Sans dire mot, elle opina du chef, mais ne bougea pas, terrifiée et en même temps excitée à l'idée de devoir rapprocher son corps de celui d'Harold et de laisser la musique guider leurs pas. La dernière fois qu'Elena avait dansé avec un homme, Marco avait fait fondre toutes les barrières de son cœur, toutes ses défenses, mis à terre ses doutes ; et quelque part, une partie de son âme refusait de donner à Harold ce qu'elle avait donné un jour à celui qu'elle avait pris pour l'amour de toute une vie.
Mais tandis qu'elle restait tétanisée, paralysée sans savoir que faire, les yeux d'Harold se plantèrent dans les siens et les doigts de sa main droite caressèrent lentement la peau laissée nue dans le dos d'Elena. Le désir qu'elle lisait dans ses prunelles, ce désir qu'il avait pour elle aurait pu lui faire tourner la tête, mais il se contenta d'écarter d'un revers de cil toutes ses angoisses et ses remords à l'égard de Marco, et de Travis.
Harold enroula sa main autour de la taille fine d'Elena et l'attira contre son torse, sans cesser de la dévorer du regard ; elle avait cette aura délicate et lumineuse ainsi que cette grâce qui appartenait habituellement aux anges et aux créatures surnaturelles. Il aurait été tellement facile de se laisser duper et berner par son sourire angélique, ses fossettes ravissantes et ses courbes délicieuses.
Il tombait littéralement pour ses yeux et la chaleur de ses reins. Doucement, leurs fronts se collèrent, tandis qu'il la serrait fermement contre lui. Les paupières closes, le jeune couple se mit à se mouvoir au rythme de la mélodie cristalline et délicate, des notes de piano enivrantes, portés par les paroles que chantait toujours la voix grave de l'homme, un peu plus loin derrière eux ;
With each word your tenderness grows,
Tearin' my fear apart
And that laugh... wrinkles your nose
Touches my foolish heart
Elena enroula ses bras autour de la nuque d'Harold, le cœur mordant d'une culpabilité inexplicable ; ses dents vinrent trouver un maigre refuge sur sa lève inférieur, et toujours en gardant les yeux fermés, pour ne pas fondre en larmes en voyant le visage si doux et innocent du jeune homme, elle se rapprocha encore plus de lui, si cela était possible. Un soupir vint chatouiller sa peau, ses joues, et elle comprit qu'Harold ne la laisserait pas s'enfuir loin de lui ; un sanglot manqua de lui échapper, mais elle le retint de justesse. Les bras et le corps d'Harold lui semblaient si réconfortants, si familier, qu'elle aurait donné tout ce qu'elle possédait pour ne jamais en partir, ne jamais quitter ce havre de paix dans lequel elle se sentait si heureuse et sereine.
Il passa la main dans ses cheveux bouclés, s'attardant volontairement sur son bras, son épaule, sa clavicule, se délectant de chaque partie de son corps que ses doigts couvraient et découvraient. Pour un instant, s'il gardait les yeux fermés, il pouvait prétendre que le monde autour d'eux n'existait pas, et qu'elle était la seule réalité de son univers ; elle et son sourire, son corps, sa poitrine, son souffle, la froideur de ses joues malgré la nuit d'été ; et ses lèvres, ses lèvres qu'il ne pouvait s'empêcher de violer du regard tant il désirait s'en saisir pour ne jamais s'en décrocher.
Elle ouvrit doucement les paupières, ne pouvant s'empêcher de satisfaire sa curiosité, et de se rassasier de la beauté discrète de son partenaire, admirant sans se cacher l'harmonie de ses traits et de sa candeur naturelle. Elle souriait légèrement lorsqu'il ouvrit les yeux à son tour, sa main toujours perdue dans ses cheveux, quand le refrain retentit une énième fois.
Lovely... never, never change
Keep that breahtless charm
Won't you please arrange it ? Cause I love you
Just the way you look tonight.
Se balançant toujours aussi lentement, ils se contentèrent de s'observer sans parler. Elena avait du mal à se concentrer et à masquer son trouble, tremblante dans les bras virils et vigoureux d'Harold. Elle déglutit, se laissant porter par la mélodie. Et si... plus rien de toute cette histoire n'avait désormais de rapport avec le contrat ? Et si elle ne restait plus qu'à cause des sentiments confus qu'elle entretenait pour eux, sans penser une seconde supplémentaire à la récompense promise ?
Et si... et si Harold pouvait lui offrir ce qui lui manquait ? Comment accepter de lui mentir encore ? Son cœur s'accéléra en croisant ses yeux couleur de bronze, brillants, magnifiques. En cet instant, plus rien ne comptait mis à part la lueur fiévreuse qu'elle distinguait dans ses iris.
La musique arrivait sur ses derniers accords, de plus en plus douce, jusqu'à n'entendre que quelques notes de piano éparses. Harold et Elena cessèrent lentement de danser, leurs corps collés l'un à l'autre, se contemplant avec intensité. Le calme les enveloppait de sa légère brise, et Elena en oublia tout jusqu'à son nom, sa mission, ses sentiments irrépressibles pour Travis, le cœur tremblant si fort la chamade qu'une partie de son esprit s'inquiétait que son compagnon ne perçoive les battements frénétiques dans sa poitrine. Durant un instant, le temps sembla se suspendre dans les airs, comme s'il n'existait rien d'autres que leurs âmes en train de mêler irrésistiblement l'une à l'autre.
La main d'Harold, perdue dans les cheveux d'Elena, glissa lentement de ses mèches à sa nuque, sans cesser de la dévorer du regard. Elle sentit une faiblesse dans les jambes devant ce regard intense, mais ne faillit pas. Personne ne l'avait contemplée ainsi depuis tellement d'années, et la main du jeune homme était si chaude sur sa peau froide qu'elle la picotait légèrement. Dans un geste d'une douceur inqualifiable, il l'attira vers, tenant fermement sa nuque, puis arrêta son geste à un millimètre seulement de la bouche d'Elena, ses pupilles s'attardant délibérément sur la pulpe de ses lèvres. Cette fois-ci, le souffle manqua à la jeune femme, et Harold en profita pour se pencher vers elle, lui arrachant un baiser plus léger qu'un papillon, provoquant des frissons le long de son dos.
Leur baiser ne dura qu'une fraction de seconde, Harold ne désirant pas affoler la jeune femme en se montrant trop pressant. Ses yeux caressèrent du regard les joues rougies d'Elena, son ossature se devinant légèrement sous la peau crémeuse, avant de se perdre de nouveau sur ses deux pétales de rose ornant sa bouche, gardant le silence. Elena déglutit, encore retournée par la sensation de douceur des lèvres d'Harold et la bienfaisante chaleur qui se répandait dans son estomac. Son désir grimpa d'un seul coup, enivré par l'excitation qu'elle lisait dans ses yeux.
Constatant que la jeune femme ne pipait mot, Harold souffla de nervosité.
- Elena, je... je...
- Embrasse-moi encore, lui murmura-t-elle en entourant impulsivement ses bras autour de son cou.
Sans se faire prier, et avec un sourire radieux éclaira la perfection de ses traits, le jeune homme saisit cette fois sa taille avec fermeté avant de l'embrasser fougueusement, oubliant jusqu'à la nuit étoilée de Paris ainsi que la brise qui fouettait leurs visages.
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Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
RomanceDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...