19.7 - Lovers in Paris

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- Il est hors de question que je te laisse seule en présence de cette jeune femme, tu es bien trop distrait, coupa leur père d'une voix grave. Travis est plus sérieux, et j'ai nettement plus confiance en ses goûts en matière de femme que les tiens, trancha leur père en versant un regard mauvais à ses deux fils.

Le patriarche haussa les épaules et se dirigea vers Madame Castellane qui les attendait quelques mètres plus loin, sans plus leur accorder d'importance. Les deux frères continuaient de se défier du regard, sans oser rompre le contact. Elena se sentit étrangement mal à l'aise. Que signifiait donc cet enfantillage ?

- Harold, Carmichael, avec moi !

Obligé de suivre William, Harold fut le premier à détourner les yeux, et le regret se peignit ses traits. Après un dernier coup d'œil à Elena, stoïque, il leur tourna le dos et se hâta derrière son père, l'amertume emplissant ses poumons. Benjamin eut un sourire affectueux pour Elena, signifiant son soutien, et emboîta la marche de son patron, le dossier serré contre son torse.

Durant une dizaine de secondes, Travis resta tourné vers son frère, poings toujours serrés, puis il dévisagea Elena, l'expression redevenue à la fois plus détendue et plus sérieuse.

- Qu'est-ce que tu attends ? s'étonna-t-il. Va te changer !

- Mais je...

- Dépêche-toi, je n'ai pas toute la journée !

Son ton était sans appel, et les dernières protestations d'Elena s'étranglèrent dans sa gorge tandis qu'il se dirigeait vers les chaises installées le long du podium afin de s'y asseoir. Une main se posa sur l'épaule d'Elena, la faisant tressaillir.

- Mademoiselle Charles, s'il vous plaît, suivez-moi, lui indiqua la directrice artistique.

La jeune femme acquiesça et obtempéra sans dire un mot, la tête droite mais l'angoisse gagnant son esprit et son corps à mesure qu'elle s'avançait vers l'immense tente derrière le podium et l'écran géant installé en arrière-plan. Pourquoi diable avait-elle accepté sans savoir de quoi la situation retournait ?

Quelle idiote je fais ! déplora-t-elle intérieurement.

Dans la tente, des miroirs accompagnés de leurs coiffeuses avaient été installés de part et d'autres des parois. Encore propres, vierges de tout maquillage ainsi que de leurs attirails de pinceaux puisqu'il ne s'agissait que de répétitions, les jeunes femmes s'admiraient dedans, arrangeant quelques mèches de cheveux au passage. Tout au fond de la tente, à gauche du petit couloir en toile qui permettait d'accéder à la scène, un porte-vêtement avait été disposé dans l'angle, soutenant les créations de la ligne de vêtements. Il ne restait plus accroché qu'une robe verte émeraude, au décolleté plongeant et au jupon bouffant. Malgré l'anxiété qui envahissait son estomac, Elena ne put s'empêcher d'être émerveillée devant la robe ; jamais elle n'en avait vu de plus belle.

Mademoiselle Julienne ne lui donna pas le temps d'être fascinée plus longuement puis qu'elle l'escorta jusqu'au porte-vêtement :

- Voici la pièce phare de la collection, il s'agit de celle que vous allez porter dans un instant.

La jeune femme écarquilla de grands yeux, incapable de savoir quelle émotion prédominait. Un rire nerveux lui échappa tandis qu'elle contemplait tour à tour la robe verte puis le visage sceptique de Mademoiselle Julienne. Ses joues rougies, elle passa une main dans ses cheveux, mal à l'aise.

- Vous vous fichez de moi, n'est-ce pas ? Je dois porter ça sur scène ? rit-elle doucement, incapable de contrôler l'angoisse qui montait de plus en plus rapidement.

- Exactement, sourit la directrice artistique avec compassion.

- Vous êtes sûre que je vais pouvoir rentrer dans la robe ? demanda Elena, grimaça légèrement en considérant le bustier en dentelle qui lui semblait un peu trop étroit pour elle.

Un éclat de malice brilla dans les yeux de Mademoiselle Julienne, et elle décrocha la robe de son portant. S'approchant d'Elena, elle lui montra l'ouverture dans le dos, constituée de lanières attachées entre elles.

- La collection d'Anderson Luxury a pour cheval de guerre la création de pièces adaptables à toute forme de morphologie. Il n'est plus question d'imposer une norme ou un critère physique, résuma-t-elle en délaçant les lanières. C'est à vous décider quand les rattacher.

Elena se mordit la lèvre, à la fois impressionné devant l'innovation stylistique dont faisait preuve la marque de William - elle l'avait toujours considéré comme un homme carriériste et sexiste, et cette initiative l'étonnait donc - et désarçonnée par cette réplique, elle qui cherchait à éviter de défiler sous les yeux de Travis.

Elle sentit le feu s'emparer de ses joues tandis qu'elle repensait aux paroles qu'il lui avait murmurées quelques minutes plus tôt :

Tu es plus belle que l'ensemble de ses mannequins.

Et si, au milieu de toutes ces femmes superbes, il regrettait ces paroles ? Elle tressaillit au souvenir de la vague de chaleur et de désir qui l'avait enveloppé lorsqu'il avait touché sa main.

Mademoiselle Julienne s'éclaira la gorge et Elena sursauta, la robe dans les mains.

- Je suis désolée, s'excusa-t-elle.

- Ne vous en faîtes pas, lui sourit la rouquine derrière ses lunettes carrées. J'imagine que cela doit être stressant de travailler nuit et jour pour un homme tel que Travis.

Elena écarquilla les yeux, étonnée par le changement de sujet. Qu'est-ce qui l'avait ainsi trahie ?

- Comment ?

- Ai-je deviné ? compléta-t-elle avec un sourire malicieux. C'est l'effet que Travis fait aux femmes, impossible de ne pas vouloir se laisser séduire par cet homme puissant et mystérieux, précisa-t-elle avec désinvolture.

Elle lui indiqua un des sièges pour l'inviter à prendre place ; désemparée par la liberté et la légèreté avec laquelle Mademoiselle Julienne parlait, Elena ne répondit pas tout de suite et se contenta d'obéir son ordre silencieux. La jeune assistante prit place tandis que la directrice prenait place derrière elle, et ses doigts se perdirent dans les cheveux châtains d'Elena.

- Avant de ne monter sur scène, je vais juste arranger tes cheveux, rien de très exubérant, juste une simple natte.

- Euh... comme vous désirez, répondit la jeune femme. Vous parlez de Travis et des réactions qu'il suscite chez les femmes comme si vous le connaissiez personnellement, osa-t-elle demander.

Ce fut au tour d'Alexandra de suspendre son geste sous la surprise, mais elle ne semblait pas outrée de la demande d'Elena outre mesure. Cette dernière savait bien que son indiscrétion pouvait lui valoir de s'attirer les foudres de Travis, mais agacée d'être mise à l'écart et de vivre dans le flou concernant le passé de son patron, la curiosité l'emportait sans conteste.

Mademoiselle Julienne eut un petit haussement de sourcils accompagné d'un léger rire face à la question, puis s'humecta les lèvres.

- Travis n'a sans doute pas fait le rapprochement avec mon nom de famille, mais il a bien connu quelqu'un de mon entourage, des années plus tôt.

- Julienne est un nom de famille connu, surtout pour une Parisienne, j'imagine, releva Elena.

- Je vois que les préjugés sont de mise !

Les joues de la jeune femme s'enflammèrent tandis que les doigts de Mademoiselle Julienne s'envolaient, virevoltaient dans les cheveux d'Elena, sculptant une natte compliquée.

- Je... euh...

- Elena, je plaisantais, la rassura-t-elle avec un petit sourire, devinant l'angoisse de la jeune femme. Tu n'as pas tout à fait tort, mon nom de famille est très... parisien. D'ailleurs, je ne suis même pas sûre qu'il se souvienne de Catherine, après tout, cela fait sept longues années. Ma cousine était sans aucun doute une femme parmi tant d'autres pour lui.

- C'est drôle que vous le décriviez comme un tombeur, intervint la jeune assistante avec un léger sourire. Cela fait plus d'un mois que je travaille avec lui, toute la journée, et je ne l'ai jamais tenté de séduire une femme.

- Peut-être parce que tu es celle qu'il tente de séduire, laissa malicieusement tomber Alexandra.

Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant