A l'aéroport d'Heathrow, Elena n'arrêtait pas de se tordre les doigts de nervosité. Ses yeux scrutaient le moindre sourire, le moindre visage, à la recherche d'une tignasse dorée aux reflets roux. A ses côtés, Travis était nonchalamment assis dans un fauteuil du petit salon réservé pour les classes affaires, un journal dans les mains. De temps à autres, il prenait son portable dans les mains et passait un coup de fil.
La jeune assistante était assise distraitement, l'anxiété lui rongeant l'estomac. Comme Travis le lui avait demandé - enfin, ordonné - elle avait revêtu son petit décolleté rouge par-dessus sa jupe de tailleur. Cela la mettait mal à l'aise ; à quelques reprises, la jeune femme avait cru voir les yeux bleus de l'homme se détourner vivement de cette partie de son anatomie lorsqu'elle se tournait vers lui.
S'apercevant que Travis était toujours plongé dans sa lecture, Elena sortit son téléphone portable en écartant une mèche de ses cheveux châtains, afin de contempler une fois de plus la photo que Brooke lui avait envoyé ce matin-même. Noah était vêtu d'une veste bien chaude avec un petit bonnet enfoncé sur sa tête, un sourire béat sur son visage poupin. Il posait à côté des valises. Un second cliché montrait un selfie des deux.
"Parés pour la Terre Promise !" s'étalait la légende du message.
Elena esquissa un petit sourire, émue. Elle sentit que Travis se penchait sur son épaule pour observer la photographie.
- Ton petit frère est mignon.
- Ne me parles pas de lui, pesta la jeune femme. Tu n'as pas hésité à l'utiliser.
- Je suis simplement un homme qui sait ce qu'il veut, Elena.
Son ton n'appelait aucune réplique et ses yeux étaient plantés dans les siens, sans dévier aucunement. La jeune femme l'ignora. Travis l'avait suffisamment agacée pour le reste de la journée ; il n'était que neuf heures, mais son patron avait été intraitable, la forçant à courir dans tout l'hôtel et toute la ville pour ses moindres caprices.
Le silence retomba entre eux. C'était la première fois qu'Elena s'apprêtait à prendre l'avion, et la jeune femme ne pourrait même pas partager ce moment avec sa famille, obligée de restée collée à Travis, glacial et narquois comme à son habitude.
Il lui tardait de voir Harold. Elena ne l'avait même pas croisé ce matin à l'hôtel ; Travis avait tenu à partir le plus tôt possible, se moquant éperdument de son père et de son frère. Visiblement, le sens de la famille n'était pas le même chez tous le monde...
Son portable se mit à sonner, interrompant ce moment de gêne. Travis s'éclaircit la gorge et leva vers elle un regard froid.
- Je ne te paye pas pour que tu restes scotchée au téléphone.
Il s'interrompit.
- Décroche ! rugit-il tandis que la sonnerie continuait de retentir dans la salon privé.
De yeux noirs, des lèvres pincées, et Elena finit par s'éloigner de Travis, contenant son énervement avec peine.
"Une bonne claque à l'arrière de la tronche, c'est tout ce qu'il mérite !"
Le numéro lui était inconnu. Intriguée, elle s'enquit :
- Allô ?
- Mademoiselle Charles ? Je ne vous dérange pas ?
La voix de Carmichael venait de lui répondre. Aussitôt, Elena se raidit. Même si Carmichael n'était plus exactement son patron, les quelques jours qu'elle avait passé chez Anderson Luxury avaient suffi à programmer son corps à réagir à sa voix.
- Monsieur Carmichael, comment allez-vous ? demanda-t-elle poliment, ne comprenant pas pourquoi lui téléphonait.
"Travis l'a bien prévenu que je ne travaillais plus au siège... non ?"
- Bien, merci. En fait, je m'interrogeais à votre sujet. Vous n'êtes pas trop angoissée ?
- Légèrement, je dois dire, avoua honteusement Elena, en observant secrètement Travis, qui consultait régulièrement sa montre.
Carmichael eut un petit rire qui surprit Elena. Elle n'imaginait pas que le trentenaire, si rigide en apparence, puisse pouffer avec bienveillance.
- C'est tout à fait normal. M. Anderson n'est pas un homme facile à apprivoiser, mais vous pourrez compter sur moi pour vous conseiller, Elena. N'hésitez pas à m'appeler si vous avez la moindre question.
- Merci, Monsieur, murmura la jeune femme, touchée.
Le chef des assistants était définitivement plein de surprise, et, étrangement, leur conversation calmait les battements de cœur affolés d'Elena. Guettant l'entrée du salon, Harold n'apparaissait toujours pas, et elle avait désespérément besoin de compagnie. Etre seule avec Travis ne lui plaisait guère.
- Pour tout vous avouer, j'ai été assez déçu que M. Anderson me prévienne avoir été conquis par vous.
- Comment ? s'exclama Elena, un peu trop fort.
- Ce sont les mots qu'il a employé, laissa tomber Carmichael avec un brin d'amusement dans la voix.
Elena se sentit rougir et un feu naquit au fond de ses entrailles, l'enveloppant d'une vague de chaleur déferlante. Sa main vint soutenir sa lourde tignasse afin de la soulager un instant. Presque malgré lui, le regard de la jeune femme se dirigea vers le visage impassible de Travis, qui tourna la tête au même instant. Désarçonnée, Elena dévia les yeux rapidement, mais elle avait eu le temps d'apercevoir une petite fossette apparaître sur la joue de Travis.
- Je peux comprendre M. Anderson, d'ailleurs. Vous ne manquez pas de charme, Elena.
- Je pense qu'il a simplement voulu dire que mon travail l'a satisfait, souffla la jeune femme, rouge de confusion.
Carmichael l'avait-il complimentée à l'instant ? Lui qui lui avait semblé si dur, le premier jour...
- Elena ! Tu te crois en vacances ou quoi ? maugréa Travis en se levant de son siège pour lui signifier de ne plus s'attarder.
- Je ferais sans doute mieux de vous laisser, soupira Carmichael.
Travis avait crié tellement fort qu'il l'avait entendu au travers du téléphone.
- C'est vrai que ce n'est pas un homme très patient, laissa tomber Elena en passant un main dans ses cheveux, un petit sourire dans la voix.
- J'ai été ravi d'avoir cette conversation avec vous. N'hésitez pas à me rappeler, si vous avez besoin de conseils ou simplement d'une oreille attentive.
- Merci beaucoup, Monsieur...
- Je vous en prie, appelez-moi Benjamin, la coupa-t-il doucement. A une prochaine fois... j'espère.
L'instant d'après, le bip caractéristique de fin de conversation téléphonique remplaçait la voix de l'homme. Elena demeura un instant immobile, interdite, portable en main. Sourcils froncés, elle s'attardait sur les dernières paroles de Carmichael - de Benjamin. Venait-il de lui témoigner de la sympathie ?
Cependant, elle ne put y réfléchir plus longtemps ; une main la saisit fermement par le poignet, et elle sursauta d'effroi.
- Tu as fini de fricoter, c'est bon ? ragea Travis en l'entraînant vers les sièges.
- Lâche- moi ! s'agaça-t-elle en se débattant.
- Non, fit l'autre imperturbable. Plus question que tu t'éloignes de moi.
- M'éloigner ? souligna Elena, en se dégageant de son emprise. Impossible ! Je te rappelle que tu me fais du chantage ! Tu n'es qu'un...
- Un quoi ? murmura Travis l'attirant brusquement contre lui.
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Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.
RomanceDepuis toujours, Travis Anderson rêve d'hériter d'Anderson Luxury, dont son père est le fondateur. Entreprise pionnière dans le monde du luxe, sa puissance ne fait plus aucun doute. Seul problème de Travis : son frère aîné, Harold. Plus brillant, pl...