussa sans douceur contre le mur le plus proche. Il appuya ses paumes contre celui-ci, encadrant ma tête sans me laisser la moindre chance de m'échapper.

— Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? rugit-il en frappant la paroi du plat de sa main droite à plusieurs reprises, ponctuant chacun de ses mots.

Je me recroquevillai sur moi-même, apeurée. Quelque chose changea dans son expression lorsqu'il s'en rendit compte. Il avait l'air blessé, tout simplement – cela allait au-delà de la trahison que je venais de lui infliger.

— Tu n'as pas le droit de faire ça, souffla-t-il. De faire comme si j'allais te faire du mal. Contrairement à toi, jamais je ne pourrais te faire souffrir volontairement.

Je baissai la tête, avant de rencontrer de nouveau son regard.

— Tu comprends pourquoi j'avais tellement peur tout à l'heure ? repris-je à voix basse, profitant du fait qu'il semblait être un peu redescendu. Quand je t'ai dit que tu risquais d'oublier que j'étais sincère ?

Il me contempla, d'un air de dire que je ne pouvais pas m'attendre à mieux.

— Tu m'as aussi dit que toi et moi, c'était envers et contre tout, et regarde. On n'est même pas assez forts pour surmonter ça.

Je venais visiblement de prononcer le mot de trop, vu qu'il s'emporta de nouveau.

— Arrête ! Arrête de faire comme si je ne tenais pas suffisamment à toi pour comprendre ! Je t'aimais, tu comprends ? Je t'aimais tellement que ça me fait mal à en crever !

Je tâchai d'ignorer la lame de souffrance qui venait de traverser ma poitrine. C'était la première fois qu'il me disait qu'il m'aimait, et il avait employé le passé pour le faire.

Nous restâmes ainsi durant de longues secondes, à nous étudier comme pour trouver une solution à tout ce qu'il venait de se passer. Je pouvais sentir son odeur, je n'avais qu'à tendre la main pour le toucher, et cela me rendait folle de savoir que malgré sa proximité, je l'avais perdu à tout jamais, que je n'avais tout simplement plus le droit d'exiger qu'il m'appartienne.

Ce fut plus fort que moi. Je posai mes mains sur son torse et les fit glisser jusqu'à ses épaules, avant d'entourer son cou. Il me regarda faire sans m'arrêter, visiblement torturé. J'effaçai la distance entre nous et m'approchai à quelques centimètres de son visage, mais ne m'aventurai pas plus loin. Je ne voulais en aucun cas qu'il pense que je profitais de sa faiblesse, et je voulais aussi qu'il s'agisse autant de son choix que du mien. Une part de moi espérait qu'il ne parviendrait peut-être pas totalement à me repousser de but en blanc.

Il ne tergiversa que quelques secondes avant d'écraser ses lèvres sur les miennes, dans un baiser plein de rage et de souffrance. C'était un véritable cyclone, qui ravagea les dernières fondations de mon être. Je ne pourrais pas survivre sans lui, j'en étais certaine à présent. Peut-être... peut-être après tout n'était-il pas encore trop tard pour nous deux.

Ses mains explorèrent mes flancs avant de venir serrer brusquement ma taille, comme s'il craignait que je ne m'éloigne. Je comprenais mieux que jamais l'idée de vouloir se fondre en quelqu'un d'autre.

Et puis brusquement, il me repoussa. Il me regarda en secouant la tête, avant de me relâcher et de se détourner. Honteuse, je me sentis plus avilie par son geste que par la manière dont je m'étais comportée. J'avais l'impression qu'il venait de me reprendre une faveur qu'il m'avait faite et que j'étais loin de mériter, de toute manière. Mon cœur en était quitte pour des années de souffrance – si je parvenais à survivre cette nuit.

— Qu'est-ce que je vais faire de toi ? lâcha-t-il avec une pointe de dégoût.

— Si tu dois continuer à me regarder comme ça, je préfère que tu me renvoies chez moi, soufflai-je, anéantie par sa manière de me considérer.

Il lâcha une expiration mi-amusée, mi-méprisante.

— Ouais, je suppose que c'est ce qu'il me reste de mieux à faire, opina-t-il en ayant l'air de sous-entendre que c'était ce qui m'arrangeait le plus, de toute façon.

Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit, ne s'interrompant que pour me jeter ces mots d'adieu.

— Casse-toi de chez moi et ne remets plus jamais les pieds ici. Pour ton bien comme pour le mien.

Sur quoi, il quitta la pièce, me laissant seule avec ma douleur.


Media : Send Me Home, Asking Alexandria.

ENDLESS RAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant