Chapitre 39

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Gabin

Mon univers s'écroule. Tout ce que je croyais juste devient injuste. La vie semble soudain dénouée de sens. Je refuse de pleurer et de me montrer faible alors que je ne le suis pas. C'est à peine concevable, imaginable. Ma colère me dépasse et mon impulsivité prend le dessus, je ne contrôle plus mes émotions. Tout est allé trop vite et trop mal. C'est de sa faute. Sa faute à elle. Je la déteste un peu plus à chaque seconde qui passe. Elle me prive de lui pendant près de trente ans et lorsque je le retrouve, la nature décide de me le retirer. Si elle ne me l'avait pas enlevé, j'aurais pu faire avec lui, tout ce que les petits garçons font avec leur père. J'ai envie de lui téléphoner et de lui dire tout ce qu'elle doit entendre. Pourquoi ? Pourquoi s'est-elle buté à me cacher son identité ? Je ne comprends pas.

Je ferme mes yeux un instant pour essayer de me calmer mais rien n'y fait. Je suis triste et nostalgique de la vie que j'aurais pu avoir. Le monde est tout de même mal fait. J'ose rêver à cet adolescent que j'étais avant de dériver. Mon père m'aurait sûrement mis sur la bonne route. Peut-être que j'aurais eu de l'attention. Lorsque mes paupières se rouvrent, mon père n'a pas bougé de place, il me regarde seulement. Maintenant que je détaille les traits de son visage, je remarque qu'il semble plus que fatigué et que son teint est gris. Mon dieu, il va vraiment mourir ?

Mes mains tremblent. C'est un véritable coup de massue. Après de longues minutes de silence, j'ose parler.

-C'est un cancer de quoi ?

-Du pancréas.

-Oh, c'est vraiment mauvais.... Tu as mal ?

-Non. Et au cas où, j'ai des médicaments. Ils me font un traitement mais ça ne soignera pas. C'est du confort et ça me permet de profiter plus longtemps de ma famille. C'est en moyenne six mois.

-Mais je te connais à peine, je dis désinvolte.

-Je sais.

-Pourquoi tu ne m'as pas cherché ? Tu aurais pu !

-Comme je t'ai déjà expliqué, mes parents ont coupé tous les ponts en déménageant. Je m'étais convaincu que Céline avait dû avorter ou donner le bébé à l'adoption. Jamais je n'avais imaginé qu'elle t'avait gardé. Être maman-ado était encore plus mal vu à l'époque qu'aujourd'hui. Le temps a vraiment passé et voilà... j'ai fait ma vie.

-Elle a détruit la mienne. Je vais te connaitre et te perdre dans la même année.

-Je suis désolé, bafoue-t-il.

-Ne t'excuse de rien. Fichu cancer.

-Profitons de ta dernière soirée à Québec. J'ai cuisiné une bonne partie de l'après-midi. Ce n'est qu'une question de minutes avant qu'elles n'arrivent.

-Parfait.

En effet, après avoir sorti du frigo ou du four, les différents plats, j'entends une voiture se garer dans l'allée. L'appréhension monte d'un cran. J'entends des voix et la porte d''entrée s'ouvre finalement laissant apparaitre des jolies petites filles. Elles posent leurs sacs et sautent au cou de leur père.

-Tu vas bien papa ?

-Très bien mes chéries. Et vos vacances ?

-C'était trop bien ! S'exclament-elles simultanément.

-Vous avez vu qu'il y a Gabin ?

Elles se retournent vers moi et viennent me saluer très poliment et gentiment. Pendant que nous nous installons au salon, elles ne me quittent pas des yeux et restent assez silencieuses. Nous parlons entre adultes de choses diverses et variées dans une sobriété étonnante. Comme si je faisais partie de cette famille depuis toujours. C'est une sensation agréable. Quand Hadley et Hazel se mettent à parler de leur séjour en Louisiane, nous n'avons plus l'occasion d'en placer une. L'une fini la phrase de l'autre et elles rient ensemble. Elles me font penser à Lily-Rose, même si elles n'ont aucun lien de parenté.

Ô de MilaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant