chapitre 12

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Lou

Bip.Bip.Bip.
Je me réveille en sursaut dans une chambre entièrement blanche. Tout me paraît étrange, irréel. Je n'ai aucune idée de ce que je fais là, ni d'où je suis.
Sans plus attendre, je me lève tel un automate et sors du lit dans lequel j'étais allongée. Je parcours un long couloir sans croiser personne et sors de cet endroit étrange et vide sans me poser plus de questions.
En hélant un taxi, je me rends compte que je ne sais pas quelle adresse donner. Je monte quand même dans la voiture et dit la première chose qui me passe par l'esprit :
– 11 avenue des Minimes, s'il vous plaît.
Le trajet est court et quand je sors, je vais directement chez moi, sans m'en rendre vraiment compte.
Bip.
En rentrant, je vois mon père derrière le bar, il fait la cuisine, un tablier autour des hanches, comme s'il habitait là depuis toujours.
Comme s'il habitait là depuis toujours ?
Bien sûr qu'il habite là, c'est mon père. Ça me perturbe un peu, je ne sais pas pourquoi, mais je n'y prête pas vraiment attention et me dirige vers lui pour l'embrasser.
– Salut, ma chérie, bonne journée ?
– Oui, et toi ?
– Parfaite.
– Super, tu me racontes après ? Je vais à la douche.
Il hoche la tête et je me dirige vers ma salle de bain.
Je ne sais pas pourquoi, je ne lui ai pas dit que je n'ai pas de souvenirs réels de notre vie, ni comment je me suis retrouvé dans une chambre vide, mais...tout me semble si faux.
J'entre dans la salle de bain et m'observe dans le miroir.
Mes cheveux sont d'un blond éclatant et si long qu'ils me frôlent les fesses. Je porte un pull noir léger laissant seulement apparaître la base de mon cou, et un jean bleu simple, mais pas trop moulant. Mon apparence me semble particulièrement bizarre et simple, mais, comme tout le reste de cette journée, je laisse tomber.

Après m'être douchée, coiffée, et mise en pyjama, je sors de la pièce et me dirige vers le salon pour mettre le couvert pour mon père et moi.
Mais la table est déjà mise.
Pour trois.
Je me demande qui est là troisième personne quand ma mère fait irruption dans pièce.
Ma mère, bien sûr.
Je ressens un plaisir immense de la voir, comme si je ne l'avais pas vu depuis des années. Elle a l'air en pleine forme. Je me jette sur elle et la serre fort contre moi.
– Comme tu m'as manqué, je murmure.
Ma mère rit.
– Mais enfin ma chérie, ça fait seulement quelques heures qu'on s'est quittées !
– Je sais mais...tu m'as manqué, c'est tout.
Bip.
Mon dieu mais d'où vient ce bruit insupportable ?
– Tu as entendu ? Je demande.
Ma mère me regarde avec un drôle d'air.
– Entendu quoi ?
– Non, non, rien...
Je me détourne et vais me mettre à table, car je meurs de faim. Le repas se déroule silencieusement. Je suis de toute façon bien trop occupée à manger pour parler.
Je ne sais pas ce que c'est mais, punaise, ce que c'est bon ! Je finis mon assiette en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et après avoir débarrassé, je file au lit. Je veux mettre cette journée derrière moi au plus vite.

*

Le lendemain, tout me semble de nouveau normal.
Mon réveil sonne à 6h00 et je me prépare pour aller en cours. Ma mère me prépare mon petit-déjeuner et mon père est déjà parti travailler.
Une fois mon repas terminé, je dis au revoir à ma mère, et cours dans les marches pour ne pas être en retard.
Comme tous les matins, je rejoins Tessa au bout de la rue et on se dirige ensemble vers le bus. Tessa, c'est ma meilleure amie. Elle est vachement timide et je me rends bien compte que parfois, je prends trop de place, mais je fais ce que je peux pour la mettre à l'aise.
Et quand elle en a besoin, je la pousse. Ça n'a jamais fait de mal à personne, si ?
– Alors tu as demandé à ta mère pour vendredi ? Elle me demande.
Vendredi ? Qu'est-ce qu'il y a vendredi ? Quel jour on est, déjà ?
– Euh, non, désolée, j'ai oubliée.
– Lou ! Ça fait une semaine qu'on en parle, et c'est déjà demain !
On est jeudi, donc.
– Je sais, je sais, désolée.
On monte dans le bus tandis qu'elle grommelle dans mon dos.
Je fais la bise à Carter, un ami depuis peu et m'assois derrière lui. Je sais qu'il kiffe Tessa, mais il ne veut pas lui parler. Je trouve ça complètement débile, parce que je suis sûre que Tessa ne serait pas contre le fait de sortir avec lui, mais il ne m'écoute pas.
– Ça va pas, Tessa ?
Ma meilleure amie rougit en s'asseyant lorsque Carter s'adresse à elle. Ils ne se parlent pas beaucoup, mais à chaque fois, c'est lui qui parle et elle, elle rougit.
– Si, si.
Je la regarde en coin et souris. Je sais qu'elle m'en veut encore de ne pas avoir demandé à ma mère pour vendredi, mais je me garde bien de le dire. À la place je lance :
– C'est les hormones.
Carter et moi pouffons de rire, tandis que Tessa me lance un regard noir, le visage rouge de honte. Elle croise les bras et marmonne :
– J'ai pas mes règles.
Un mec du lycée de l'autre côté de la rangée crie :
– Tessa à ses règles les mecs, l'approchez pas !
Et ils ricanent tous comme des cons. Je lance un regard d'excuse à mon amie et répond :
– Vos gueules, bande de cons !

*

Faut croire que Tessa est plus rancunière que ce que je croyais.
Déjà 3 h de cours passés et elle est toujours énervée contre moi.
Heureusement qu'Antoine arrive à la faire parler parce que sinon, je crois qu'elle ne dirait pas un mot.
C'est quand même fou, je l'ai défendu et je me suis excusée, faut pas qu'elle en fasse tout un plat.
Ça dure jusqu'au repas, quand on est à table avec Antoine et Clara, sa copine. Je prie pour qu'ils n'appellent pas leur meilleur pote.
Il m'exaspère à un point inimaginable. Et il n'a pas l'air de m'aimer non plus. Avec ses regards noirs et ses réflexions, je n'ai qu'une envie, c'est de le frapper. Ça fait des mois que j'essaie d'être sympa avec lui, mais je n'y arrive pas.
Mais, c'est le pote d'Antoine, alors j'essaie de rester cool. Même si c'est dur.
– Et, dis-moi Lou, pourquoi les timbrés te fixent comme ça ?
Je me retourne et remarque cinq paires d'yeux posés sur moi.
On les appelle les timbrés parce qu'ils sont tous un peu bizarres. Atypiques.
Ils s'habillent de façon peu commune et sont remplis de piercing, tatouage et tout le bordel. Et ils sont vachement exubérants. Des grandes-geules, quoi.
Je les fixe en retour, quelque chose en eux me paraît familier, agréable, et, sans m'en rendre compte, je leur sourie.
Sourire qu'ils ne me rendent pas, bien sûr.
Mais pourquoi j'ai fait ça ?! Je ne comprends pas. C'est comme si quelqu'un d'autre avait pris le contrôle de mon cerveau pendant quelque temps.
Et me voilà dans le doute et l'incompréhension encore une fois. Je me retourne vers mes amis, perturbée.
Bip.
– Et c'est quoi ce putain de bruit !
Clara et Antoine me fixent avec des yeux ronds. Oups, j'ai dû parler à voix haute.
– Qu...quel bruit ? Disent-ils à l'unisson.
– Non, rien.
– Ok...
Ils baissent les yeux vers leur plateaux avec un froncement de sourcils.
Je finis mon repas en silence, en lançant des œillades vers les timbrés de temps en temps. Ils ne me fixent plus. Mais ce sentiment de familiarité ne me quitte pas. J'ai l'impression que mon esprit essaie de m'envoyer un message, mais je sais pas quoi.
Bip, bip, bip, bip.
Et ce bruit qui ne s'arrête pas !
Je ferme les yeux et presse mes mains sur mon front.
Bip, bip, bip, bip.
– Lou !
Merde, je suis tombée. Et impossible d'ouvrir les yeux.
– Elle s'est évanouie !
J'entends Tessa se précipiter à côté de moi, et j'essaie de l'appeler, mais elle ne répond pas. Faut qu'elle arrête de faire la tronche un jour.
Et puis après ça, plus rien.

*

J'ouvre les yeux dans une chambre plongée dans la pénombre. J'entends des voix indisdinctes autour de moi.
Ou plus loin, finalement.
Quelqu'un ouvre la porte et la lumière m'agresse.
Je grogne.
– Oh, Lou tu es réveillée ? Tu t'es évanouie et tu es à l'infirmerie.
L'infirmière me sourie gentiment.
– Que s'est-il passé ? Je murmure.
Et pourquoi je suis dans une infirmerie ?
– Tu t'es apparemment plainte de mots de tête et ensuite, tu t'es écroulée, mais rien de grave.
– Mais...j'étais à une fête et je dansais et...
– Oh, non, me coupe-t-elle en riant, tu as dû le rêver.
– Oh.
Elle a sûrement raison. Maintenant, je me souviens des timbrés et des bruits horribles qui résonnait dans ma tête.
– Ta mère est là, je la laisse entrer ?
Quoi ?!
– P...pardon ? Ma mère est...elle est morte, madame.
– Grand dieu, non ! S'exclame-t-elle en courant vers la porte.
Elle est complètement folle.
Elle ouvre et marmonne quelque chose derrière la porte, puis s'efface pour laisser entrer une femme, qui s'approche de moi.
Je distingue ses traits et...oh mon dieu, c'est elle.
– Ma chérie, tu vas bien ?
– Ma...maman ?
– Oui, c'est moi.
Je n'y crois pas. Je suis totalement paumée. C'est impossible. Tout ce qui se passe est impossible.
– Mais...
– Chuuut, murmure-t-elle en me caressant les cheveux, ça va aller, je te le promets.
– Je ne comprends pas, maman.
– Je sais, ma chérie.
Elle me regarde et dans ses yeux, je lis une tristesse et une tendresse infinie. On dirait qu'elle sait quelque chose que j'ignore.
– Ma chérie, tu devrais te réveiller tu ne crois pas ? Me dit-elle d'une voix douce.
Quoi ?
– Des gens t'attendent, continue-t-elle, des gens qui t'aime attendent ton retour. Pense à combien il est dur de perdre quelqu'un. Ne leur inflige pas ça.
– Mais...je suis déjà réveillée maman, qu'est-ce que tu racontes ?
– Oh, ma chérie, je sais que tu veux rester avec moi et je le veux aussi très fort, mais il est temps de te réveiller, écoute ton esprit.
Je ne comprends pas. Je ne comprends plus rien. Est-ce qu'elle est devenue folle ? Est-ce que je suis morte en m'évanouissant ?
– Je ne comprends pas, maman.

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