2.2. Anderson Luxury.

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Le visage d'Elena demeura impassible, mais son esprit s'était emballé et son rythme cardiaque avait ralenti. Elle déglutit pour garder son calme, sans parvenir à y croire.

Il semblait que l'univers avait véritablement décidé de se retourner contre elle. La chance n'avait jamais vraiment souri à Elena, mais, là, c'était le bouquet ; le premier jour où elle prenait officiellement ses fonctions, le patron que l'on disait glacial, ainsi que ses deux fils tout aussi impressionnants, revenait de son voyage d'affaires d'Allemagne !

La jeune femme ne devait cependant pas si bien dissimuler son angoisse et son désarroi, puisque Kaitlyn lui adressa un petit signe d'encouragement, avant de lui tendre trois dossiers, épais comme une encyclopédie.

— Toutes les instructions relatives aux préférences des Anderson sont détaillées à l'intérieur ; de la manière de préparer le café d'Harold aux réglages des volets de William, ainsi que l'ensemble des informations les concernant et pouvant t'être utiles les heures qui vont suivre... Je sais que cela semble un peu dégradant mais cela fait partie de ton travail.

— C'est très fourni, commenta Elena en constatant la densité des trois archives. Tu penses sincèrement que je vais avoir besoin de cela pour une seule journée ?

— Nous n'avons aucune idée du temps qu'ils passeront à Londres. Ils se déplacent sans cesse pour les affaires... Mieux vaut que en apprendre le plus possible sur eux. Tu risques de les croiser souvent, et tu seras amenée à côtoyer des entrepreneurs et des dirigeants du même acabit.

Elena acquiesça, pas rassurée pour un brin. Kaitlyn l'avait sans doute compris, mais la jeune assistante savait qu'elle ne pouvait s'attarder très longtemps ; la jolie blonde n'avait certes pas le temps de la rassurer. Après tout, Elena avait été formée dans une des plus prestigieuses écoles de Londres ; elle avait décroché cette place grâce à une bourse et à force de travail.

Kaitlyn continua de lui exposer pendant plus de dix minutes le déroulement de la journée. Les Anderson avaient annoncé leur arrivée pour onze heures ; elle devrait les accueillir dans le hall d'entrée et les accompagner dans leurs bureaux afin de préparer la conférence, une demi-heure plus tard.

— Je te conseille de manger un peu avant. La dernière à laquelle Jasper ait assisté a duré plus de quatre heures.

Elle poursuivit tandis qu'Elena essayait tant bien que mal de retenir toutes les informations. La réunion, le déjeuner, la suite à l'hôtel... Tant et si bien qu'Elena se mit à noter frénétiquement pour ne pas perdre le fil.

— Tu as tout ? s'enquit Kaitlyn lorsqu'elle eut fini.

— Il me semble.

— Parfait. Si jamais tu doutes sur quoi que ce soit, appelle-moi, d'accord ? Compose juste le numéro de ligne 512.

— Ce sera facile à retenir, c'est ma date d'anniversaire, sourit timidement la jeune femme, replaçant une mèche de ses cheveux bouclés derrière l'oreille.

— En temps normal, sache que Monsieur Carmichael n'aurait jamais demandé à ce que tu assistes aussi directement Anderson et ses fils, mais Jasper profite de vacances pour prendre soin de sa compagne, et surtout, il a confiance en toi.

Elena fronça les sourcils.

— Ce n'est pas l'impression qu'il a donné...

— Il t'aurait déjà licenciée, crois-moi.

Elle lui sourit une ultime fois en se dirigeant vers le couloir.

— Bon courage, Elena.

Kaitlyn l'avait immergée directement dans le travail et lui évitait ainsi de se faire un sang d'encre vis-à-vis de Carmichael et des Anderson. La réceptionniste ferma la porte de verre et fit claquer ses talons avant de disparaître.

Le silence enveloppa bien vite Elena. Le bureau lui paraissait plus froid et austère. Ses yeux se posèrent sur les trois dossiers étalés face à elle. Sans conteste aucun, le plus lourd et le plus garni concernait William Anderson, certainement puisqu'il était celui que les assistants avaient le plus connu depuis qu'il avait créé l'entreprise. Malgré tout, la jeune femme constata que celui de son fils Travis était presque aussi épais, tandis que celui d'Harold était bien plus léger. Une vingtaine de feuilles, tout au plus.

Le téléphone d'Elena vibra sur sa table, et le nom de Brooke s'afficha sur l'écran, accompagné d'une photographie où la rouquine souriait de toutes ses dents. Elena lança un discret coup d'œil afin de s'assurer que Carmichael ne se trouvait pas à proximité dans le couloir, et décrocha.

— Brooke ?

— Noah est arrivé à l'école, je viens de le déposer. Comment ça se passe ?

— Stressant, si tu savais, marmonna Elena en caressant les dossiers du bout de ses ongles manucurés. J'ai l'impression qu'une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de ma tête et que je vais me faire virer à tout instant.

— Bah ! tu n'auras qu'à postuler dans le restaurant où je travaille, ils cherchent des serveurs expérimentés.

— Brooke ! s'offusqua Elena. Tu es censée me soutenir !

— Mais je te soutiens, justement ! Je te dis que si tu rates, tu as un plan B, nous ne finirons pas à la rue !

Elena leva les yeux au ciel.

— Devine qui je vais rencontrer, aujourd'hui ?

— Un quelconque homme d'affaires dont je me fous éperdument ?

— Crétine ! Je te parle des Anderson ! lâcha malicieusement Elena.

Un long silence lui répondit. La révélation semblait avoir créé l'effet d'une bombe, et la jeune femme douta même que Brooke fût encore au téléphone. À l'heure qui l'était, son amie devait probablement courir vers le siège de l'entreprise pour intercepter les trois hommes avant elle.

Elena finit par s'inquiéter.

— Brooke.

— Oui, oui, je suis là, souffla faiblement l'interpellée. Tu déconnes, j'espère ?

— Pas du tout !

— Putain, Elena, t'as intérêt à assurer pour garder ce job, hein !

— Je dois raccrocher, pour ça, prévint-elle. À ce...

La sonnerie de fin de conversation l'interrompit, ne lui laissant pas le temps de répondre. Elena se retint de rire. Brooke était une fille simple, mais quand il s'agissait de célébrités, elle perdait toute sa mesure et son contrôle, se transformant en une groupie intenable. La jeune assistante devait cependant avouer qu'il y avait au fond d'elle une petite excitation à l'idée de rencontrer le fondateur et ses fils.

Tout au long de ses études, elle avait entendu les noms les plus prestigieux sortirent de la bouche de ses formateurs, de Lagerfeld à Vuitton en passant par Isadore Sharp. Celui de Anderson, bien que récent, était un de ceux qui revenaient plus souvent à cause de son expansion grandissante dans le monde du luxe. L'excitation et l'angoisse à l'idée de rencontrer l'homme qui avait créé cet empire s'accroissaient inexorablement.

Les tabloïds parlaient moins de ses fils, Travis et Harold, mais deux ou trois rumeurs sur leurs comptes étaient tout de même parvenues aux oreilles d'Elena. Les médias qualifiaient Harold de plus calme vis-à-vis de son cadet, glacial et impétueux. L'aîné faisait office de digne héritier, en tout point semblable à son père, tandis que Travis semblait moins discipliné que celui-ci.

Les dossiers paraissaient la dévisager et la mettre au défi de les feuilleter sans crainte. Paupières fermées, elle plaça sa main au-dessus des fichiers, ne sachant auquel s'attaquer en premier. Ses doigts effleurèrent le plus à droite. Elle rouvrit les yeux.

Il s'agissait de celui de Travis. Un sentiment étrange au creux de son ventre se répandit lorsqu'elle découvrit ses traits, troublée. Ce visage si sérieux et renfrogné ne lui était pas inconnu, largement diffusé par les médias, mais le photographe avait réussi à capter l'intensité dans ses iris d'un bleu profond.

Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant