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Deux jours plus tard.

Je dépose un bouquet d'amaryllis rouges sur le marbre froid, pâle et triste. Mes doigts récemment vernis d'un rose pâle caressent quelques secondes l'épitaphe et son inscription me déchire toujours autant le cœur :« Aaron Ells », en lettres dorées. Tout comme l'était ses yeux. Tout comme sont les yeux de Ken. Je mords violemment dans ma lèvre avant de détourner le regard et de me redresser avec rapidité ; je marche d'un pas précipité jusqu'à quitter le cimetière nocturne qui m'oppresse grandement. Ce n'est qu'une fois à plusieurs mètres de sa dernière demeure funèbre que j'éclate en sanglots. Je suis secouée d'innombrables spasmes, je rêverais de mourir sur place tant ça me fait mal. C'est lorsque je ferme quelques secondes les yeux que mon téléphone se met à sonner. Je renifle bruyamment avant d'extirper avec difficulté l'objet de ma poche arrière : Sneazzy est en train de m'appeler. Je décide de refuser son appel et lorsque ce dernier disparaît de l'écran, je constate que j'ai quarante-trois appels en absence ; c'est là aussi que je remarque la date d'aujourd'hui et je manque un battement de cœur : 25 juin 2016. C'est impossible. Je prends mon visage entre mes mains, complètement paniquée. Je vérifie à plusieurs reprises la date mais elle ne disparaît pas. Je me laisse tomber sur le bitume et tente de calmer mes sanglots pour être en mesure de réfléchir. Je repense à l'interview, la sortie du clip et la soirée en son honneur. La nuit auprès de Ken suit, ainsi que notre altercation le matin du 23 juin et plus rien. Deux jours entiers viennent de s'effacer de ma mémoire ; dans leur entièreté. Comment cela est-il possible ? La sonnerie de mon téléphone résonne à nouveau et en voyant de qui il s'agit, je décroche immédiatement.

- Ken ? Je lâche en sanglotant.

- Putain Asa, où est-ce que tu es ? Ça fait deux putains de jours que tu fais la morte, qu'est-ce que tu fous ? Retentit aussitôt sa voix profondément inquiète.

Je renifle bruyamment.

- Asa, est-ce que tu vas bien ?!

Je secoue doucement la tête. Tout part en vrille, absolument tout. Je refoule un énième sanglot avant de renifler une énième fois. Ma vue est trouble, je ne parviens plus à discerner convenablement les formes. Les pensées se bousculent dans ma tête : qu'est-ce qu'il se passe?

- Où es-tu ?

Cette fois-ci sa voix est autoritaire, sans appel. Je secoue une fois de plus la tête.

- Je ne comprends pas, je lâche dans un murmure, complètement déboussolée.

- De quoi, Asa ? Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? Qu'est-ce qui se passe, bon sang ?

Je n'en sais rien.

- Asa, dis-moi où tu es, s'il-te-plaît, résonne à nouveau sa voix teintée d'angoisses.

- Je suis au cimetière, je réponds avec empressement avant de raccrocher.

Je regarde une dernière fois la date qu'affiche le téléphone avant de m'allonger sur le banc le plus proche en fermant les yeux, exténuée. Les questions se bousculent, je ressasse encore et encore les dernières quarante-huit heures écoulées mais rien : le néant le plus complet. Les larmes coulent toujours mais, je ne sanglote plus et en moins de trois secondes je sombre dans un sommeil agité.

- Je l'ai trouvé, hurle une voix que je reconnais immédiatement comme appartenant à Deen.

J'ouvre difficilement les yeux et à peine j'effectue un mouvement je suis prise de mille et une courbature. D'abord perdue, je me rappelle de l'endroit dans lequel je me trouve et ma gorge se noue : je n'ai pas rêvé, je n'ai rien inventé. Deen s'avance jusqu'à moi et m'aide à me relever alors qu'il m'assaille de questions en tout genre. Je le regarde sans dire le moindre mot, complètement exténuée : j'ai l'impression d'être sous l'emprise de la drogue mais, je n'en ai pas consommé, n'est-ce pas ?

À L'AUBE DE NOS ERREURS [NEKFEU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant