Chapitre 9

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Lou

1 an plus tôt...

Rdv place Bellecour, 14 h. Hâte de te voir, ma jolie.
Ma jolie ? Sérieusement ? Il exagère. Ça fait quelques minutes que je suis devant l'écran de mon téléphone, à fixer ce message sans signature.
Pas besoin de réfléchir longtemps avant de savoir qu'il s'agit de Tewis.
Je regrette un peu d'avoir accepté son "marché". Je n'ai vraiment pas envie d'y aller. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne le sens pas, son plan.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire tout les deux, de toute façon?
Je ne le supporte pas. Et puis, c'est pas mon style de faire ce genre de truc.
Je sais pas comment m'habiller, me maquiller et même me coiffer.
Est-ce que je dois faire quelque chose de particulier ?
Non.
Je ne vais quand-même pas me changer pour lui. J'irai habillé comme d'habitude, et puis c'est tout.
En règle générale, je demande conseil à Tessa pour ce genre de chose, mais, je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas pu lui parler de cette entrevue.
C'est tellement pas dans mes habitudes. Surtout avec un mec comme lui. Je sais qu'elle ne me jugerait pas, au contraire elle serait hyper enthousiaste, trop enthousiaste...
Alors que c'est sans importance.

*

– J'y vais maman !
– D'accord, amuse-toi bien ma chérie !
Je passe la porte, la boule au ventre.
J'espère que Tewis sera plus calme qu'hier au café.
Je prends le bus et attends patiemment d'arriver au point de rendez-vous. Pendant tout le trajet, je me demande ce qu'on va faire. Il n'a pas précisé.
Soudainement, la voix pré-enregistré indique mon arrêt et je me lève rapidement. J'attrape mon sac et sors en vitesse pour atterrir directement sur la place.
Elle est immense. Et remplie de gens. Des gens qui grouillent autour de moi.
Un brouhaha incessant m'entoure. Et le clocher, sur la droite est...
– Salut, beauté !
Je sursaute et me retourne d'un coup.
Tewis est à quelques centimètres de moi. Proche, trop proche. Accompagné de son éternelle nonchalance. Le souffle court je réponds :
– Oh...euh...salut.
Je rougis et baisse les yeux.
– Et je t'ai déjà dit de pas m'appeler comme ça, je lance quand-même.
Il me lance un grand sourire et réplique avec un clin d'œil :
– Aujourd'hui, j'ai tout les droits. Jusqu'à la fin de notre petite escapade.
Je m'apprête à répliquer quand il me prend par le bras pour me faire traverser la foule.
– Où est-ce qu'on va ?
– Tu verras bien.
– Dis-moi !
Il éclate de rire et me répond pas, m'entraînant dans les rues derrière la place. Je commence à m'inquiéter de notre destination lorsqu'il s'arrête brusquement.
– Où est-ce qu'on est ?
– Tu ne vas pas t'arrêter de poser des questions ?
– Non.
– Très bien, mais tiens toi prête à ce que je ne te réponde pas toujours.
Ses yeux me fixent intensément. Je perds mes mots et ne répond pas.
Comment il fait ça ? Personne n'a ce pouvoir sur moi normalement.
On s'observe pendant quelques minutes sans rien dire. Puis je finis par détourner les yeux, gênée. Lui se racle la gorge et rentre par la porte devant laquelle on s'est arrêté sans rien dire de plus. Je me dépêche de le suivre, avant qu'il ne parte sans moi.
On rentre tout les deux dans une pièce immense.
– Mais qu'est-ce que...
C'est que ce bordel ?!
Les derniers mots restent coincés dans ma bouche, tellement je suis choquée.
– Bienvenue dans mon antre, dit Tewis, en ouvrant grand les bras devant lui.
– Ton antre ?
– Eh oui, cet endroit m'appartient, en quelque sorte. Alors ici, tu peux boire autant que tu veux, que tu sois majeure ou non. Tu peux faire tout ce que tu veux.
– Euh...d'accord.
Mais pourquoi on est là ? C'est quoi ? Une boîte ? La pièce est remplie de fumée, et une odeur bizarre persiste dans l'air. De la musique électro sort des grosses enceintes sur les côtés.
– Je te présente le Joice et compagnie, boîte ouverte 24h/24h. Mon père est le gérant. Ça change du petit café "chill", hein ?
Il mime les guillemets avec ses doigts et me sourit sarcastiquement.
– Je...
– Aller, fais pas cette tête. Viens, on va être plus tranquille derrière.
Il me prend alors par la main et me conduit à travers la foule jusqu'à un rideau. Sur le mur à côté, il y a marqué "Défense d'entrer".
Tout le monde ici semble respecter cette règle, bien que rien ne nous empêche de passer.
Enfin, tout le monde sauf nous.
On passe donc le rideau et on arrive dans une petite pièce mal éclairée.
La musique de la boîte est légèrement moins forte ici, et l'ambiance est moins pesante. Autour de moi, des fauteuils en mauvais état sont étalés un peu partout. Je m'assois dans un et pose la question qui me taraude :
– Qu'est-ce qu'on fait ici ?
– On s'éclate, simplement.
– Mais..., je fronce les sourcils, enfin...ici, c'est une boîte. Pourquoi y aller en pleine journée ?
Et pourquoi autant de monde le fait ?
– Et pourquoi pas ?
Tewis me regarde fixement, avec ce regard profond et déstabilisant dont il a le secret, attendant ma réponse. Étant donné que je ne réponds pas, il ajoute :
– Ici on est libre, qu'il fasse jour ou nuit, qu'on est 18 ans ou non, on peut être soit-même. Sans être jugé.
Cet endroit à l'air important pour lui. Comme si c'était le seul endroit où il se sentait bien.
Libre. Lui-même.
– Tu peux être toi-même n'importe où, tu sais.
– Si seulement...
Son regard est soudain plus froid, plus sombre. On dirait qu'il a quelque chose à cacher.
On se fixe dans les yeux sans aucune gêne et un éclair passe dans les siens.
Si furtif que je n'ai pas le temps de voir de quoi il s'agit.
De la tristesse ? De la colère ?
– Tu veux rester là ou aller danser ?
Sa voix est rauque, irrésistible. Son sourire charmeur. Sa main prête à prendre la mienne. Je me lève donc en frissonnant et lance :
– Et bien allons-y, tant qu'on est là.
Son sourire s'élargit et il me conduit de l'autre côté du rideau.
Je savais que ce garçon me ferait dépasser mes limites.

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