chapitre 13 • laisse aller

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N O L E Ï A

- Bref, je vais dormir.

J'embrasse la joue de Moh et me dépêche de m'éclipser dans ma chambre, snobant littéralement Ken. J'évite son regard, de peur d'y lire de la déception. Je sais ce qu'il se demande : "pourquoi file-t-elle comme une voleuse alors que nous venons de passer une si belle soirée, loin de tout ?".

Je me brosse les dents et me mets en pyjama, l'esprit comme anesthésié.
Je fonce dans ma chambre avec l'envie furieuse de crier. Alors je me jette sur mon lit, j'attrape un coussin et hurle dedans, étouffant ma détresse de façon à ce que les garçons ne puissent pas l'entendre.

Mais qu'est-ce qu'il m'a pris de me confier à lui ? Sur le moment, ça m'a paru être une bonne idée.

Il faisait noir, c'était comme irréel. Il se passe la nuit des choses que le jour ne comprend pas, dit-on. Effectivement, la nuit m'a piégée. Je me sentais bien, j'avais ce besoin d'être écoutée, et pourquoi pas comprise. Et il était là, à l'écoute comme il l'a toujours été.

C'est de leur faute, à lui et à la nuit, si je me suis permise de parler subtilement de mes tendances suicidaires. Ken, c'est à cause de toi. Je t'en veux tellement. Tu me rends faible, tu me donnes envie d'oublier mes démons, tu me fais abaisser mes défenses. Tu me donnes de l'espoir.

Je sers un peu plus contre moi l'oreiller. Ne pleure pas, ne pleure pas, ne pleure pas, je me répète comme un mantra. Je presse mes paupières de toute mes forces pour empêcher les larmes derrière de les franchir.

Je lâche le coussin et m'allonge sur le dos, le regard rivé au plafond. Puis il dévie sur mon poignet mutilé. Je me déteste. Heureusement que mon tatouage cache mes scarifications, je me sens un peu moins pitoyable grâce à eux. Invisibles, mes cicatrices me paraissent moins réelles.

Comme je l'ai dit à Ken, cette forêt n'est pas la seule trace d'encre indélébile qui maquille mon corps. J'ai d'autres tatouages, mais bien trop personnels pour que je ne les expose au regard des autres.

- Putain, pourquoi je finis toujours par regretter tout ce que j'entreprends ? je me murmure à moi-même, avant de me laisser emporter par la fatigue.

***

- Non, je ne prendrais pas l'ascenseur, je répète inlassablement à Ken, Deen, 2zer et Moh.

Il y a une fête ce soir dans notre appartement. Nous sommes donc tous les cinq partis faire les courses pour l'organiser. Seulement, ils veulent maintenant tous prendre l'ascenseur, puisque Moh a encore sa jambe dans le plâtre.

- Mais pourquoi ? me demande Deen en remontant ses lunettes de soleil sur sa tête.

En effet, le rappeur a toujours sur lui une paire de lunettes de soleil. Alors qu'il habite à Paris, cherchez l'erreur... C'est sûrement son enfance à Marseille qui lui a imposé cette habitude.

- Parce que c'est ma phobie, je suis claustrophobe et agoraphobe. Je vous l'ai déjà dit 20 fois ! leur rappelé-je d'un ton las.

- Justement, ce serait l'occasion de vaincre ta peur. La montée est très courte, de toute façon. Tu n'auras même pas le temps de flipper qu'on sera déjà arrivés.

heureux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant