Chapitre 22

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Gabin

Lui avouer ce soir n'était clairement pas mon intention. Je me demande vraiment si je contrôle mon cerveau à certains moments. Merde, en plus, elle ne dit rien ! Voilà Lily qui revient avec un paquet de fruits secs. Cette petite n'est pas comme les autres. Quel enfant choisit des raisins secs à côté d'un paquet de Haribo ?

-Tu m'as entendu ?

Mais qu'est-ce que tu racontes ? Evidemment qu'elle t'a entendu ! N'insiste pas plus, elle semble de détester. Si elle pouvait me donner un coup de poing, elle le ferait probablement. Elle se retient pour ne pas choquer Lily.

-Je t'ai très bien entendu. Tu ne me l'as pourtant jamais prouvé après notre premier rendez-vous.

-Si tu me laissais l'occasion de t'expliquer...

-Je n'en ai pas envie, Gabin. Laisse-moi tranquille.

Elle tourne les talons et après quelques secondes, Lily me demande pour rentrer. Un cordon bleu et de petits pois plus tard, elle est dans son lit endormie comme un bébé. Au moins, ce sport a eu le don de la fatiguer plus qu'à l'accoutumée. Je m'installe tranquillement sur le canapé avec un fond musical agréable. Je tiens entre mes mains, pour la première fois depuis un petit moment, le journal intime de ma mère. Je m'apprête à lire la suite. A découvrir ma petite enfance.

1er janvier 1990

Gabin ne fait que pleurer. Qui a dit qu'un bébé dormait toute la journée. C'est faux. Il hurle. Sans cesse. Il m'a empêché de fêter le nouvel an. Sale gosse. La seule joie que j'ai connue pendant ces fêtes est une carte de vœux de Patrick. Mais je n'ai pas pu lui répondre. Il n'y avait pas d'adresse.

J'éprouve un peu plus d'affection pour Gabin. Je ne me sens pas mère pour autant. Je crois que je suis trop jeune pour ça. Que je n'ai pas l'instinct maternel. Il est mignon, c'est sûr mais il lui ressemble trop. Il me rappelle Patrick.

17 mars 1990

Cher journal,

Cet enfant me prend tout mon temps. Je ne peux plus t'écrire. Enfin, il commence à dormir un peu plus. Mais mes parents en ont marre des pleurs. Ils s'occupent de lui de temps en temps mais je dois me lever la nuit pour le nourrir. Une horreur. Il grandit bien apparemment. Le pédiatre est content. Mais je ne peux plus sortir. Il m'empêche de faire tout ce que j'aime. Je passe mon temps à attendre. Qu'il mange, qu'il fasse son caca et qu'il s'endorme. Je n'aime pas ce rôle de maman. Ce n'est pas moi.

14 avril 1990

J'attends inlassablement d'autres nouvelles de Patrick. Je cours à la boite aux lettres tous les jours. Même le dimanche parfois. Je n'ai plus la notion du temps. Je ne vais plus au lycée. Je suis mes cours par correspondance. Il était hors de question pour mes parents que j'arrête mes études. J'ai de toute manière, bien d'autres ambitions. Et ce n'est pas cet enfant qui va m'empêcher de faire ce dont je rêve depuis longtemps.

21 juillet 1990

Sept mois et demi. Quinze ans et bientôt seize. Ce n'est pas dans l'ordre des choses. Il fait ses dents. Je comprends qu'il puisse avoir mal mais me réveiller sans cesse ? Je me demande comment j'ai pu réussir mon année et passé en 1ère C. Je ne dors plus que quelques petites heures par nuit. C'est compliqué mais je deviendrais médecin avec un Gabin à mes pieds ou non.

25 juillet 1990

Ce matin, quand je suis allée le récupérer dans son lit, il était déjà réveillé et il me regardait avec des yeux remplis d'amour. L'amour que je ne lui donne pas. Ses petites lèvres ont bougé et ont prononcé très clairement « maman ». Pour la première fois depuis sa naissance, je me suis sentie mère.

Ô de MilaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant