Gabin
Les larmes ont coulé et ma colère incontrôlable a ravagé l'appartement. Je me suis retenu d'arracher chaque page de ce journal. Mais c'est une preuve. La preuve que je ne me suis jamais trompé sur cette femme. J'ai la haine contre elle, je ne sais pas si je dois aller m'expliquer. Mes paroles risquent de dépasser ma pensée. Je ne comprends pas ses agissements.
J'observe les dégâts. Assiettes brisées et bibliothèque renversée. Seule la chambre de Lily a réchappé à mon coup de sang. Je m'y réfugie d'ailleurs pour pleurer encore et encore. Pourquoi je n'ai pas coupé les ponts dès que j'ai pu avec elle ? Comment peut-elle me regarder dans les yeux et me dire « je t'aime » sans aucun remord de ce qu'elle a fait ? Je n'étais pas en bonne voie pour la pardonner mais en écrivant ses lignes, elle s'est condamnée à perdre son enfant. Est-ce que seulement ça va la toucher ? Je ne crois pas. Elle risque tout au plus d'être furieuse pour son journal. Mais tout s'arrête ici. Je ne veux plus de contact avec cette femme. Maman est un mot bien trop doux et significatif pour la qualifier. C'est ma génitrice.
Je range le bazar que j'ai mis à plus de deux heures du matin. Je passe l'aspirateur et m'en fout des voisins. J'ai bien d'autres chats à fouetter. Allongé sur mon lit, je réfléchis à comment je pourrais lui parler. Je veux avoir plus de précisions sur les raisons qu'ils l'ont poussé à vouloir me garder. Je n'étais rien de plus qu'un objet pour elle.
Je ne dors pas de la nuit, bien trop préoccupé à l'incendier de tous les noms. J'ai une tête à faire peur en ce lundi matin. J'appelle mon patron pour dire que je ne pourrais pas me rendre au travail aujourd'hui mais que je lui apporterais un arrêt rapidement. J'enfile un survêtement et me dirige le pas décidé vers le cabinet médical de ma mère.
J'attends moins de dix minutes et dès que la porte s'ouvre, je me lève.
-Vous venez d'arriver ! Scande un homme. Ce n'est pas à vous.
-Est-ce que j'ai vraiment l'air de vouloir patienter ?
-Gabin, s'exclame ma mère.
-Personne ne veut attendre, réplique l'homme.
Je m'approche de lui et le soulève par son col. Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Ses yeux sombres me scrutent.
-Je te déconseille ne me chercher plus longtemps.
Il s'apprête à répliquer quand on me tire en arrière. Ma mère me pousse dans son cabinet, furieuse de mon comportement.
-Que fais-tu ici ? Et qu'est-ce qu'il te prend d'agir ainsi avec mes patients ?
-Je veux un arrêt de travail. Mets-moi trois jours.
-Pardon ? Gabin, tu sais que je ne te ferais pas cet arrêt à la volée.
Je m'assois et croise mes doigts devant mon visage pour contenir ma colère. Je suis à deux doigts d'exploser.
-Mon amour, qu'est-ce qu'il y a ?
-Il y a que j'ai appris la vérité sur ma naissance.
-Comment ça ?
-Premièrement tentative d'homicide sur un embryon. Puis abandon à la naissance. Je n'étais clairement pas un cadeau de la nature !
-Qu'est-ce que tu racontes, dit-elle à moitié inquiète.
-J'ai lu ton journal. Là où tu as écrit tous tes maux d'adolescente. J'ai préféré m'arrêter juste après ma naissance. Mais je suis sûr qu'il me réserve encore beaucoup de choses.

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Ô de Mila
RomansaJeune auxiliaire de puériculture organisée et perfectionniste, Mila s'épanouit dans son métier. Si les enfants lui apportent beaucoup d'amour, côté cœur, c'est le néant. Elle ne trouve pas chaussure à son pied, son exigence lui jouant des tours. Ga...