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Douze jours que ma jambe est prisonnière d'un plâtre. Après des analyses plus poussées, le médecin a affirmé que j'avais un traumatisme crânien quelque peu important, comme si je n'étais pas suffisamment cinglée. Doums est constamment à mes côtés et même si je me débrouille très bien seule avec les béquilles, il me porte régulièrement quand j'ai le malheur de le croiser durant mes rares sorties. Quant à Sneazzy, il ne me lâche plus.

- Asa, hurle la voix du brun à travers l'appartement.

- Tu sais où me trouver, je lâche en soupirant alors que je suis avachie sur mon canapé depuis le début de ma convalescence.

Il apparaît dans le salon, un sourire en coin sur les lèvres. Je l'interroge du regard en arquant un sourcil.

- Ken est définitivement disculpé, lâche-t-il en me montrant son téléphone.

Je me redresse aussitôt.

- C'est une bonne nouvelle, je lâche plus enjouée que je ne l'ai été durant les dernières semaines de mon existence.

Je repense à ma dernière confrontation avec Easton, huit jours auparavant. Je n'ai pas hésité à lui faire du chantage pour qu'il retire sa foutue plainte et je ne me suis pas gênée pour lui exposer les dernières traces de son agression autour de mon cou. Certes j'ai sérieusement déconné en bousillant sa caisse mais il l'avait très sincèrement cherché.

- Il est grand temps d'avoir une discussion sérieuse avec Ken.

Je le dévisage du regard alors que la simple idée de le revoir me paralyse.

- Non, je déclare fermement.

- Asa, me reprend-t-il sévèrement.

- Non, je répète avec aplomb.

Il s'apprête à reprendre la parole mais je le devance.

- Je n'ai jamais demandé qu'il fasse ça, d'accord ? Et même si ça partait d'un bon sentiment, je ne lui dois plus rien : égalité parfaite. La presse n'en parlera pas puisque l'affaire a été étouffée, je n'ai donc pas entaché son image et il peut reprendre sa vie à l'endroit même où il l'avait laissé.

- Tu n'es pas sérieuse ?

- Est-ce que j'ai l'air de rigoler, Sneaz ? Je lâche en le regardant droit dans les yeux.

Il passe une main dans ses cheveux et ses sourcils se froncent.

- Je ne te parle pas de Nekfeu là. Je te parle de Ken, le garçon que tu fréquentes depuis des mois ; celui que tu apprécies malgré tout et qui partage ces sentiments. Je te parle de votre relation, Asa. Tu n'as peut-être pas entaché son image mais tu as entaché son cœur ; tu l'as blessé autant qu'il a pu le faire. Tu ne dois pas oublier que tu es celle qui a tout déclenché et bordel je ne dis pas ça pour te rabaisser, je te le dis parce que tu es mon amie et parce qu'il est grand temps que vous assumiez tous les deux vos actes.

Une succession d'images défilent dans ma tête, certains souvenirs que je ne m'étais même pas remémorée jusqu'alors ; c'est étrange, chaque instant aux côtés de Ken revient me hanter et les paroles de Sneazzy continuent de défiler jusqu'à ce qu'il dépose un baiser sur mon front et quitte l'appartement. J'ai besoin de prendre l'air.


Je m'appuie contre l'immeuble le plus proche et allume une cigarette ; je me suis résolue à renoncer à mes clopes en marchant. J'observe les passants et me surprend à imaginer le déroulement d'une journée banale dans leur vie. Lorsqu'une bande de mannequins perchées sur de haut talons aiguilles traversent la route, je réalise que je ne veux plus faire partie de ce monde. Une chance inouïe que ma dernière agence ait rompu le contrat peu de temps après mon accident. Un sourire ironique s'étire sur mes lèvres en prenant conscience que je suis à nouveau démunie, seule et clairement au chômage. Enzo prend régulièrement de mes nouvelles et je suis heureuse de constater qu'il me porte toujours dans son cœur. Un bref instant, l'idée de reprendre un rail de coke me traverse l'esprit mais je la refoule facilement. Je préfère encore sombrer dans l'alcool que dans cette merde. Un homme d'une vingtaine d'années s'approche de moi, un sourire étrange sur le visage. Je lui lance un regard noir pour le dissuader de m'approcher mais cet idiot ne s'arrête qu'une fois face à moi.

À L'AUBE DE NOS ERREURS [NEKFEU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant