chapitre 41 • aéroplane

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N O L E Ï A

Je garde les yeux clos, peinant à me souvenir d'où je suis. Il y a cette main dans mes cheveux faisant des gestes réguliers, et ce torse contre mon dos qui se soulève. Je m'accroche à ses contacts pour émerger de mon sommeil.

Dans mon oreille gauche, j'entends une hôtesse de l'air parler et glousser. Je crois qu'elle propose à boire, même si elle a plus l'air de draguer.

Dans mon oreille droite, je reconnais « Bonne année » de Taipan. La première chose que j'en pense, c'est « tiens, c'est drôle de se réveiller avec une musique qui parle justement de s'endormir à jamais ». Puis une seconde pensée vient s'infiltrer dans mon esprit. Elle me rappelle que si je n'ai qu'un écouteur, c'est parce que Ken a l'autre. Comme une débile, j'ai lancé ma playlist gros coup de blues avant de tomber dans les bras de Morphée. Il a entendu tout ça.

J'ouvre brusquement les yeux. L'avion est plongé dans le noir et dans le silence, seule cette hôtesse le trouble parce qu'elle parle avec l'homme sur lequel je dormais. Quand il me sent me relever, il se détourne de la fille et me regarde. Il m'embrasse la joue et me questionne d'un ton rieur :
- Bien dormi ?

- T'es vite fait confortable, je lui concède parce que je sais que c'était précisément ce qu'il voulait que j'avoue.

L'hôtesse, attentive à notre discussion, lâche un rire trop mignon. Étrangement, ça me donne envie de la frapper - je viens de me réveiller, laissez-moi être grognon. Elle finit par nous laisser deux plateaux repas avant de partir.

Sans plus de cérémonie, je reprends et range mes écouteurs. Je refuse de montrer à Ken que je suis gênée de lui avoir fait écouter une playlist aux sons tous un peu plus tristes les uns des autres. Je ne comprends vraiment pas ce qu'il m'est passé par la tête pour que je décide de lancer celle-la. Heureusement, il ne me fait aucune remarque et me fait passer ma bouffe. Je le remercie et plante ma fourchette dans le poulet sans attendre.

- Bah putain, tu perds pas de temps.

- Je suis a-ffa-mée, je me justifie en détachant toutes les syllabes.

- Tu veux pas plutôt me bouffer moi ?

Je m'étouffe à sa demande et recrache un bout de poulet dans mon assiette. Il est à demi-mâché, ça dégoûte.

J'ai soudain une illumination. Je me rappelle d'une discussion similaire quand on s'était rencontré, Ken avait fait une blague sur le poulet et je lui avais répondu que de toute façon lui était un canard, quelque chose comme ça. Alors, pour le taquiner, je réponds :
- J'préfère le poulet au canard, désolée.

Il ouvre grand la bouche et s'offusque :
- Nan, tu vas pas recommencer avec ça !

Il s'en souvient donc lui aussi. Pour encore plus le narguer, je reprends la dégustation de ma viande blanche. Je l'entends protester, il se saisit alors de ma fourchette et la pose sur la tablette. Puis il fonce vers mon cou en marmonnant :
- Dans c'cas c'est moi qui vais te graille.

Il commence à m'attaquer et j'essaye de ne pas rire trop fort quand sa barbe frotte ma nuque, pour ne pas réveiller les autres passagers.

- Je croyais que monsieur était végétarien, je le taquine. AÏE ! Eh, mais me mords pas ! T'as pas intérêt à me faire de marques, je te préviens.

heureux.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant