Ô de Mila

Chapitre 37

Mila

-Maintenant Lily !

La petite blondinette s'élance et effectue un premier saut sans chute. Elle recommence encore et encore toute la matinée. Nous travaillons durement mais fièrement. Elle a, pour son âge, un talent. Les patineurs d'un jour l'observent émerveillés. Les petites filles sont envieuses. Elle est si belle.

Je suis épuisée physiquement par cette semaine avec les filles. Des nuits courtes et une organisation totalement autre. Je suis loin d'être prête à gérer des enfants à plein temps. Je sais gérer le quotidien mais les avoir H24 relève d'une autre patience. Hugo et sa femme les ont récupérées hier au soir et après un petit apéro, nous étions soulagés de les voir partir avec leurs parents. Nous retrouvons notre cocon avec de temps à autre Lily.

A peine repartie avec son père, je retrouve de mon côté, Gabin. Il a les yeux rivés sur son téléphone. Il est toujours en train de guetter un message de son père ou une annonce lui disant que le prix du vol vers le Québec à diminuer. Il en est littéralement obsédé.

-Gabin, je suis là.

-Oh, pardon.

-Tu regardes encore pour l'avion ? C'est une mauvaise idée... Je ne le sens pas.

-Laisse-moi faire. C'est mon père.

-Mais je ne veux pas que tu gâches ce que tu es en train de créer ! Il n'en a pas envie.

-Mila, je suis assez grand, je t'assure.

-Quand veux-tu y aller d'abord ? Je rétorque.

-En août. Accompagne-moi. On visitera.

-Je n'ai pas les moyens. Je reste ici.

-Tu es en colère ?

-Tu regretteras.

-Tu ne veux donc pas mon bonheur ? S'écrie-t-il.

-Je n'ai jamais dit ça. Je te protège. Il n'est pas célibataire. Il a une vie, une famille et tu peux détruire ce foyer ! Te rends-tu compte ? Tu veux vraiment que tes autres petites sœurs vivent un scénario similaire à Lily ? Tu pourrais tout chambouler, provoquer un divorce. Lily s'en sort bien mais pour Hadley et Hazel, ce ne sera peut-être pas tout rose.

-Sa femme et ses filles sont au courant que j'existe. Qu'est-ce que je fais de mal ?

-Tu vas à l'encontre de ses volontés.

-Tu ne m'écoutes pas.

-Toi non plus. Je rentre chez moi, j'ai besoin de repos.

-Et notre après-midi cinéma ?

-Une prochaine fois, Gabin.

Je réajuste mon sac sur l'épaule et pars en direction de l'arrêt de bus. Furieuse qu'il soit aussi entêté. Je n'arriverais pas à lui faire entendre raison à ce sujet. Je fais face à un mur et j'ai peur qu'il y fonce, tête baissée et le choc fera mal. Je l'aurais prévenu, j'aurais fait mon maximum. Désormais, c'est lui qui détient son destin. Peut-être que d'ici le mois d'août, Patrick sera prêt à voir son fils. J'espère pour lui.

Arrivée dans mon studio, je coupe mon téléphone pour ne plus recevoir ses appels incessants. J'avale quelques feuilles de salade verte et me lance dans un grand ménage estival. Il est grand temps que je range et rende cet appartement plus propre et sain. Les vitres, les poussières, le tri des bibelots inutiles, tout y passe. Je finis par passer la serpillière et m'affale sur mon canapé à plus de dix-huit heures, je suis exténuée. Je rêverai de me faire couler un bain à l'heure actuelle.