Elena observait pour la dernière fois la vue du tout Paris à travers l'immense baie vitrée du salon, incapable de se rassasier complètement de toutes les merveilles que couvraient et découvraient ses yeux ; les magnifiques bâtisses, les jardins de Tuileries, les bateaux-mouches sur la Seine, et la vie grouillante qui hantaient les rues de la capitale française. Son regard se figea sur la silhouette de la Tour Eiffel, et elle se surprit à songer de nouveau à cette soirée passée avec Harold, lorsqu'ils dominaient le monde à deux depuis leur table au restaurant. Elle sourit un peu.
Paris n'avait pas été une partie de plaisir, avec les manipulations de Travis et la réapparition de Marco, mais au moins Harold lui avait-il offert une soirée pour oublier toutes ces mésaventures. Une seule soirée où la jeune femme se sentait enfin désirable et digne d'être aimée aux yeux d'un autre homme que Marco.
Pourtant... Elena y avait aussi connu son lot de douleurs et de déceptions. Le souvenir de cette soirée avec Harold ne parvenait pas à surpasser ceux de tous les moments partagés avec Travis, avec, en son sommet, ce fameux matin où ils avaient failli succomber à leur désir. La jeune assistante se souvenait encore des mains de son patron sur son épiderme, de la fièvre au fond de ses yeux bleus lorsqu'il avait posé ses yeux sur sa poitrine.
Lorsqu'il avait défait cette ceinture qui séparait leurs corps l'un de l'autre. Au souvenir de l'érection de Travis à quelques millimètres de sa partie sensible, elle ferma les yeux et serra les poings pour se contenir. Non, elle ne devait pas laisser le trouble qu'il semait en elle la gagner, et excuser tous ces instants où leurs paroles et leurs voix s'écorchaient l'une avec l'autre. Au fond d'elle-même, Elena refusait de croire à une quelconque forme de jalousie de la part de Travis, ce serait se donner trop d'espoir.
Ce serait donner raison à Marco et laisser les allégations qu'il avait formulé l'atteindre en plein cœur ; Travis ne jouait qu'avec elle. Il testait sa résistance. S'il avait sincèrement voulu d'elle, jamais il ne l'aurait précipité dans les bras d'Harold ; oui, il voulait simplement s'assurer qu'elle ne fiche pas en l'air toute l'opération. Mais pourtant, cette voix tremblante, et cette larme qu'elle avait cru distinguer en sortant du placard après leur énième dispute... est-il possible qu'il ressente pour elle une once de ce qu'elle éprouvait pour lui ? Impossible de nier cette attirance physique qui les aimantait l'un à l'autre quand ils se rapprochaient un peu trop.
Impossible non plus de nier cette irrépressible envie de l'embrasser chaque fois qu'elle le voyait.
Elle rouvrit les yeux, avec la ferme intention de ne plus se laisser dicter sa conduite par des pensées aussi futiles que celles-ci. Le sentiment que beaucoup de choses lui échappaient au sujet de Travis ne faisait que grandir, et elle haïssait ce sentiment de frustration au plus profond d'elle-même. Paris ne lui avait rien dévoilé sur le mystérieux Anderson, et cela était d'autant plus rageant que son propre passé revenait la tourmenter. Au moins avait-elle mis les choses au clair avec lui ; plus question d'entretenir cet étrange lien qu'ils avaient créé tant qu'elle n'en saurait pas plus sur lui.
La sonnerie de l'alarme de son téléphone la tira de ses réflexions, et elle se leva immédiatement, au diapason. Après avoir embrassé une dernière fois le ciel parisien, Elena saisit la poignée de la petite valise qui gisait à ses pieds, et quitta la chambre, résolue. Ce retour à Londres, elle le sentait étrangement, se présenterait comme une parfaite opportunité de boucler la boucle aux aventures dans lesquelles les Anderson la traînait depuis deux mois déjà.
Dans le salon, Travis était assis sur le canapé, les doigts croisés, l'air pensif, les coudes appuyés sur les genoux. Il paraissait tellement absorbé dans ses pensées qu'il ne remarqua même pas l'arrivée d'Elena, silencieuse.
Cette dernière le considéra un instant, mal à l'aise. Leur dernière altercation restait gravée dans sa mémoire, et un nœud se forma dans son estomac ; elle détestait cette distance qui ne cessait de réapparaître entre eux au moindre problème. Pourquoi ne pouvaient-ils pas simplement se parler sans laisser leurs peurs et leurs sentiments les blesser l'un l'autre, comme deux adultes ? Elena déglutit. La sensation qu'il ne la considérerait peut-être jamais comme une femme et non comme son inférieure la heurtait d'autant plus fort qu'elle pouvait s'empêcher de le désirer plus que n'importe qui.
Les secrets qu'il gardait d'elle s'accumulaient ; impossible d'être son égale si elle n'en savait pas autant sur lui qu'il en savait sur elle.
Elle s'avança vers lui, résolue et décidée. Bousculé par les soudains mouvements de la jeune femme, Travis réalisa sa présence au moment où elle prenait place à ses côtés et plantait ses yeux dans les siens, avec ce petit air effronté qu'il adorait lire sur son visage.
- Je vais te poser une question et j'aimerai que tu y répondes sincèrement, commença-t-elle avec une voix ferme et assurée.
- Et si je ne le fais pas ? osa-t-il demander en se retenant de sourire ?
Elle haussa les épaules sans le regarder.
- Disons que je saurais dorénavant à quoi m'en tenir avec toi, déclara-t-elle tout simplement.
- Ce qui veut dire ?
Elle ne répondit pas, se contentant de le dévisager avec un regard éloquent, en espérant qu'il comprenne ce qu'elle ne parvenait pas à formuler. Elle se crispa intérieurement, ne voulant lui donner plus de pouvoir qu'il n'en avait déjà.
La technique parut fonctionner puisqu'il émit un petit soupir d'approbation, invitant la jeune femme à poursuivre. Elle eut un pincement au cœur qu'elle se chargea bien vite d'étouffer. Après tout, Travis lui devait bien cela ; une part de son intimité et de ses mystères après des mois à la manipuler.
Elle reprit son souffle.
- Qui est Catherine ?
A l'entente de ces mots, le visage si serein et paisible de Travis se décomposa ; ses traits se liquéfièrent, il blanchit d'un seul coup, rata un battement de cœur, ses yeux s'écarquillèrent. Elena se tendit, pas assurée du trouble que Travis manifestait. Elle regretta presque de lui avoir posé la question tant son comportement changea, mais elle devait aller au bout de ses interrogations s'il voulait qu'il la voit entièrement un jour. Elle conserva une apparence tranquillité, les yeux rivés dans les siens.
Il haussa les épaules et tourna la tête face à ce contact trop intime pour lui.
- Comment connais-tu l'existence de Catherine ?
- Les bruits de couloir, éluda-t-elle, ne souhaitant pas impliquer Alexandra l'histoire.
- C'est Harold qui t'en a parlé ?
- Peut-être bien, mentit-elle sans honte, persuadée que le jeune homme n'irait jamais se mesurer à son frère.
Il resta silencieux quelques instants, le souffle court, comme s'il avait parcouru des centaines de kilomètres sans s'arrêter de courir. Instinctivement, il se mit à tordre ses doigts et de la sueur perla légèrement de son front. Au prix d'un effort qui parut difficile, Travis se retourna vers Elena pour la dévisager. La jeune femme fut troublée et agréablement surprise de n'y déceler aucune lueur de haine ou de colère, mais d'y lire plutôt un appel au secours, un besoin d'être réconforté. Elle s'approcha de lui, et il lui saisit la main sans un mot.
Enfin, il décida à se livrer.
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Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
RomanceDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...