À L'AUBE DE NOS ERREURS [NEKFEU]

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« Combien de temps ça va encore durer Aaron ? Je suis en train de pourrir dans ce satané hôtel depuis près de trois semaines, je n'en peux plus. C'est la dernière lettre de cette correspondance, je me fiche de ton fric, dans moins d'une semaine je suis de retour à Paris. Tu ne me donnes même plus de nouvelles d'elle, tu me fous les boules putain. Tu ne m'empêcheras plus jamais d'être auprès d'elle, j'ai trop longtemps été sous ton influence et je te jure que c'en est terminé. Je peux pas croire que tu sois mon frère, putain. Je peux pas croire que tu me prives de ma petite-sœur, quel genre de type fait ça ? Je vais tout lui dire, je veux qu'elle sache que je suis là, que je pense à elle et que je l'aime plus que ma propre vie. Maman et toi êtes les pires enflures que je connaisse et Asa vaut tellement mieux que ça. Papa aurait empêché vos conneries, il était droit et juste. Qu'est-ce qu'il me manque, bon sang. C'est toi qui l'a tué avec toutes tes conneries. Et j'ai droit moi aussi de porter son nom, je m'appelle Easton Ells, espèce d'enfoiré. Dans une semaine je suis de retour à la maison et si tu tentes quoique se soit contre moi, si tu ne touches ne serais-ce qu'un de ses cheveux Aaron, je te buterai sans hésitation, sans aucun foutu remord. Je t'emmerde et l'heure de ma vengeance à sonner. Tu vas me le payer. Inutile de répondre, je serais juste à côté de toi dans sept jours : une semaine et je te réduis en cendres ».
E.F

Dès lors je perds la notion du temps et de l'espace. Une douleur vive s'empare de mon cœur, semblable à un coup de couteau. Je manque de souffle, je ne contrôle plus mes battements de cœur affolés. Je me précipite au-dessus des toilettes et régurgite tout ce que j'ai pu avalé dans les heures qui ont précédé.

Je suis secouée de spasmes, mes larmes obstruent ma vue : je n'entends plus que la musique, elle est assourdissante. Qu'est-ce qu'il vient de se passer, putain ? C'est quoi ces conneries ? Dites-moi que je rêve, je vous en supplie. La lettre demeure sur le sol, les mots me sautent aux yeux, les phrases se répètent en boucle, sans relâche. Je ne veux pas y croire, je ne le peux pas. Je ferme les yeux, tente de reprendre le contrôle ; parce que je n'ai pas le droit de faiblir et je ne me pardonnerai jamais de gâcher une telle soirée. Ken va annoncer la sortie de son nouvel album et Sneazzy est le plus heureux des hommes grâce à Maïa. Non, je n'ai pas le droit. Je me l'interdis.

Ainsi je ravale mes sanglots, ma rancœur et ma colère, essuie le noir qui a coulé sous mes yeux avant de me passer de l'eau sur les joues. J'inspire à plusieurs reprises et fourre la lettre dans la poche intérieure de ma veste. J'ignore depuis combien de temps je suis cloîtrée dans cette pièce mais mieux vaut que je me dépêche si je ne veux pas me faire remarquer.

À peine sortie de la salle de bain, Ken m'interpelle.

- Je t'ai cherché partout bébé, tout va bien ?

- J'ai simplement bu trop vite, je réponds de but en blanc en déposant un rapide baiser sur sa joue avant de disparaître comme un mirage sur la terrasse où je glisse une cigarette entre mes lèvres.

J'observe quelques secondes la jolie vue parisienne avant que Deen ne vienne se poster à mes côtés, un verre dans la main qu'il me tend. En fait, il s'agit d'une coupe de champagne. Je l'interroge du regard, essayant de paraître tout à fait calme et sereine même si je bouillonne de l'intérieur, même si je rêverais de crever.

- De la part de Ken, dit-il simplement et aussitôt je cherche le concerné du regard.

Il apparaît à son tour sur le balcon, laissant entrouverte la baie vitrée d'où s'échappe la mélodie de sa propre chanson : Princesse. Certains souvenirs me reviennent en mémoire, notamment la première fois où nous nous sommes embrassés. Tout est allait si vite, je n'ai rien pu contrôler et je n'ai rien vu venir, ça me déconcerte.