chapitre 21

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Lou

Un an plus tôt...

– Je déteste ce self, grogne Tessa en posant son plateau à côté de moi.
Je ne réponds pas, habituée à ses réflexions, mais elle renchéri :
– Toujours la même merde, toujours bruyant, toujours...
Quelqu'un se racle la gorge derrière nous.
On se retourne à l'unisson et je me retrouve face à un Antoine tout souriant. Mais, surtout, face au sourire désarmant de Tewis. Je rougis instantanément et baisse les yeux.
– Ça vous dérange si on s'installe avec vous ? Nous demande poliment Antoine.
Tewis, lui, ne prend pas cette peine et est déjà assis en face de moi. Il grimace légèrement et gigote sur son siège. Il a l'air mal en point. Comme s'il s'était fait tabasser ou quelque chose comme ça.
Enfin, de toute façon, je suis toujours en colère contre lui pour ce qu'il m'a dit ce weekend, et je n'ai pas débloqué son numéro, pour ne pas être tentée.
Je m'en veux d'être autant attirée par lui malgré tout ce qu'il m'a dit.
Je lui sors mon sourire le plus hypocrite et leur répond à tout les deux :
– Non, pas du tout. Installez-vous.
Antoine s'assoie en face de Tessa et on se retrouve tous les quatre, sans trop savoir quoi dire.
Tewis mange rapidement, et c'est quand son regard se retrouve planté dans le mien, que je me rends compte que je n'ai pas touché à mon assiette, préférant visiblement le fixer.
Il avale bruyamment.
– Un souci ?
– Non.
Je baisse la tête et picore mes pâtes. J'ai plus du tout faim, tout à coup.
– T'as reçu mon message ? Il enchaîne.
Je glisse un regard vers Tessa, qui me regarde, l'air surprise. Elle pensait (c'est ce que je lui avais juré) que j'adresserai plus la parole à Tewis, et que si lui le faisait, je l'ignorerais.
Au lieu de cela, je me tourne vers lui et lui dit simplement :
– Non.
Je croise le regard d'Antoine et je peux y lire qu'il est désolé.
Je l'ai appelé ce week-end pour lui raconter ce qu'il s'était passé, et il m'a promis qu'il parlerait à son ami. Et que celui-ci ne remettrait pas le sujet sur le tapis.
Apparemment, c'est raté.
– Et bien, je disais, il sort difficilement son téléphone de sa poche, que, je cite " suis désolé pour hier, je n'aurais jamais dû te dire ça, je ne sais pas ce qu'il m'a pris. En espérant que tu me pardonnes, Tewis."
Alors là, je m'attendais à tout, sauf à ça. Comment est-ce que qu'il fait pour lire ce message avec tant d'aplomb ? Et me fixer comme ça, sans gêne, en attente de ma réponse ? Je ne sais pas quoi dire.
Alors je me lève brusquement, lance un regard à mes deux amis, et finis par l'ancrer dans celui de Tewis. Je cille sous l'assurance qui émane de lui, mais répond :
– T'auras beau me dire ce que tu veux, rien n'y changera, tu as dit ce que tu as dit.
Il ouvre la bouche pour commencer à parler mais je ne lui en laisse pas l'occasion.
– Et, ne me sors pas l'excuse de j'étais défoncé blablabla, t'as bien réussi à m'emmener à l'hosto. Ce qui était d'ailleurs mortellement dangereux. Alors ce que tu as dit, tu le pensais, donc maintenant tu l'assumes.
Je reprends ma respiration et ne prend pas la peine d'écouter sa réponse. Je me détourne et pars poser mon plateau.
– Lou...
Tessa soupire, mais je ne me retourne pas, et ce n'est qu'à la sortie du self qu'elle me rattrape.
– Lou, attend moi !
Je m'arrête brusquement et elle manque de me rentrer dedans.
– Oh, punaise.
Je ris.
– Tu peux dire "putain" tu sais.
– J'aime pas ce mot.
Je hausse les épaules et continue mon chemin à un rythme plus normal.
– C'est fou dans l'état que vous vous mettez l'un l'autre.
– Il a commencé.
Elle pile et me regarde, les mains sur les hanches.
– Sérieux, là ? T'as quel âge, 5 ans ?
– Non, je...je souffle et prend le temps de réfléchir, tu peux quand même m'accorder qu'il n'avait pas à dire ça.
– Bien sûr. Mais tu pourrais l'écouter, non ?
– Je vois pas pourquoi tu prends sa défense ! Il n'a aucune excuse.
– Si. Peut-être qu'il ne sait plus comment faire, étant donné que tu le repousses tout le temps, et que lui non plus, il ne sait pas comment gérer ce qu'il ressent pour toi. Il ne sait pas comment aimer, ça se voit à des kilomètres. Ou peut-être qu'il a pensé que ce que tu voulais, c'était coucher avec lui et qu'il s'est dit que si c'était le seul moyen de passer du temps avec toi, c'était déjà bien.
Je la regarde, sous le choc. D'où est-ce qu'elle me sort tout ça ? Et puis, ça m'énerve, qu'elle prenne ça défense comme ça. Alors, je sais que je ne devrais pas, mais je lui réponds d'une façon hautaine :
– Ah oui, parce que t'es psy toi, maintenant ? Tu sais lire et analyser les gens ?
– Non..., elle souffle à son tour, j'ai juste parlé avec lui hier soir.
– Quoi !
– Tu vois, c'est pour ça que je te l'ai pas dit. Je savais comment tu allais réagir.
– Mais, pourquoi t'as fait ça ?
– Pour toi. Je savais que tu n'étais pas bien, et je voulais savoir pourquoi il avait dit ça.
Elle lève les mains au ciel.
– Mais, bordel, vous êtes juste deux nuls en amour qui ne veulent pas s'avouer ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre parce que vous avez tout les deux trop de fierté.
– N'importe quoi.
– Mais si ! Regarde-toi.
Je grogne et marmonne.
– Ok, c'est vrai je suis étrangement attirée par lui.
– Quoi ?
Je répète plus fort, et rajoute que je ne peux pas m'empêcher de vouloir passer du temps avec lui. Je la regarde droit dans les yeux et continue :
– Et je ne le répéterais pas une troisième fois.
Elle sourit et, je n'ai pas besoin de réponse de sa part.
Je sais très bien ce qu'elle pense. Alors, je ravale ma fierté, lui dit qu'elle a raison, et remonte dans le self. Je marche d'un pas décidé jusqu'à Tewis et quand je suis devant lui, il me regarde avec des yeux où se mélangent l'incompréhension et la tristesse.
– J'accepte tes excuses. Maintenant, je crois qu'on devrait repartir à zéro.
Il ouvre et ferme la bouche, comme si, pour une fois, il ne savait pas quoi dire.
Alors, je le fais pour lui. Je tends la main vers lui et lui dit :
– Je suis Lou, une amie d'Antoine. Enchantée.
Il la serre, encore perturbé par mon comportement, et répond doucement :
– Tewis.
Je lâche sa main, hoche la tête, et fais demi-tour avant de perde toute mon assurance. Mon dieu, j'ai l'impression de ne pas avoir respiré pendant des siècles.

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