Elena manqua de vaciller sous le regard intense de Travis et son cœur sembla s'arrêter de battre. Un éclat de colère brillait sur ses traits impitoyables et sculptés, tout au fond de ses prunelles froides, et la jeune assistante demeura perplexe et tétanisée. Comment pouvait-il déjà lui reprocher quoi que soit ? Elle frissonna un instant ; il paraissait la haïr... Alors, pourquoi ne parvenait-elle pas à se détourner de son regard ?
Heureusement, le sourire d'Harold la sauva de cet effroi assourdissant et poignant qui grondait sous sa peau et qui menaçait de lui faucher les jambes.
— Merci pour votre amabilité. Pardonnez-nous pour notre arrivée soudaine...
— Harold, ne t'excuse pas.
William Anderson possédait un certain charisme malgré son âge avancé ; ou peut-être était-ce la maturité que les quelques rides sur son visage, autour de ses pommettes et de ses yeux, témoignaient, qui lui donnaient cette impressionnante apparence. Ses cheveux grisonnaient légèrement, mais certaines mèches noires résistaient encore bravement.
Elle esquissa un sourire en direction d'Harold, malgré le regard de Travis qui pesait toujours sur elle. Il gardait le silence, et l'aura sombre qui l'accompagnait semblait s'épaissir et gagner l'atmosphère de seconde en seconde, s'appropriant chaque particule de lumière autour de lui.
— M. Anderson a raison, ne vous excusez pas. Puis-je prendre vos manteaux avant de vous conduire en salle de réunion ?
Intérieurement, Elena paniquait. La salle de réunion ? Mais elle ne savait même plus laquelle était-ce ! Un frisson de panique commençait à lui picoter le bout des doigts, menaçant de se répandre le long de son corps, jusqu'à sa colonne vertébrale et d'entraver tous ses mouvements. Son esprit s'affolait, mais elle réussissait malgré à tout à conserver une apparence confiante et souriante. Jouer la comédie constituait une seconde nature pour elle.
Par tous les saints, où cette fichue salle se trouve-t-elle ? Je suis persuadée de l'avoir noté quelque part...
— Vous me semblez bien fragile pour supporter tout ce poids.
La voix froide de Travis coupa ses réflexions, tandis que son propriétaire la détaillait depuis des pieds à la tête.
Ses yeux de glace insistaient, balayaient son visage, sa poitrine, et brûlaient sa peau, la transperçant si bien qu'Elena rougit instinctivement. Cela faisait bien longtemps qu'un homme ne l'avait pas ainsi jaugée du regard, mais l'observation de Travis portait en elle la marque distincte du mépris. Ce dégoût, elle ne l'avait vu luire que dans d'autres yeux ; les siens. Comment réagir face à une telle hostilité ?
— Allons, Travis ! Ne te montre pas grossier, veux-tu ? Je parie qu'elle est plus robuste qu'elle n'y paraît ! lança joyeusement Harold en se délestant de son manteau, qu'il tendit à la jeune femme.
Travis grogna mais n'ajouta rien, se contentant de se débarrasser de son vêtement à son tour. Une pierre écrasait l'orgueil d'Elena, et William Anderson, quant à lui, affichait un ennui clair.
— Pourrait-on enfin nous conduire dans notre salle de conférence ? Nous avons des problèmes urgents à traiter, Mademoiselle...
— Elena Charles, compléta la jeune assistance en saisissant la dernière veste. Tout de suite, monsieur !
Elle leur tourna le dos et se dirigea résolument vers le comptoir. L'animosité que Travis lui manifestait la paniquait. Il la glaçait, et un frisson parcourut son échine. Il la regardait probablement encore. Pourquoi toute cette colère dans des iris aussi intenses ?
Kaitlyn se leva de son bureau lorsqu'elle la vit approcher, l'inquiétude marbrant ses traits. Elena écarquilla les yeux pour lui signifier la situation.
— Kaitlyn, pourrais-tu t'occuper des manteaux de ces messieurs ? Je dois les conduire en salle de conférence...
— Bien sûr. La salle Winston Churchill, au vingt-huitième étage, est prête à les recevoir ! sourit la réceptionniste, l'esprit vif.
Elena lui adressa un "merci" silencieux, puis se tourna vers les trois hommes. Harold arborait toujours ce sourire radieux sur les lèvres, et une vague de confiance l'enveloppa immédiatement lorsqu'elle croisa son regard chaleureux.
— Veuillez me suivre, messieurs.
Toutes les têtes convergeaient vers le petit groupe, et même si Elena savait parfaitement que les Anderson attiraient toute l'attention, elle ne put empêcher de sentir monter une pointe de nervosité dans son estomac. Paraissait-elle être maîtresse de la situation, à la hauteur des hommes puissants qui se tenaient derrière elle ? L'idée d'un parcours sans anicroche ne parvenait pas à pénétrer l'esprit d'Elena.
L'ascenseur ne mit pas longtemps à arriver et à ouvrir ses portes. L'aura de puissance, glaciale et brute de Travis l'étouffa presque tandis qu'il l'effleurait légèrement en entrant. Ses yeux se levèrent sur le minois incertain d'Elena, et un rictus se dessina sur ses lèvres, sans rien ajouter.
Durant leur ascension, Elena déploya de gros efforts pour ne pas se tordre les doigts, inquiétée par ce sourire goguenard. Une fois de plus, Harold vola à sa rescousse, la distrayant.
— Pardonnez-moi de cette question indiscrète, Elena, mais où se trouve Jasper ? C'est lui qui nous accueille, d'ordinaire.
Super. C'est bien ma veine d'expliquer ce que je fous là devant les plus puissants hommes d'affaires d'Angleterre.
— M. Bright est indisponible pour des raisons familiales, éluda-t-elle rapidement.
Harold ne se départit pas de son doux sourire ; il continuait de la contempler avec un ravissement qui contrastait avec le ressentiment qui lui destinait son jeune frère. Elena l'observa discrètement à son tour, charmée. La bonne humeur d'Harold paraissait chevillée à son corps si étroitement qu'il ne pouvait se mouvoir sans elle, comme s'il s'agissait d'une bulle flottante autour de lui, éclipsant les expressions maussades des autres par sa simple présence. Ce sourire pur et sa radieuse blondeur le rendait d'autant plus angélique que la gentillesse qui émanait de tous les pores de sa peau.
— Je comprends. Cela dit, nous sommes ravis de vous avoir. C'est étrange, je ne vous ai pourtant jamais vu, auparavant, souligna l'homme. Depuis quand travaillez-vous ici, Elena ?
— Il suffit, Harold, interrompit froidement M. Anderson. Cesse de t'employer à faire des courbettes et concentre-toi sur les affaires.
— Bien, père, obtempéra l'aîné, qui se raidit immédiatement et immobilisa son regard sur les portes de l'ascenseur.
Elena réprima un énième frisson. Ses yeux restaient rivés sur l'écran qui affichait le numéro des étages, et il lui tardait que la réunion commence pour qu'ils ne s'occupent plus d'elle. Si Travis montrait un mépris évident, tandis qu'Harold la sollicitait gentiment, William Anderson, lui, la dédaignait totalement. C'était peut-être l'attitude qu'elle préférait.
Imperceptiblement, elle pivota vers eux. L'air grave de William Anderson la saisissait, observant droit devant lui la porte, imperturbable. Son aura écrasait toutes les pensées d'Elena, flétrissait chacun de ses gestes avant même qu'elle n'ait pu les esquisser, redoutant de s'attirer le courroux de cet homme qui l'impressionnait.
Ses yeux rencontrèrent alors ceux d'un bleu profond de Travis, et elle contint un petit sursaut. Son expression avait changé, et la méprise qu'il avait à son égard avait fait place à un regard encore plus évaluateur, associé à un mince sourire.
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Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
RomanceDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...