Prologue

289 14 0
                                    

   Lou

Juin

Je regarde l'avion partir, ses derniers mots résonnant dans ma tête.
Je peux vivre sans toi.
Mon téléphone vibre dans ma poche mais je l'ignore, mes yeux fixant toujours le vide que l'avion a laissé sur la piste. Les gens grouillent et rient autour de moi, comme si ma vie ne venait pas de cesser. Comme si j'étais la seule à voir mon monde s'écrouler. À arrêter de respirer. À ne plus pouvoir bouger. À être incapable de réfléchir de façon cohérente.
Pourquoi tout le monde continue d'avancer autour de moi ?
Et depuis bien longtemps.
Mon portable me sort une nouvelle fois de mes pensées, l'écran indiquant "Maman". Je le laisse sonner, préférant éviter une conversation avec elle. Elle comprendrait à la seconde qu'il y a un problème.
Je ferme les yeux.
Son visage apparaît, son sourire, ses yeux. Je l'entends me dire qu'il m'aime, pour la première fois.
Je ne t'aime plus, Lou.
Mon cœur bat si fort que j'ai le sentiment de suffoquer, que d'une minute à l'autre je ne serais plus capable de respirer.
Sans me préoccuper du monde qui m'entoure, je pose ma tête sur la fenêtre froide devant moi. Je ferme les yeux. Inspire et expire. Des milliers de pensées dans ma tête. L'impression de sombrer, de mourir. Et puis cette sensation qui va me devenir familière, celle du froid, celle du vide, de la dureté pour survivre.
Je relève la tête, fixe mon regard au loin, chasse les larmes de mes yeux.
Il faut que j'arrête de penser à lui.
Il est parti, merde. Je ne peux pas rester là à pleurer sur mon sort, j'ai encore tout une vie a supporter.
Les yeux dans le vide, je ne vois rien devant moi, rien de plus que le nouveau futur que je dois me construire.
Je me force à me dire que je vaux mieux que ça, et mes jambes me répondent enfin. Je me dirige alors vers la sortie avec l'allure d'un automate, pleine d'incertitude. Tout cela est incompréhensible.
Mon esprit continue de se demander, malgré mes efforts pour tout cloisonner dans un coin de ma tête. Pourquoi ?
En sortant, je m'aperçois dans une vitre et remarque mon allure : mon jean trop grand, mon pull sage maculé de larmes, et mon visage parcouru de traces noires, signe de mon ébat public. J'ai conscience des regards sur moi, mais à cet instant, je n'en n'ai rien à faire. Je n'en ai plus rien à faire.
C'est fini.
Mon téléphone vibre de nouveau. Ma mère, encore une fois. Va-t-elle me laisser en paix ?
Je hèle difficilement un taxi et m'enferme au plus vite dans la voiture, me coupant du brouhaha extérieur.
– 11 avenue des minimes, je murmure d'une voix blanche.
Pour toujours.

Une heure plus tard, la voiture se gare devant mon immeuble. Il est assez modeste mais ma mère et moi, on s'y plaît. Notre appartement est plutôt grand, et raffinement décoré.
Je secoue la tête et, dans un soupir, jette mon paiement au chauffeur, avant de sortir la tête baissée.
Machinalement, ma main tape le code et je pousse la porte du hall en m'appuyant de tout mon poids dessus.
Je ne t'aime plus, Lou.
Quand j'arrive en haut et que je rentre enfin chez moi, je me dirige directement vers ma chambre sans un mot.
J'essaie en vain de me ressaisir, de chasser les larmes dans mon regard, les yeux obstinément tournés vers le sol.
Sans même prêter attention à ma mère qui m'interpelle depuis le salon, je me dirige vers ma chambre et me laisse tomber sur mon lit, mes cheveux blonds étalés autour de mon visage.
Une.
Respiration.
Après.
L'autre.
Une larme s'échappe et roule doucement sur ma joue. Puis une deuxième, et une troisième. Et ainsi jusqu'à ce que je ne puisse plus compter.
Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, alors que j'ai l'impression qu'il est brisé. Alors que je me sens vide. Je ne sais pas comment je vais pouvoir continuer sans lui.
Mon estomac me brûle.
Comment peut-il me laisser dans le noir de cette manière ?
Je le déteste presque aussi fort que je l'aime.
Je ne veux plus jamais le revoir.
Dans un accès de rage, je saisis mon téléphone et supprime son numéro. Plus de tentation. Je ne vais pas lui courir après, ça, il peut rêver.
Parce que je vaux bien mieux que ça.
Je ne ressens plus rien. Je sais que je dois tourner la page. La vie est trop courte pour que je m'apitoie sur mon sort. Mais je suis vide et triste. Pourtant j'étouffe.
Je me retourne violemment et lâche un cri dans mon oreiller. Je presse mon visage contre ce dernier dans une veine tentative de faire taire mes pensées.
J'essaie d'oublier l'étincelle dans ses yeux, la distance de sa voix, ses mots qui ne trompent pas. C'est réel. Il est partit d'un jour à l'autre, je ne le rêve pas. Sans aucune raison.
Je tourne des heures dans mon lit, encore et encore, à la recherche de réponses que je ne trouverais jamais. Elles n'existent simplement pas.
Dans un soupir, je ravale un énième sanglot et ferme les yeux. Le meilleur moyen d'oublier, c'est de dormir. Et peut-être qu'en me réveillant, je me sentirais un peu moins brisée. Chaque jour après l'autre. 

Reviens moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant