Every Breath You Take : Alliances | Tome 1.

14.1. Lights Of Shadows

Après son altercation avec Aiden, Elena s'était sentie mal tout le reste de la journée, et ni les plaisanteries de Harold, ni les sollicitations de Travis n'avaient rien pu y changer. Son esprit était tourmenté par des souvenirs douloureux, et elle ne parvenait pas à croire que Aiden - le seul homme en qui elle avait jamais eu confiance avant qu'il ne les abandonne - ait eu le culot de se montrer pour lui donner de si misérables explications.

La tentation était grande d'appeler Brooke et de tout lui raconter. Cela allègerait sûrement son cœur et sa conscience, mais la profonde tristesse qu'elle avait pour sa meilleure amie le lui en empêchait. Si Elena avait eu le cœur brisé une fois que le seul membre restant de sa famille lui ait tourné le dos, la peine de Brooke n'avait pas eu d'égal. Elena se refusait de la tourmenter, sachant combien elle était fragile et sensible à ce sujet. C'était à cause du départ de Aiden que Brooke s'était mise à coucher à tout va.

Non, Elena ne devait plus penser à cela, d'autant qu'elle ne savait toujours pas quand Marco déciderait de la rencontrer... Cette angoisse omniprésente n'arrangeait pas ses affaires, et elle n'avait pas besoin d'ajouter le problème Aiden à cette équation.

Il fallait qu'elle se recentre autour de sa priorité ; séduire Harold pour sauver la vie de Noah. La jeune femme sentait qu'elle s'écartait de sa mission petit à petit, dérivant vers des sentiments qu'elle ne comprenait pas - ou, pour être exacte, qu'elle ne désirait pas comprendre.

Malheureusement pour Elena, il était dur d'échapper à ses instincts alors qu'elle voyait Travis Anderson tous les jours, depuis le moment où il se levait jusqu'à celui où lui souhaitait bonne nuit, avec un petit sourire en coin, révélant de jours en jours une douceur insoupçonnée derrière son masque de glace. Impossible de ne pas tressaillir lorsqu'il posait ses yeux perçants sur elle. Impossible pour elle de ne pas s'attendrir devant l'air concentré que Travis arborait, penché sur ses papiers, assis devant son ordi, ou en parcourant le journal...

Impossible non plus de ne pas se mordre la lèvre devant ce corps musclé, aux abdos bétonnés, lorsqu'il sortait de sa douche ou revenait de son sport en sueur.

Elle ne comprenait pas. Comment en était-elle venue à le trouver si terriblement attirant ? Est-ce à cause de ce qu'elle ressentait lorsqu'il lui prenait la main ? A cause de son tempérament imprévisible qui la charmait dorénavant plus qu'il ne la repoussait ?

Non, non, non. Je ne dois penser qu'à Harold, et à cette merveilleuse soirée qui n'attend que nous, se fustigea-t-elle, alors qu'elle terminait de préparer le déjeuner de Travis.

La voix de ce dernier, bien réelle, la tira de son songe en un sursaut, manquant de renverser les œufs.

- Elena, peux-tu venir ? J'ai à te parler, ordonna-t-il sur un ton qui mêlait à la perfection la douceur et la fermeté.

- Je ne peux pas laisser la cuisson sans surveillance. Pourrais-tu te déplacer ?

Une sensation étrange se répandit dans son estomac tandis que Travis soufflait mais obtempérait néanmoins. Difficile de comprendre comme les relations entre eux s'étaient presque normalisées.

Presque, parce qu'il demeurait Travis Anderson.

Il apparut dans l'encadrement de la cuisine, les bras croisés, les sourcils légèrement froncés.

- Ça sent divinement bon, complimenta-t-il en se rapprochant légèrement. Qu'est-ce que tu nous prépares ?

- Nous ? s'étonna-t-elle en se tournant vers lui, perplexe.

Depuis le début de leur contrat, Travis ne l'avait jamais conviée à déjeuner avec lui. Il glissa sa main sur le plan de travail afin de s'appuyer sur celle-ci, et il se mit à l'observer, la tête un peu penchée, un air sérieux sur son séduisant visage. Elena se sentit rougir et se cachant furtivement derrière ses longs cheveux avant que Travis ne s'en rende compte.

- Tu n'as pas envie de manger avec moi ?

- Si, si, bien entendu, acquiesça-t-elle avec un petit sourire.

- Bon. Alors, réponds à ma question maintenant, fit-il malicieusement.

Ce changement de ton fit battre le cœur de la jeune femme.

- Je croyais que tu avais quelque chose à me dire, le taquina-t-elle en lui lançant un regard d'un œil brillant.

- Toi d'abord, rit-il en passant sa main libre dans ses cheveux noirs.

Elena se retint de se mordre les lèvres. Il ne manquait plus qu'il soit torse nu et la photographie serait parfaite.

- Des œufs brouillés au saumon.

- Nous allons à Paris pour la Fashion Week.

- Quoi ?! s'exclama-t-elle, estomaquée.

A en juger le sourire radieux et victorieux qui se dessina sur les lèvres de son patron, Elena comprit que sa réaction était le résultat que Travis escomptait. Elle resta immobile une seconde, incertaine de ce qu'il venait de dire.

C'était donc pour cela que Benjamin m'a envoyé un message pour savoir si nous allions à Paris ! réalisa-t-elle soudainement tandis que le sourire de Travis s'élargissait.

- Le contrat avec Channel sera finalisé à Paris, c'est donc une bonne occasion de nous plonger un peu plus dans le monde de la mode, puisque nous allons élargir l'entreprise dans ce domaine, commenta-t-il gentiment. Et je savais que cela te ferait plaisir, ajouta-t-il en se penchant un peu plus vers la jeune femme.

- Je.... Brooke, Noah...

A cet instant, c'était tout ce dont elle était capable de penser malgré le parfum enivrant - c'était du jasmin, non ? - de Travis. Son petit frère n'était pas en mesure de voyager avec le traitement du laboratoire... Travis saisit son interrogation muette qui avait contracté ses traits imperceptiblement, et il souffla.

- Tu sais bien qu'ils ne peuvent pas venir.

Elle baissa la tête, dépitée, ne pouvant se résoudre à mettre un océan entre eux. La douceur d'une caresse sur sa joue, prolongée jusqu'à ses lèvres et à la naissance de son cou la fit frémir de tout son corps et ses yeux ambrés tombèrent sur la bouche de Travis. Quand s'était-il assez approché pour la toucher ainsi ?

La jeune femme eut un mouvement de recul, mais si imperceptible que Travis le remarqua à peine. Il avança lentement sa main vers la spatule que tenait Elena pour la saisir.

- Je termine de m'en occuper. Appelle ta famille.

- Travis, voulut-elle protester.

- C'est un ordre, Elena, la coupa-t-il fermement, en la poussant gentiment pour qu'elle lui laisse sa place devant la plaque cuisson.

Elle demeura plantée durant quelques secondes, ahurie de ce spectacle, incrédule, et avec son rythme cardiaque qui s'accélérait face à cette tendresse que Travis manifestait si peu souvent. Il lui retourna un regard qui la transperça de part en part.

- Vas-y !

Hochant brièvement la tête pour signifier son obtempération, Elena ne se fit pas prier et disparut de la cuisine, laissant Travis seul. Pour elle-même et malgré elle, elle sourit faiblement, attendrie.

Son sourire disparut bien vite lorsqu'elle remarqua une enveloppe écarlate, posée sur la table du salon, scellée par la tête d'un Lion Noir, surmontée d'une fleur d'asphodèle.