19.3 - Lovers in Paris

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Comme elle s'y attendait, Travis fronça les sourcils, étonné par cette question - où le paraissait-il. Elena ne pouvait pas deviner que les muscles de son patron, les nerfs déjà à vifs, s'étaient tendus à l'entente de ce nom. Il feignit l'indifférence et haussa les épaules d'une manière parfaitement imitée.

- Dois-je te rappeler que je ne suis pas en charge du petit personnel ?

Il passa devant elle, lui lançant à la volée un regard chargée de reproches qu'elle ne comprit pas, et quitta la pièce pour rejoindre sa chambre. Laissée pantoise, Elena leva les yeux au ciel, ne sachant que faire. Pourquoi Travis était-il d'une humeur encore plus infecte qu'à l'accoutumée ? Un pincement la saisit au cœur lorsqu'elle se souvint de son expression attendrissante et angélique lorsqu'il dormait, si contraire à la personne qu'il était tous les jours...

Une vibration dans la poche de son pantalon la tira de ses considérations, et répondit à l'appel qui provenait de son téléphone portable.

- El, c'est Brooke ! s'exclama la voix de sa meilleure amie au milieu d'un brouhaha indescriptible.

- Ce n'est pas un peu le milieu de la nuit à New York ?

- C'est surtout le milieu de la meilleure fête à laquelle j'aie assisté depuis des lustres !

- Quoi ? sursauta Elena, le volume de sa voix augmentant sensiblement. Comment ça ? Où est Noah ?

- Il est à l'institut pour le reste de la semaine, les médecins pensent que ce serait mieux de la garder en observation quelques temps pour trouver un traitement.

- Et quand comptais-tu me l'annoncer ?! s'agaça la jeune femme, ne prenant plus la peine de contenir sa colère.

- Je suis en train de faire quoi, à l'instant ? Comment ça se passe, à Paris ?

Elena se mordit la lèvre, postée devant l'immense baise vitrée du salon, promenant son regard sur les rues de la capitale qui s'étendait sous elle. Ongles s'enfonçant lentement dans la chair de son bras, elle soupira en songeant à tout ce qu'il s'était passé depuis les dernières quarante-huit heures.

- Mitigé, je dois dire, finit-elle par répondre. Plutôt mal, à vrai dire...

- Elena ! lui parvint la voix de Travis. Nous partons !

- Je suis désolée...

- Ne t'inquiète de pas, la rassura Brooke, je suis attendue de toute manière. Je te rappelle plus tard !

Elena sourit faiblement et raccrocha, se sentant coupable à la fois d'abandonner son petit frère et de ne pas pouvoir accorder du temps à sa meilleure amie ; d'autant qu'avec les derniers événements avec Harold, il allait devenir de plus en plus difficile de se dégager un moment de libre...

Depuis la veille, la jeune femme n'avait plus repensé au jeune homme, se l'interdisant ; dès que l'idée lui traversait furtivement l'esprit, une sensation étrange fondait dans son estomac, sans qu'elle ne parvienne à comprendre s'il s'agissait de remords, de regrets, de culpabilité, ou d'un autre sentiment.

Travis s'engouffra brusquement dans le salon, coupant à son moment d'absence, revêtant une veste de costume à la hâte.

- Qu'attends-tu pour prendre ton sac ? La limousine nous attend en bas depuis une dizaine de minutes, maugréa-t-il sans réellement la regarder.

- Comment ? s'étonna Elena en s'activant. Je croyais que nous ne partions pas avant une demi-heure !

- C'est ce que je croyais aussi, pesta Travis en lui tenant la porte donnant sur le couloir, mais mon père a sûrement modifié l'heure du rendez-vous sans m'en parler.

- Pourquoi est-ce qu'il ferait une chose pareille ?

- Sans doute cherche-t-il à me punir de t'avoir embauché comme assistante suite à notre petite dispute. Ce n'était pas du tout comme cela que le plan devait tourner...

Elena ne répondit pas, se contentant de suivre son patron à pas rapides, manquant de crouler sous le poids du dossier qu'elle tenait dans les bras. Durant du trajet qui les emmener sur le lieu du défilé, la jeune femme observa discrètement le profil droit en renfrogné de Travis. Même si elle ne pouvait s'empêcher d'apprécier le juste retour de bâton après les manipulations dont elle avait été victime, elle ne pouvait s'empêcher de s'interroger, trouvant l'explication de Travis vague, presque illogique. Cependant, elle garda ses remarques pour elle ; après tout, le jeune homme connaissait bien mieux son père qu'elle...

Alors que la voiture patientait à un feu rouge, Travis se mit à la dévisager avec sérieux, une lueur indescriptible dans ses yeux bleus, provoquant des frissons chez Elena.

- Je ne t'ai pas entendue rentrer, hier soir. Quand es-tu arrivée ?

- Hum...

Le cœur d'Elena s'emballa au souvenir de son retour à la chambre d'hôtel et feignit l'indifférence.

- Je t'avoue que j'étais tellement fatiguée que je n'ai pas pris le temps de regarder l'heure, je suis allée me coucher directement, mentit-elle, yeux rivés dans les siens.

Un bref instant qui lui fit rater un battement de cœur, elle crut voir les sourcils de Travis se froncer et son expression se durcir, mais un clignement d'œil lui indiqua qu'elle avait certainement rêvé. Travis haussa les épaules, puis se mit à dévisager intensément le fauteuil en cuir devant lui, perturbant la jeune femme.

- Je me demande bien ce qu'Harold a pu faire pour te fatiguer autant, déclara-t-il d'une voix pleine de sous-entendu.

Les joues d'Elena rosirent, et ses poings se serrèrent légèrement, accusant la réplique acerbe avec mépris. Pourtant, sa voix resta calme lorsqu'elle lui répondit.

- Non seulement cela ne te regarde pas vraiment, mais je me souviens également que tu m'as donné carte blanche dans cette histoire, pour reprendre tes mots exacts.

Fièrement, la jeune femme se redressa de toute sa hauteur sur la banquette arrière, croisant les jambes pour se donner une certaine contenance face à son patron. Hors de question de se laisser faire une fois de trop.

- Et puis, qu'est-ce que cela peut bien te faire ? reprit-elle en l'observant dureté.

Le ton de sa voix était si sec qu'il se mit à la dévisager de nouveau, l'expression de son visage trahissant un ennui apparent. Quelque part Elena aurait aimé une réaction plus explosive de sa part, mais elle refusa de se démonter.

- Tant que j'accomplis la tâche que tu m'as demandé de remplir, je ne vois pas où est le problème, et pour quel raison tu remets mes méthodes en questions.

- Je veux l'exclure de la société, pas lui briser le cœur.

- Et que crois-tu qu'il va ressentir lorsqu'il découvrir toute la mascarade ? chuchota furieusement Elena, attrapant brutalement la manche du jeune homme. Je ne te parle pas de moi. Comment penses-tu qu'il va encaisser la trahison d'un frère qu'il aime plus que tout ? Je n'arrive toujours pas à croire que tu es près à lui faire tout ce mal pour satisfaire un désir égoïste.

- Tu penses que tu vaux mieux que moi ? persifla-t-il, dégageant la main de la jeune assistante avec rudesse. Tu es prête à tout faire perdre à un homme que tu ne connais même pas et pour lequel tu as des sentiments - ne mens pas, je le vois dans tes yeux !

Elle resta silencieuse un instant, digérant les propos de Travis avec difficulté - ils étaient tous ce qu'elle refusait d'admettre, la raison pour laquelle la culpabilité lui mordait le cœur... Elle frémit faiblement et inspira pour se calmer, sans cesser baisser es yeux mordorés face au regard glacial qui lui servait Travis.

- La différence entre nous, c'est que j'agis dans l'intérêt de ma famille. Pas contre elle, murmura-t-elle avec une hargne à peine dissimulée.

- Et que sais-tu de ma famille, ma jolie ?


Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant