9.2. Night Angel

4.6K 396 23
                                    

- Bon sang Elena, tu m'écoutes quand je te parle ? bougonna la voix de Travis à l'autre bout de la table.

L'interpellée sursauta son coude sur lequel elle appuyait nonchalamment sa tête molle, glissant. Tombant de sommeil après sa courte nuit, les paupières d'Elena tombaient naturellement sur ses prunelles sans qu'elle ne s'en rende compte. Muscles endoloris et tendus, son corps lui intimait insidieusement de retourner finir sa nuit.

Elle n'avait dormi qu'une petite heure, avant d'entendre le cri strident du réveil briser ses rêves. Terrassée par le sommeil, la jeune femme s'était néanmoins levée, ne se sentant pas la force de supporter les remontrances de Travis concernant son manque de professionnalisme.

Visiblement, c'était raté. Elle piquait du nez dans son assiette de pancakes, tandis que Travis parcourait son journal des yeux tout en avalant lentement ses tranches de bacon.

- Je... oui, oui, j'écoute ! affirma Elena en se redressant comme si de rien n'était.

- Tu sais, j'ai une sainte horreur du mensonge, prévint l'autre d'un ton froid.

"Pourtant, cela ne te dérange pas de manipuler tout le monde autour de toi..."

Un toussotement lui parvint aux oreilles et elle releva vivement la tête. Les yeux de Travis étaient vrillés sur elle, furibonds, et la contraction de sa mâchoire indiquait clairement son mécontentement. Un petit sourire mesquin naquit sur ses lèvres.

- Oups. J'ai dit ça à voix haute ? fit-elle, insolemment.

- Il semble effectivement que ton esprit ne soit pas en mesure de garder certains réflexions à son appréciation personnelle, asséna Travis, cassant.

Se retenant de souffler et de lever les yeux au ciel, la jeune femme se contenta de mordre de nouveau dans un pancake, luttant derechef contre ses yeux qui menaçaient de se fermer.

La discussion avec Benjamin lui avait fait du bien, et elle avait réussi à retrouver confiance en ses capacités. Jusqu'à présent, Travis n'avait eu qu'à se plaindre de son insolence, mais pas de son travail. Et bien que les dernières paroles d'Harold soient toujours un mystère pour elle, son comportement n'avait cessé de montrer un homme gentil et agréable.

- Est-ce qu'Harold a demandé à te revoir ?

- Oui, bien sûr.

- Bien. Tu n'es donc pas si empotée que tu sembles, commenta le jeune homme en replongeant dans son journal.

- Tu doutais de mes capacités ? s'enquit Elena d'une voix lasse.

De bon matin, elle se serait bien passée de ses remarques désagréables.

- Personnellement, je ne me serrais jamais attardé sur toi, laissa tomber son patron sans prendre la peine de la regarder. Apparemment Harold et moi n'avons pas le même standing en ce qui concerne les femmes.

Hoquetant sous l'insulte, Elena laissa tomber brusquement les couverts dans l'évier, s'entrechoquant bruyamment. Une colère sourde gronda en elle, véritable venin s'infiltrant dans ses veines pour s'étendre jusqu'à son cœur et remonter jusqu'à son cerveau. Elle serra les poings, vexée de la remarque, touchée en plein dans son amour-propre. Mais quel connard !

"Je vais le tuer. Ou bien le frapper. Oui, il y a forcément une claque qui va voler toute seule !"

Elle tenta de se maîtriser. Des pulsions presque meurtrières s'emparaient de son corps lorsqu'elle dévisageait Travis et son air si sérieux et calme.

- C'est certain. Tu préfères celles que tu peux acheter, puisque personne n'est capable de supporter ton arrogance.

- T'as vraiment mauvais caractère, tu le sais ? gronda Travis, accusant la réplique de sa jeune assistante.

- C'est toi qui me dit ça ? ironisa-t-elle en se levant de table. C'est l'hôpital qui se fout de la charité !

- Tiens-tu absolument à réveiller mes mauvais instincts ? menaça Travis d'une voix basse et rauque qui la fit frissonner.

Elle resta plantée en le fixant longuement. L'idée de s'enfuir devant Travis était insupportable. Durant une minute qui lui sembla une éternité, ils s'affrontèrent du regard, ne voulant céder ni l'un ni l'autre. Son visage fermé, ses lèvres pincées et les bras croisés, Elena attendait furieusement que Travis courbe l'échine. Finalement, l'homme pesta.

- Hors de ma vue. Je te donne ta journée, ton impertinence me fatigue.

Elena tourna sèchement les talons pour trouver refuge dans sa chambre. Une fois isolée, un cri de rage lui échappa et elle dût se faire violence pour ne pas casser les bibelots qui encombraient la pièce, comme elle l'avait fait par le passé.

Que lui avait dit Benjamin, déjà ? Se concentrer sur les aspects positifs de la situation. Si vivre au côté de Travis Anderson était tout sauf une partie de plaisir, au moins la jeune femme avait-elle sa journée.

En dix minutes, Elena fut prête, décidée à échapper à cette prison dorée dans laquelle Travis l'avait acculée. Elle sortit sans lui adresser le moindre mot, tandis qu'il émettait une énième réflexion.

- Jolie robe !

***

- Je te jure que je vais craquer. Je vais me barrer loin de cette famille de dégénérés ! hurla presque Elena, manquant de renverser son café avec ses grands gestes.

- Doucement, ou c'est celle qui va m'éloigner, c'est moi ! bougonna Brooke en évitant de justesse le coup de coude de sa meilleure amie.

Installée sur le sofa, au beau milieu de l'immense appartement qu'occupait Brooke, Elena laissait exploser ses désirs violents à l'égard de son patron. La fatigue n'aidait pas, la rendant d'autant plus irritable et exubérante. Brooke se mordit la lèvre. Proposer un café n'avait peut-être pas été l'idée du siècle...

Heureusement, Elena semblait être à bout de forces, puisqu'elle laissa mollement retomber ses membres et passa une main tremblante de colère sur son visage, yeux clos. Brooke l'observa sans rien dire, exerçant une pression amicale sur le genou de la jeune femme.

- Tu aimerais partir ?

- Des fois, je me dis que l'on pourrait reprendre les recherches mais...

Elle s'interrompit. C'était à elle de tenir le coup, et il n'y avait rien d'autre à dire.

Une vibration se fit entendre et Brooke fronça les sourcils.

- C'est ton téléphone ?

- Sûrement, soupira Elena tandis qu'une deuxième vibration retentissait.

Elle saisit son portable, désappointée de constater quelle importance il avait prit dans sa vie, coincée entre les messages des deux frères.

Deux textos s'affichaient sur son écran. Le premier était de Benjamin.

--------------------
DE : B. Carmichael
A : Elena Charles

Comment te sens-tu ? J'espère que notre conversation ne t'as pas trop épuisée.
---------------------

Le second était de Travis. A la vue de son nom, étalé sur l'écran, Elena sentit que la fureur reprenait le contrôle sur elle. Ne pouvait-il pas lui lâcher les baskets plus d'une heure ou deux ?

Elle ouvrit le message, méfiante. Son cœur s'accéléra à la lecture des mots et ses yeux s'écarquillèrent. Une vague de chaleur l'enveloppa.

--------------------
DE : Travis Anderson
A : Elena Charles

Je n'ai pas pour habitude de côtoyer une femme plus d'une nuit. Peux-tu me pardonner ? J'ai besoin de toi.
---------------------

Il y eu une troisième vibration et les mains d'Elena tremblèrent et elle se mordit la lèvre, confuse. Une pierre tomba lourdement dans son coeur.

--------------------
DE : Travis Anderson
A : Elena Charles

Je le pense sincèrement
---------------------

Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant