Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.

5.2 It's All About Business

Le ciel sembla s'abattre sur la tête de la jeune femme tandis que le rictus de Travis s'élargissait encore un peu plus. Interdite, elle demeura immobile, incapable de croire ce qu'elle venait d'entendre.

Un doute l'effleura un instant, mais ne dura pas. L'homme en face d'elle, nonchalamment appuyé contre un mur, la transperçait, la scannait de ses yeux. La jeune assistante avait l'impression qu'il lisait en elle la moindre de ses émotions ; la peur, l'effroi, l'horreur...

Noah en était réduit à devenir un appât.

Voyant qu'Elena ne répondait pas, trop choquée pour prononcer le moindre mot, Travis reprit, baissant la voix d'une octave :

- Ton frère a la myopathie de Duchenne, n'est-ce pas ? Cette maladie dégénérative qui atrophie ses muscles petit à petit, et qui lui fera perdre l'usage de la marche. Je l'ai vu dès que je suis entré dans ton appartement. Même si je ne l'avais pas lu dans ton dossier, je l'aurais compris immédiatement.

Elena ne répondit pas, se contentant de baisser la tête. Qu'on lui rappelle que la vie de Noah était marquée par le sceau de cette maladie lui faisait toujours l'effet d'un couteau en plein cœur. Les larmes lui montaient aux yeux lorsqu'elle y songeait, et voilà que Travis jouait de cette peine.

Vraiment, elle le haïssait, viscéralement. Jamais elle n'aurait songé qu'il était possible de détester une personne à ce point, après toute la haine qu'elle avait déjà dispensé dans sa jeune vie.

- Mon grand-père maternel en était atteint. Harold et moi aurions pu l'avoir également ; nous avons effectué toute une batterie de tests quand nous étions gosses.

« Merde. C'était à ça près ! » hurla intérieurement Elena. Ce n'était pas joli-joli, mais en cet instant, elle détestait tellement Travis d'utiliser son frère de la sorte qu'elle lui aurait bien souhaité tous les malheurs du monde.

L'homme poursuivait, imperturbable, lui rappelant ce qu'elle savait déjà depuis trop longtemps.

- Noah n'a que six ans. Il sera en fauteuil d'ici cinq ans, tétraplégique à la fin de sa vie. Sa cardiomyopathie va se développer et des problèmes respiratoires ne vont pas tarder à apparaître.

- Vous êtes ignoble, lâcha Elena en le dévisageant avec mépris. Utiliser un gamin pour obtenir ce que l'on veut, c'est franchement pathétique et mesquin.

- Ce n'est que du business, chérie, murmura Travis, implacable.

Du business, sur le dos d'un enfant de six ans. Elena ne parvenait à le croire. Autour d'elle, l'atmosphère lui semblait glaciale et l'air irrespirable. Elle tremblait de tous ses muscles, ses larmes menaçaient de couler. La jeune femme aurait bien jeté Travis à la porte, mais l'homme la dépassait d'une tête, et vu sa puissante musculature, elle doutait de sa capacité à le faire bouger d'un seul centimètre.

La haine de la jeune femme était palpable. Il rompit le silence à nouveau.

- J'ai un contrat à te proposer.

- Sortez de chez moi, ordonna-t-elle.

- Tu ne tiens donc pas assez à ton frère pour au moins écouter ce que j'ai à te dire ? souligna-t-il perfidement.

Ses iris ne reflétaient aucun scrupule, et Elena garda le silence. L'homme sentit qu'il avait resserré son emprise, puisqu'il sourit triomphalement.

- Je crois qu'on commence à se comprendre.

Il s'éclaircit la voix.

- La société pharmaceutique Pfizer, aux Etats-Unis, a récemment lancé une étude sur un patient atteint de la maladie de Duchenne. En jouant avec mes relations, je peux parfaitement faire entrer Noah dans l'étude dès demain matin. Evidemment, ajouta-t-il, vous seriez logés et nourris à mes frais. Je pourrais faire embaucher Brooke dans un restaurant influent de New York, et je te recommanderai auprès des hommes les plus puissants en tant qu'adjointe administrative.

Le cœur d'Elena s'était accéléré. Elle refusait de l'admettre, mais l'offre la laissait rêveuse, faisant naître l'espoir en elle. Pfizer avait donné de très bons résultats dans ses recherches. Peut-être que cela pourrait sauver la vie de Noah... peut-être que c'était sa chance de survie.

Il pourrait voir New York, au moins. Les buildings si hauts qu'ils donnaient l'impression de toucher le ciel ; Central Park et les autres parcs luxuriants. Le Rockfeller Center, la statue de la Liberté, Staten Island, le pont de Brooklyn, Harlem, Times Square, Broadway... Tout se bousculait dans la tête d'Elena. L'opportunité d'offrir tout cela à Noah lui vrillait presque les tempes.

Rien que de l'imaginer, c'en était hallucinant.

Son enthousiasme retomba cependant bien vite lorsque leurs regards se croisèrent.

- Bien sûr, il y a une contrepartie à tout cela.

Il s'approcha d'elle, suffisamment pour la dominer de toute sa hauteur. Travis n'était qu'à trente centimètres d'Elena, et son aura écrasante l'empêchait de soutenir son regard de glace. La jeune femme baissa la tête, se mordant la lèvre. Ses cheveux châtains coulèrent sur son épaule, et le souffle chaud de Travis lui parvint dans la nuque :

- Je veux que tu deviennes mon assistante personnelle et que tu fasses succomber mon frère. Je veux qu'il tombe amoureux de toi à en perdre la tête et le sens des responsabilités. Au point de renoncer à son travail quand notre père lui imposera de faire son choix. Le reste, ce qu'il se passe après entre vous... je m'en moque éperdument.

Il eut un sourire sarcastique.

- Tu peux même tomber amoureuse de lui ; cela arrange bien mes affaires, murmura-t-il de sa voix rauque, toujours aussi dominateur. Tant que cet empire devient le mien à part entière, je me fous de ce qu'il peut se passer entre vous.

Le cœur d'Elena en tremblait. Une partie d'elle-même lui hurlait qu'elle devait fuir à tout prix Travis ; refuser son offre, choisir la morale à l'argent. Conserver son intégrité.

Une autre songeait avec douleur à Noah, et à cette petite âme qui ne méritait que d'avoir la vie sauve.

Travis était diabolique. Il saisit avec force le menton d'Elena, l'obligeant à se noyer dans ses yeux aussi profonds que les océans. Elle en était figée, retournée. Figée, effrayée, de voir qu'il n'y avait pas une once de regrets dans ce regard froid, dur et déterminé. Apeurée de constater que son destin était entre les mains d'un monstre. La main de Travis caressa doucement sa joue, et un sourire machiavélique s'étira sur ses lèvres. Elena le dévisageait avec colère, mais n'osait pas repousser ce corps puissant penché vers elle, trop fière pour montrer un signe de faiblesse.

- Evidemment, je t'interdis de parler de cette conversation à Harold. Tu as tout à y perdre. Qui penses-tu qu'Harold croira ? Son frère avec qui il partage tout, ou une poupée qui minaude et tortille du cul devant lui, et qu'il n'a vu qu'une fois ?

Il s'éloigna. Elena contenait ses larmes avec peine. Travis l'avait piégée.

- Avec notre fortune, nous avons appris à nous méfier des femmes qui en veulent à notre argent. Harold pensera que tu lui as concocté une histoire dans l'unique but de t'attirer ses faveurs. Tu peux toucher le jackpot, avec moi.

Travis lui adressa un dernier regard impitoyable en se dirigeant vers la porte d'entrée. Sa mâchoire était contractée, son expression, implacable et insolente.

- Réfléchis vite, Elena. La maladie de Noah n'attendra pas.

Il disparut sur ces dernières paroles, juste à temps pour échapper au cri de rage d'Elena et au vase qui vint s'éclater contre le mur.

- Va pourrir en enfer, Travis Anderson !