41%

2.7K 134 3
                                    

Je suis installée au deuxième étage sur cette fameuse terrasse chez Ken où, plus d'une fois nous avons échangeons des moments de complicités et nos premiers déboires. J'aime cet appartement, il ressemble beaucoup au repère des garçons dans la forêt. Le cendrier qui gît à mes côtés déborde de mégots, tous plus ou moins consumés. Je rabats la laine chaude de mon pull aussitôt que le vent froid de cette nouvelle nuit parisienne me gifle le visage, les joues rosies et les doigts glacés mais je ne veux pas entrer dans l'appartement de deux étages ; Deen et Sneazzy sont là, peut-être un étage plus bas, impossible de sortir sans me faire griller. Je mords violemment dans ma lèvre pour retenir un cri, excédée par cette situation en repensant aux paroles de Ken avant son départ : « Je sais ce que tu as en tête bébé et crois-moi je t'en empêcherai ». Il est repartit cinq heures plus tôt en prenant l'avion cette fois ; ces trois jours se sont écoulés à une vitesse folle et malgré tous mes efforts pour lui changer les idées, il n'a cessé de chercher des indices pour retrouver la trace de mon frère. Et à chaque fois, j'ai tout faire pour l'en dissuader, le faire changer d'avis sur ce qu'il pensait avoir découvert et pourtant mille et une fois il tapait juste. Chacun de ses arguments étaient solides et ce n'est que lorsqu'il a énoncé le lieu dans lequel Aaron se planquait depuis gamin que j'ai réellement fait une crise de nerfs pour le faire se stopper. Parce qu'au fond de moi, c'est à ce même endroit que je comptais me rendre ce soir même pour enfin lui faire face. Un pressentiment.

Seulement, mon plan que je prépare depuis plus de trois semaines est en train de partir sévèrement en vrille. « Chacun des gars te surveilleras à tour de rôle jusqu'à ce que je revienne. Dans sept jours précisément ; tu ne feras rien de stupide, jure-le moi, Asa ». Et j'avais juré. J'allume l'énième cigarette de mon début de nuit contrarié en tirant rageusement dessus. Et lorsque je sens la présence de l'un des deux garçons dans mon dos pour vérifier que je n'ai pas pris la fuite, je retiens un juron. Je refuse de m'énerver contre eux, ils sont devenus de véritables confidents, je ne veux pas leur manquer de respect.

Cependant, la bataille qui se joue dès lors dans mon âme tiraillée par le bien et le mal me rend dingue ; je ne suis plus sûre de rien. Pourtant, il est grand temps que toute cette histoire trouve ses explications et sa fin quelle qu'elle soit parce que je vais définitivement détruire la vie de mes compères. Un air de rap me parvient jusqu'aux oreilles alors que je tire sur le bâtonnet de nicotine, je reconnais une instrumentale provenant d'une des chansons de Ken si je ne m'abuse et aussitôt les deux voix graves de Deen et Sneazzy retentissent sur une improvisation totale.

Je coince la cigarette entre mes lèvres et finit par regagner l'intérieur de l'appartement en me laissant guider par le son de leurs voix. Quand j'atteins le rez-de-chaussée, j'ai droit à un joli spectacle : mes deux amis en plein duo d'un débit impressionnant de paroles. Je les contemple quelques minutes ; de temps à autre ils se stoppent pour gratter des paroles sur une feuille de papier. Je tourne ensuite la tête sur ma gauche et tombe tout de suite sur la portée d'entrée, officiellement devenue ma porte de sortie lorsque mon téléphone sonne.

- Est-ce que je dois appeler Sneazzy pour m'assurer que tu es bien avec lui ?

Sa voix grave est teintée d'ironie et en même temps extrêmement sérieuse.

- Tu n'es pas censé être sur scène, Ken ? Je demande en me dirigeant vers la cuisine pour me servir un verre d'eau.

- Dans cinq minutes. Comment tu te sens ?

- Bien, je réponds sans réfléchir.

- Asa ?

- Je vais bien Ken mais tu me manques, je finis par répondre avec beaucoup plus de sincérité.

À L'AUBE DE NOS ERREURS [NEKFEU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant